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"Le monde entier a reconnu l'État de Palestine, sauf l'Occident"

- Le Professeur Chagnollaud, spécialiste français du Moyen-Orient, défend que "la guerre ne mène à rien, seulement à des tragédies sans fin"

Esra Taşkın  | 08.09.2025 - Mıse À Jour : 08.09.2025
"Le monde entier a reconnu l'État de Palestine, sauf l'Occident"

Ile-de-France

AA / Paris / Esra Taskin

Le spécialiste du Moyen-Orient et président honoraire de l’Institut de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (IREMMO), le Professeur Jean-Paul Chagnollaud, a déclaré que le monde entier, à l’exception des pays occidentaux, a reconnu l’État de Palestine.

Alors que les attaques d’Israël contre la bande de Gaza se poursuivent depuis près de deux ans, plusieurs pays européens, dont la France et la Belgique, ont annoncé qu’ils reconnaîtraient l’État de Palestine, qui dispose d’un statut d’État observateur auprès des Nations unies (ONU).

Sous l’ancien président français François Hollande, l’Assemblée nationale avait adopté le 2 décembre 2014 une motion demandant au gouvernement de reconnaître l’État de Palestine, suivie par le Sénat le 11 décembre 2014.

Cependant, bien que la France ait officiellement reconnu Israël le 25 janvier 1949 et qu’elle défende depuis des années une solution à deux États, elle n’avait pas pris de mesures concrètes à l’époque pour reconnaître la Palestine.

En juillet, le gouvernement français a annoncé qu’il reconnaîtrait officiellement l’État de Palestine en septembre.

Le président français Emmanuel Macron a annoncé sa décision dans un message publié le 24 juillet sur la plateforme sociale X, basée aux États-Unis : « Fidèle à son engagement historique pour une paix juste et durable au Proche-Orient, j’ai décidé que la France reconnaîtra l’État de Palestine. »

Cette annonce a provoqué une vive réaction du gouvernement de Tel Aviv.

Dans une lettre officielle du 17 août, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé Macron de nourrir l’antisémitisme en appelant d’autres pays à reconnaître l’État de Palestine.

Le palais de l’Élysée a qualifié, le 20 août, les accusations de Netanyahu dans sa lettre d'« erronée et abjecte ».

Dans une lettre de réponse publiée par le quotidien français national, Le Monde, le 26 août, le président français a rejeté les accusations d’inaction concernant l’antisémitisme et souligné que « l’occupation de Gaza ne rapportera jamais la victoire à Israël ».

Le Professeur Chagnollaud a commenté pour Anadolu la position de la France sur la solution à deux États au fil des années et l’annonce de Macron concernant la reconnaissance de l’État de Palestine.

– « Il y a 11 ans, l’Assemblée nationale et le Sénat avaient demandé au gouvernement de reconnaître la Palestine »

Soulignant que de nombreuses personnes attendaient l’annonce de Macron, Chagnollaud a rappelé : « Il y a 11 ans, l’Assemblée nationale et le Sénat avaient demandé au gouvernement de reconnaître la Palestine. »

Il a précisé que la décision de reconnaître l’État de Palestine dans le contexte actuel « terrible » à Gaza revêt une importance particulière.

Selon lui, cette position envoie le message que « la guerre ne mène à rien, seulement à des tragédies sans fin », et que la solution à deux États reste la seule voie possible pour résoudre le conflit israélo-palestinien.

Jean-Paul Chagnollaud a ajouté que dire « nous reconnaissons l’État de Palestine » signifie soutenir la solution à deux États et respecter le droit international, que le gouvernement de Netanyahu viole chaque jour dans des conditions dramatiques.

– « En réalité, le monde entier, sauf l’Occident, a reconnu l’État de Palestine »

Chagnollaud a indiqué que la France voulait encourager d’autres pays occidentaux à suivre son exemple : « En réalité, le monde entier a reconnu l'État de Palestine, sauf l'Occident. »

Il a rappelé que quelques pays occidentaux, comme l’Irlande, avaient déjà reconnu l’État de Palestine, mais que le geste d’un pays influent comme la France est particulièrement déterminant.

Selon lui, la décision de la France a également incité des pays comme l’Australie, le Canada et le Royaume-Uni à s’orienter dans la même direction, « Le fait qu’un pays comme la France, qui occupe une place importante en Occident, le fasse est tout à fait décisif. Et surtout, elle ne le fait pas seule : elle a entraîné d’autres pays après de nombreuses négociations. »

Chagnollaud a souligné que cette décision de Macron faisait suite à un long processus de réflexion marqué par différentes étapes et hésitations. Il a ajouté : « Nous avons ressenti une hésitation à l’Élysée, mais les violations du droit international, la famine et les actes de génocide ont sans doute encouragé Macron à franchir le pas. »

Il a également noté que Macron a immédiatement fait face à de vives critiques de la part d’Israël, ce qui, selon lui, souligne la valeur et l’importance de ce geste diplomatique.

Le président honoraire de l’IREMMO a expliqué que la France adresse ainsi à Israël le message suivant : « Revenez sur le chemin du droit international, acceptez la seule solution possible, la solution à deux États, et en contrepartie, un certain nombre d'États arabes, et peut-être tous les États arabes, accepteront de normaliser leur relation avec Tel Aviv. »

– « Israël va à la catastrophe »

Chagnollaud a estimé que la lettre de Macron à Netanyahu comportait également l’idée implicite que « Israël va à la catastrophe ». Selon lui, il s’agit non seulement d’un isolement diplomatique, mais aussi d’un effondrement moral lié aux actes de génocide et à la mise en place de nettoyage ethnique.

Il a ajouté que la prétendue instrumentalisation de l’antisémitisme par Netanyahu constitue une tentative de manipuler la perception internationale : « Netanyahu utilise systématiquement les accusations d’antisémitisme à son avantage. »

Enfin, Chagnollaud a rappelé que, depuis Charles de Gaulle, la France adopte une position favorable au droit international sur la question palestinienne et qu’elle a suivi cette ligne, reconnaissant depuis longtemps que la solution à deux États est la seule viable.

Jean-Paul Chagnollaud a rappelé que l’Union européenne (UE) avait indiqué en 1999 qu’il conviendrait de reconnaître l’État de Palestine « lorsque le moment serait venu », ajoutant : « Pendant 25 ans, différents présidents ont estimé que le moment n’était pas encore venu. »

Il a également rappelé que, bien que le Parlement ait adopté en 2014 une motion demandant au gouvernement de reconnaître l’État de Palestine, l’exécutif de l’époque n’avait pas franchi cette étape pour des raisons nationales et internationales.


* Traduit du turc par Seyma Erkul Dayanc

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