La CEDH condamne la France pour la mort de Rémi Fraisse
– La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que les autorités françaises n’avaient pas garanti la protection nécessaire lors de l’intervention des forces de l’ordre à Sivens en 2014.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France, jeudi 27 février 2025, pour violation du droit à la vie dans l’affaire de la mort de Rémi Fraisse, militant écologiste tué par une grenade offensive lors d’une intervention des gendarmes sur le site de Sivens en octobre 2014.
Dans son arrêt « Fraisse et autres c. France », la Cour a conclu à une violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme dans son volet matériel, estimant que les autorités françaises n’avaient pas assuré « le niveau de protection requis pour parer aux risques d’atteinte à la vie ». Elle met en cause « les lacunes du cadre juridique et administratif alors applicable » et pointe des « défaillances de l’encadrement dans la préparation et la conduite des opérations litigieuses ».
- Un usage disproportionné de la force et un cadre légal lacunaire
Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse, étudiant en botanique de 21 ans, avait été mortellement atteint par l’explosion d’une grenade offensive OF-F1, lancée par un gendarme mobile lors d’affrontements sur le site contesté du barrage de Sivens, dans le Tarn.
L’arrêt de la CEDH souligne que cette grenade, destinée à être utilisée dans des contextes militaires, représentait une « dangerosité exceptionnelle » et que son cadre d’emploi était insuffisamment encadré. La Cour relève également que les forces de l’ordre ont agi sans un cadre juridique précis et avec un équipement inadapté.
Le lieutenant-colonel en charge des opérations avait quitté les lieux à 21 h 30, laissant les gendarmes sur place sans encadrement clair. Peu après minuit, des heurts avaient éclaté avec des manifestants. À 1 h 45, le maréchal des logis-chef J. avait lancé une grenade en cloche au-dessus d’un grillage, une méthode contraire aux règles d’usage. Celle-ci a atterri entre le cou et le sac à dos de Rémi Fraisse, provoquant sa mort immédiate.
- Une procédure judiciaire critiquée, mais jugée conforme
La CEDH a cependant estimé que la France n’avait pas violé l’article 2 dans son volet procédural, jugeant que l’enquête judiciaire avait été menée de manière indépendante et impartiale.
Pourtant, en France, l’affaire avait suscité des critiques sur le fonctionnement de la justice. En 2018, les juges d’instruction avaient prononcé un non-lieu pour le gendarme impliqué, une décision confirmée par la Cour de cassation en 2021. En parallèle, la justice administrative avait reconnu la "responsabilité sans faute" de l’État, tout en considérant une part d’"imprudence" de la victime, exonérant ainsi partiellement l’État.
- Un symbole des luttes écologistes
Rémi Fraisse est devenu un symbole des luttes écologistes en France. Après sa mort, les grenades OF-F1 ont été interdites, et plusieurs réformes du maintien de l’ordre ont été mises en place.
Cette décision de la CEDH intervient alors qu’un autre combat environnemental agite la justice française : le même jour, la cour administrative de Toulouse doit statuer sur l’avenir de l’autoroute A69, un projet vivement contesté par les écologistes.
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