Francisco Franco, le Caudillo... Une main de fer dans un gant de fer
- Avec sa disparition il y a de cela 46 ans, une page décisive se tourne de l’histoire de l’Espagne, gouvernée pendant plus d’un tiers de siècle d’une main de fer par le plus jeune général d’Europe

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AA / Hatem Kattou
Le 20 novembre 1975 fut un jour exceptionnel dans l’histoire de l’Espagne contemporaine.
En effet, dans une partie de l’Europe occidentale, politiquement démocratique et économiquement libérale, le pays ibérique a représenté une exception (aux côtés du Portugal) après la fin de la deuxième Guerre mondiale, ayant été gouvernée d’une main de fer par le généralissime Francisco Franco, qui disparut après une dégradation de son état de santé à la fin de l’année 1975.
Le militaire, homme de poigne et de petite taille, s’est emparé, du haut de son 1,63 mètre, du pouvoir en Espagne, au terme d’une guerre civile qui a duré trois ans, particulièrement sanglante et violente, qui avait pris fin en 1939 avec le lourd bilan d’environ un million de morts.
Issu d’une famille qui a servi pendant des siècles dans la Marine espagnole, Franco est né, en Galicie (Nord-ouest) à la fin du XIXe siècle (1892).
Ayant intégré l’armée dès sa tendre jeunesse, il a gravi rapidement les échelons pour se voir nommé, à l’âge de seulement 34 ans, au grade de général de brigade, devenant ainsi le plus jeune général en Espace et …en Europe.
- Ascension fulgurante
Considéré ou plutôt réputé comme un homme brutal, Franco ne manquait pas cependant de ruse, ayant fait montre de duplicité et de « doigté » pour connaître une ascension fulgurante durant la période de l’entre-deux guerres, en réussissant à se louvoyer entre les différents courants, en une période assez trouble, tendue et délicate de l’histoire de l’Espagne et du monde.
Tout en faisant montre de légalisme envers le gouvernement de gauche installé en Espagne en 1931, Francisco Franco a préservé des relations étroites avec les instigateurs du putsch commis en 1932, tout en gardant ses distances par rapport au coup de force du général Sanjurjo.
Exploitant ultérieurement les tensions entre monarchistes et nationalistes d’une part et révolutionnaires et républicains de gauche d’autre part, dans une Espagne en ébullition, le général a trouvé la brèche et a commandé son armée « africaine » pour foncer sur la capitale Madrid.
Le Caudillo s’est ensuite proclamé, le 21 septembre 1936, chef de l’Etat et généralissime et a bénéficié, plus tard, pour anéantir ses adversaires des soutiens fascistes de l’Italie de Mussolini et de l’Allemagne d’Hitler.
Toutefois et après l’enclenchement de la deuxième Guerre mondiale, le chef de l’Etat espagnol (dénomination officielle de l’Espagne sous le règne de Franco) a gardé ses distances avec les forces de l’Axe, en affichant officiellement une position de neutralité, ce que certains considèrent comme étant une illustration du sens politique du soldat et du militaire qu’il fut.
En effet et après avoir offert un soutien en hommes, à Berlin, au début du conflit, en envoyant des renforts sur le front de l’est, Franco rompt complètement avec le Führer, en 1943, sous la pression discrète exercée par les Américains et l’aide promise en termes de denrées alimentaires à un pays en pleine dépression économique.
- Autoritarisme sans ambages
A la fin de Guerre, le militaire parachève l’instauration de son régime dictatorial franquiste avec comme piliers, un centralisme poussé, un catholicisme et un conservatisme prononcés et un autoritarisme sans ambages.
Malgré des changements relativement importants et des assouplissements remarquables, en particulier au plan économique avec le développement de l’agriculture et du tourisme, assouplissement du régime qui s’est traduit par le retour de l’Espagne dans le concert des Nations avec une intégration des Nations Unies en 1955, il n’en demeure pas moins que Franco maintient son pouvoir sans partage avec une « main de fer dans un gant de fer » sur un pays que des centaines de milliers de personnes ont quitté pour s’installer ailleurs, en particulier en France.
Au terme de trois décennies de pouvoir absolu, Franco, affaibli par les débuts de sa longue maladie, décida en 1969 de nommer un successeur, en l’occurrence, le prince Juan Carlos Ier, autorisant et régissant le retour à petits pas de la monarchie.
Depuis et durant les six dernières années de son règne et de sa vie, le Caudillo, dont l’état de santé fut davantage entamé par la maladie de Parkinson, et sans pour autant devenir l’ombre du dictateur qu’il fut, est devenu moins brutal et moins puissant qu’auparavant.
Cette configuration a perduré jusqu’au mois d’octobre 1975, lorsque l’état de santé de Franco s’est davantage détérioré, signe annonciateur d’une agonie qui a perduré plusieurs semaines jusqu’au 20 novembre de la même année, jour qui a vu la disparition d’un homme qui dispose toujours d’une certaine popularité en Espagne, plus de quatre décennies après sa mort.
- Un deuxième enterrement
Cette popularité et cette sympathie sont réapparues au grand jour, durant l’année 2019, lorsque l’homme fort de l’Espagne au XXe siècle fut enterré une seconde fois.
En effet, le Chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez (depuis 2018) a, pour honorer une promesse électorale prioritaire, décidé d’exhumer le corps de Franco, au terme d’une âpre bataille juridique, pour l’ensevelir ailleurs que dans le mausolée que s’est fait construire de son vivant le généralissime par des prisonniers politiques.
Cet épisode avait soulevé un débat houleux au sein de la société espagnole, sans oublier les cris et vivats scandés à la gloire du dictateur lors de la cérémonie de transfert de ses ossements du mausolée-monument d’El Valle de los Caidos, situé à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Madrid, en présence de membres de la famille du disparu.
En effet, les « Viva Franco, viva España » ont fusé de la gorge des petits-fils et des arrière-petit-fils du dictateur, lors de la cérémonie funéraire, c’est dire la délicatesse du bilan et de l’héritage légués par un homme qui a connu un destin hors du commun.
Cette ambivalence est remarquable chez cet adepte du pouvoir personnel, ce soldat, mais aussi fin tacticien et politicien à la fois, et qui fut paradoxalement l’homme qui a assuré, se sachant fini, la transition vers le rétablissement de la monarchie constitutionnelle, et partant de la démocratie représentative.
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