Afrique

En RDC, la survie difficile des albinos

- Quoiqu’épargnés des meurtres ciblés en RDC, les albinos continuent de souffrir d’exclusion, de discrimination et de marginalisation au sein des communautés dans lesquelles ils vivent.

Fatma Bendhaou  | 26.05.2022 - Mıse À Jour : 26.05.2022
En RDC, la survie difficile des albinos

Kinshasa


AA / Kinshasa / Pascal Mulegwa

A première vue, sa peau reste diaphane, même si Bernice tente de camoufler son albinisme par un maquillage coûteux et des perruques brésiliennes haut de gamme. Le soleil est au Zenith en ce début d’après-midi à Kinshasa, lorsque la « miss Ndundu » (Miss Albinos ) repousse un rendez -vous privé pour nous emporter dans un son monde truffé de mépris, de rejet et autres souffrances psychologiques. Déjà à sa naissance, Bernice était considérée comme une « malédiction » par son père, un fonctionnaire. Il avait ensuite divorcé de sa femme pour cette naissance.
« Quand bien même ma mère était restée seule à mes côtés, elle m’avait aussi abandonnée à mes 7 ans. Elle me disait que je lui ai gâché sa vie », témoigne-t-elle en retenant ses larmes de douleur.
C’est finalement sa grand-mère qui l’a fait grandir dans un quartier populaire et malfamé de Kinshasa.


- Noir à la peau blanche

Dans l’immense République démocratique du Congo comme partout en Afrique, il ne fait pas bon être né noir à la peau blanche, albinos, même si depuis 2015, par la Journée internationale de sensibilisation à l'albinisme, célébrée le 13 juin, la communauté internationale cherche des voies et moyens pour mettre fin à la stigmatisation de ces personnes. Les albinos présentent une anomalie ainsi qu'une mutation génétique et héréditaire qui affecte la pigmentation et se caractérise par un déficit de production de mélanine, entraînant une absence complète ou partielle de pigments dans la peau, les cheveux et les yeux. Elle fait partie du groupe des photo-génodermatoses, affections génétiques de la peau aggravées par la lumière solaire.

« Vous vous imaginez que les Congolais considèrent encore les albinos comme des êtres diaboliques, des sorciers. Quand j’étais jeune, il arrivait qu’en entrant dans un taxi ou un bus, d’autres passagers clients quittent, ils stoppent le bus puis descendent » … Ce témoignage est celui d’un prédicateur protestant populaire à Kinshasa. Il a préféré que son nom ne soit pas cité.
Dans sa progéniture, 4 enfants sont albinos. « Il vaut mieux ne pas naître avec ces anomalies. Je dépense énormément de fonds pour les soins de mes enfants, les envoyer à l’étranger pour pigmenter leurs peaux », témoigne-t-il. S’il a préféré que ses enfants évoluent à l’étranger, c’est à cause de la stigmatisation.
« Chaque jour, mes enfants me rapportaient qu'ils avaient été traités de poupées à l’école, qu'on leur avait dit qu’ils n'étaient pas intelligents, qu’ils ne pouvaient pas se mettre sur les mêmes bancs que d’autres écoliers, c’était poignant tout ça », témoigne-t-il. Et de poursuivre : « Ils étaient traités des sorciers, mystiques. Certaines personnes refusaient même de leur serrer la main, de s’asseoir auprès d’eux ou de tisser une amitié avec eux ».
Si ce prédicateur n’a pas été affecté par cette marginalisation dans son enfance, c’est parce que ses parents faisaient partie des riches de la ville.
A Kinshasa, une pratique taraude encore les esprits : « Il y a des femmes enceintes qui demandent à la naissance de tuer leurs bébés, d’autres le font même pendant la période de grossesse. Certaines morts prénatales sont provoquées ou commandées », explique Esperance Lokali, cheffe infirmière dans une importante maternité de Kinshasa. Ce qui est sûr, explique –t-elle, c'est que des parents se sentent humiliés lors de la naissance de leurs enfants albinos.

- Déterrer les os des albinos

Dans certains pays de l’Afrique de l’Est, les albinos sont persécutés en raison de croyances liées à la sorcellerie ou même sacrifiés dans des rites.

A la tête de l’association pour la promotion intégrale de l’albinos (APIA), Juvénal Lushule affirme que des tentatives d’enlèvement des enfants albinos se sont multipliées en 2020 notamment dans la province du Sud – Kivu (est congolais). « Certaines personnes vont jusqu’à déterrer les os des albinos pour des pratiques mystiques alors que nous sommes des êtres comme tout le monde », regrette-t-il.
L’albinisme existe dans le monde entier, mais est plus répandu en Afrique subsaharienne. Les estimations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) varient entre un cas pour 5 000 personnes et un cas pour 15 000.

Les personnes atteintes d'albinisme sont particulièrement sensibles aux effets ultraviolets et ont de ce fait un risque plus élevé de brûlures, voire de cancer de la peau quand elles s'exposent au soleil. Les manifestations oculaires et cutanées peuvent être sévères. Leurs prises en charge médicales sont coûteuses. Si les albinos ne sont pas victimes apparentes des meurtres ciblés ces dernières décennies, beaucoup fuient la marginalisation au village pour se réfugier dans des grandes agglomérations, en ville.

Associations de défense des droits, soins gratuits dans certaines cliniques ….des initiatives existent dans le pays pour tenter de soulager les peines des albinos. Dans certains pays pauvres, la majorité des albinos meurent d'un cancer de la peau entre 30 et 40 ans, faute de moyens financiers.

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