AA / Istanbul / Wafae El Baghouani

Alors que la nuit tombe sur Oxford Circus, l’un des quartiers commerçants les plus chers du monde, les vitrines illuminées contrastent avec les scènes de précarité visibles sur les trottoirs : des dizaines de personnes dorment sous les porches et dans les passages. Ce contraste saisissant met en lumière la fracture sociale croissante à Londres, où richesse et pauvreté coexistent de manière dramatique.

Le rapport Homelessness Monitor England 2025, publié par l’ONG britannique Crisis, alerte sur une montée rapide de l’itinérance en Angleterre. Le nombre de personnes dormant dans la rue a augmenté de 20 % sur un an, atteignant 4 667, soit près du double du niveau observé au plus fort de la pandémie de Covid-19. Cette augmentation touche particulièrement Londres, où plus de la moitié des sans-abri sont désormais des étrangers, conséquence directe de l’augmentation des demandes d’asile et des efforts pour résorber l’arriéré des dossiers.

En 2024, 330 000 foyers ont été considérés comme sans-abri ou à risque de le devenir, soit une hausse de 4 % par rapport à l’année précédente et de 21 % sur trois ans. La capitale britannique est particulièrement touchée, avec une augmentation de 7 % parmi les personnes à risque et de 27 % parmi celles déjà sans-abri. Le rapport pointe notamment l’impact des expulsions des logements pour demandeurs d’asile (+37 %) et la situation des personnes quittant les prisons ou les hôpitaux (+22 %). Les cas liés aux violences domestiques ont également augmenté de 14 % depuis 2021, suite à de nouvelles protections légales pour les victimes.

Parallèlement, le système d’aide peine à répondre à la demande. Le pourcentage de personnes se voyant attribuer un logement est passé de 47 % en 2021 à seulement 39 % en 2024. Les services de soutien sont jugés insuffisants, et de nombreux foyers en détresse restent sans solution. Le rapport de Crisis conclut que le système britannique d’aide aux sans-abri est « sous une pression énorme » et avertit que les efforts de prévention et d’accompagnement doivent être renforcés pour éviter que la situation ne se détériore davantage.

Ce constat intervient dans un contexte de forte inflation, de loyers élevés et de pénurie de logements abordables, qui rendent la situation particulièrement difficile pour les ménages les plus fragiles. Les experts appellent à une action urgente, soulignant que la crise des sans-abri à Londres n’est pas seulement un problème humanitaire, mais aussi un indicateur des inégalités sociales profondes qui traversent la capitale.