Procès Lafarge : la défense évoque une relation ayant « grandement bénéficié » aux renseignements français
- Deuxième journée d’audience dominée par les débats de procédure et les accusations de manœuvres dilatoires
Provence-Alpes-Cote d Azur
AA / Paris / Ümit Dönmez
Les débats de la deuxième journée du procès de Lafarge SA, jugée pour financement du terrorisme en Syrie, ont été marqués par les plaidoiries de la défense autour des relations entre le groupe cimentier et les services de renseignement français.
À l’audience, Me Quentin de Margerie, avocat de la défense représentant Bruno Lafont, PDG de Lafarge SA à l’époque des faits reprochés, a déclaré que la direction de l’entreprise entretenait avec les services « une relation cynique et opportuniste » et qu’elle avait « grandement bénéficié aux services de renseignement ». L’avocat a insisté sur la nécessité de lever le secret défense, estimant que « les éléments rendus disponibles par les renseignements français datent d’avant 2009 et après 2015 », ce qui ne permet pas, selon lui, d’évaluer pleinement les échanges entre l’entreprise et les autorités françaises.
Des documents révélés par Anadolu en septembre 2021 montrent que le groupe Lafarge a régulièrement informé les services de renseignement français des arrangements conclus avec trois groupes terroristes pour obtenir le maintien de ses activités en Syrie. Ces échanges, selon les pièces consultées à l’époque, ont eu lieu alors même que l’entreprise négociait sur le terrain avec Daech et Jabhat al-Nosra afin d’assurer la sécurité de son site de Jalabiya.
Ces déclarations et révélations ont suscité de vives réactions parmi les parties civiles. Me Grégoire Rialan, avocat de Sherpa et des victimes civiles syriennes, a jugé que la défense cherchait avant tout à déplacer le débat : « Je crois que la défense est un petit peu un raccourci et essaie de changer un petit peu l’axe des responsabilités des prévenus, de leurs clients. Mais en réalité, ce n’est pas exonératoire de leur responsabilité à eux. »
Interrogé par Anadolu à la sortie de l’audience, Me Rialan a ajouté : « Ces incidents, ils sont avant tout dilatoires, quoi qu’en disent les avocats des prévenus, destinés à gagner encore du temps, alors qu’on est sur une information judiciaire qui dure déjà depuis longtemps. Et on a envie maintenant que les gens puissent s’expliquer. »
Avec sa consœur Me Julie Février, avocate de Sherpa, il a plaidé pour que le procès se poursuive sans nouveau report : « C’est vrai qu’après deux jours, on a envie que le tribunal se penche sur le fond de l’affaire. C’est ça qui nous intéresse. »
Lafarge SA est poursuivie pour financement du terrorisme et mise en danger de la vie d’autrui. Entre 2012 et 2014, la société est soupçonnée d’avoir versé plusieurs millions d’euros à des groupes armés, dont Daech et Jabhat al-Nosra, afin de maintenir son usine syrienne de Jalabiya en activité malgré la guerre civile.
Ce procès, inédit en France, est le premier à juger une personne morale pour financement du terrorisme. Lafarge, fusionnée depuis avec Holcim, avait reconnu en 2022 devant la justice américaine avoir versé des fonds à des groupes terroristes, concluant un accord transactionnel de 778 millions de dollars.
Les audiences doivent reprendre mercredi, avec l’examen du fond du dossier et l’audition des anciens dirigeants, tandis que le rôle de l’État français et de ses services de renseignement reste au centre des débats.
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