Politique

France : l’Assemblée adopte deux lois pour la protection de l'enfance

- Face à une explosion de la prostitution des mineurs, décrite comme une « pandémie », et la diffusion d’une vidéo montrant un enfant tondu en guise de punition dans un foyer l’Assemblée adopte deux textes pour mieux défendre les enfants en danger

Mariem Njeh  | 12.12.2025 - Mıse À Jour : 12.12.2025
France : l’Assemblée adopte deux lois pour la protection de l'enfance

Istanbul

AA / Istanbul / Mariem Njeh

Dans un contexte marqué par une crise profonde de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), l'Assemblée nationale française a adopté jeudi deux propositions de loi portées par le groupe Socialiste lors de sa niche parlementaire. Ces textes visent respectivement à garantir un avocat aux enfants placés et à mieux protéger les mineurs isolés étrangers.

Un avocat pour chaque enfant placé

Le premier texte, porté par Ayda Hadizadeh, députée socialiste du Val-d’Oise, instaure la désignation systématique d’un avocat pour chaque enfant faisant l’objet d’une mesure d’assistance éducative. Il concerne les quelque 380 000 mineurs placés en foyer, en famille d’accueil ou suivis en milieu ouvert. La loi vise à assurer le droit de chaque enfant à être assisté d’un avocat dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative et de protection de l’enfance.

L'objectif est d'offrir un représentant juridique indépendant des familles et des services sociaux. Le texte précise que « l’assistance d’un avocat pour le mineur (...) est, de droit, intégralement prise en charge par l’État au titre de l’aide juridictionnelle ».

« Un enfant est un sujet de droit et des droits sans gardien, ce ne sont que des mots sur du papier », a plaidé Hadizadeh dans l'hémicycle, soulignant que la République échouait à « protéger ses enfants inconditionnellement ». Jusqu'ici, l'assistance d'un avocat dépendait du discernement de l'enfant et de la décision du juge. Ce texte a reçu un large soutien sur les bancs de l'Assemblée.

« Douze enfants morts depuis juillet »

Les débats se sont tenus dans une atmosphère lourde, alors qu'une vidéo virale montrant un garçon de 8 ans tondu en guise de punition dans un foyer parisien a suscité « la stupeur et le dégoût » cette semaine.

Une inspection administrative au sein de ce foyer, géré par l’association Jean-Cotxet, a été diligentée. La scène, filmée et diffusée sur une messagerie interne, a suscité des commentaires moqueurs de la part de certains employés qualifiant l'acte de « sanction », selon des captures d'écran consultées par des médias locaux.

Lors de son intervention, Ayda Hadizadeh a égrené une liste macabre pour illustrer les défaillances du système : « Qui d'entre vous sait que depuis juillet 2024, 12 autres enfants placés sont morts ? ». Elle a cité Haïdel, 7 ans, « battu à mort par sa famille d'accueil », Hawa, 15 ans, « morte de solitude », ou encore Nicolas, 14 ans, suicidé après avoir été « violé dans son foyer ».

Prostitution et manque de moyens

C'est précisément dans ce contexte de réflexion nationale sur le rôle de l'État et sa capacité réelle à protéger les mineurs, que plusieurs spécialistes ont tenu à verser au débat la question de l'exploitation sexuelle de ces profils fragiles, décrite comme une composante indissociable de la délinquance actuelle.

Intervenant sur Radio France, Michel Amas, avocat au barreau de Marseille, a souligné que la France fait face à une « pandémie » de prostitution touchant environ 20 000 mineurs. « Les proxénètes ont changé de système de rentabilité. C’est plus rentable les enfants, il y a moins de danger », a-t-il expliqué.

De son côté, le journaliste Antoine Giniaux a décrit un mode opératoire rodé : des micro-réseaux ciblent des jeunes sur TikTok ou Snapchat, simulent des relations amicales, puis enferment les victimes dans une dette fictive.

Face à ces constats, Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants, a alerté sur le manque d'encadrement, évoquant des ratios d'un éducateur pour 14 enfants dans certains foyers.

Seconde loi : protection renforcée pour les mineurs isolés

Dans la foulée, les députés ont adopté un second texte, plus clivant, défendu par le député socialiste Emmanuel Grégoire, « visant à protéger les mineurs isolés et à lutter contre le sans-abrisme ».

Approuvé par 144 voix contre 100, ce texte a été vivement combattu par le Rassemblement national (RN), qui a reproché à la Droite républicaine de ne pas s'être suffisamment mobilisée.

Cette loi instaure une « présomption de minorité » pour les jeunes migrants non accompagnés (MNA) et supprime les tests osseux pour déterminer l'âge, une méthode jugée scientifiquement peu fiable par les défenseurs des droits. Le texte garantit également le maintien en hébergement d'urgence des jeunes contestés dans leur minorité jusqu'à ce qu'une décision de justice définitive soit rendue.

« Il y a 350 000 personnes qui sont en situation de rue, plus de 2 000 enfants passent leur nuit dehors », a justifié Emmanuel Grégoire, dont le texte avait pourtant été rejeté en commission la semaine précédente.

Cette proposition de loi ne fait cependant que commencer son parcours législatif. Pour le poursuivre, elle devra maintenant être examinée au Sénat.

L'UNICEF salue cette « avancée majeure » et l'interdiction des tests osseux

L'UNICEF France s'est félicitée, jeudi, de l'adoption par l'Assemblée nationale de la loi portée par le député Emmanuel Grégoire, qualifiant le texte d'« avancée majeure ». L'organisation humanitaire approuve particulièrement la garantie d'hébergement durant toute la procédure de recours et l'interdiction des tests osseux et dentaires pour la détermination de l'âge.

« C'est un signal politique fort : la France reconnaît enfin que la protection des mineurs non accompagnés ne peut souffrir d’aucune zone grise », a déclaré Adeline Hazan, présidente de l'UNICEF France, appelant désormais le Sénat à confirmer ce vote pour « restaurer des droits trop souvent bafoués ».


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