
AA/ Tunis/ Safwene Grira
"Seul un nouvel accord d'Arusha" à l'issue d'une conférence régionale sous houlette onusienne et africaine entre les pays des Grands Lacs, pourrait sauver la République Démocratique du Congo (RDC), selon Kamel Morjane, premier président de la MONUC, mission onusienne en RDC de 1999 à 2010, dans un entretien avec Anadolu.
"La seule solution que je vois aujourd’hui est une conférence régionale sous la houlette de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Union Africaine (UA) pour mettre toutes les cartes sur la table et régler ce problème qui n’est pas uniquement congolais. La solution donc, c'est un nouvel 'Arusha' ", soutient cet ancien ministre des affaires étrangères tunisien.
Les accords d'Arusha sont une série de protocoles de paix conclus, entre 1993 et 2000, dans la ville tanzanienne éponyme, pour mettre fin à des crises politiques au Rwanda et au Burundi, sur fond de guerres ethniques entre Tutsis et Hutus, qui sous-tendent une partie des conflits terrassant la RDC frontalière, notamment dans sa partie orientale correspondant à l'ancienne province du Kivu.
Celle-ci, répartie aujourd'hui en Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema, est considérée par beaucoup d'observateurs comme la véritable poudrière des Grands-Lacs. Cette région au sous-sol extrêmement riche est le terrain d'action de nombre de milices armées à l'instar des rebelles ougandais des ADF-Nalu (Forces Alliées Démocratiques) ou les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), que les tribus Maï-Maï, que le groupe du M23, jusqu'à sa reddition récemment.
Pour Kamel Morjane, la nécessité de cette conférence régionale, qu'il appelle de ses voeux, se pose avec autant d'acuité que les problèmes de la RDC ne peuvent être envisagé en neutralisant les acteurs régionaux.
"Kigali joue un role important, l’Ouganda aussi. Des pays comme la Tanzanie et l’Afrique du Sud ont toujours aussi joué un rôle positif et peuvent encore peser de leur poids aujourd'hui pour aider à résorber ces différends".
Depuis des décennies, l'ancien Zaïre vit au rythme de crises transfrontalières et structurelles liées, selon le diplomate tunisien, à la complexité des rapports qu'entretiennent diverses communautés humaines mais également à la faiblesse d'une centralisation à laquelle échappe le contrôle d'une superficie grande comme l'Europe de l'Ouest.
"Cet enlisement a provoqué une certaine lassitude qui a gagné la Communauté Internationale. Celle-ci s'est un peu fatiguée du Congo qui n'a cessé, depuis son indépendance, d'avoir des problèmes. Cela s'explique aussi par le fait que toute l’Afrique a changé, alors que le Congo reste dans cette situation." estime Morjane qui a passé deux ans à la tête de la MONUC.
Témoin de ce sentiment de lassitude, le récent désengagement de la force onusienne à prêter main forte aux FARDC (Forces Armées de la RDC) dans le cadre de l'opération Sokola 2 contre les rebelles rwandais des FDLR retranchées dans l'Est du pays. Cette décision vient en protestation contre la nomination d'un général congolais, figurant sur la liste rouge de l'ONU, à la tête de ces opérations militaires.
Quoique menée en solo, cette opération n'en est pas moins nécessaire pour la sécurisation des frontières orientales de la RDC. La neutralisation des FDLR ôterait, ainsi, tout prétexte à Kigali de mener des incursions par crainte des ex-génocidaires hutus. Pour Morjane, une solution régionale sans le Rwanda viderait de son sens toute velléité de règlement. Or, les relations restent tendues entre Kinshasa et Kigali.
"Pour résoudre le problème du Congo, il faudrait vaincre les divisions, les difficultés entre ces pays, gouvernements ou même entités non gouvernementales. Certaines forces intervenant à l’intérieur du Congo soutenus par les uns ou par les autres. Faut insister sur une approche globale pour toute la région des Grands Lacs". martèle Morjane.
Cette ancienne colonie belge ne peut, ainsi, qu'emprunter la voie de la réconciliation régionale pour vaincre ses démons. N'étant pas traditionnellement rattachée au précarré français, à l'instar du Mali ou de la Centrafrique, un deus ex machina intervenant manu militari ne peut être à l'ordre du jour.
"Evidemment avoir un grand pays comme la France en soutien peut aider..l'exemple typique en demeurent les opérations Serval au Mali et Sangaris en Centrafrique, même si, évidemment on peut critiquer ce genre d’interventions. Je ne pense pas qu'on puisse demander à la Belgique [ancien colonisateur du pays, ndlr] d'assumer ce rôle, même si, de mon temps, on a eu pas mal de soutien de Bruxelles." se rappelle Kamel Morjane.
"Le problème aujourd'hui doit se poser aussi au niveau de notre continent. Il faut plus de coopération avec les Gouvernements de la région mais aussi l’Union Africaine qui me paraît, et de loin, absente dans ce conflit. J’espère que la nomination de Said Djinnit en tant que représentant de l'ONU dans cette région des Grands Lacs peut aider dans ce sens. Celui-ci a une expérience en tant que commissaire à l’UA". conclut cet ancien ministre de la défense tunisien.
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