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France - Mali : Paris dénonce « l’échec » de la Russie au Sahel et réduit son dispositif diplomatique

- Jean-Noël Barrot a dénoncé au Sénat « l’échec patent » de la Russie au Mali, tandis que la France appelle ses ressortissants à quitter le pays face à une dégradation sécuritaire marquée par des blocus énergétiques et l’expansion jihadiste

Serap Doğansoy  | 27.11.2025 - Mıse À Jour : 27.11.2025
France - Mali : Paris dénonce « l’échec » de la Russie au Sahel et réduit son dispositif diplomatique

Istanbul

AA / Istanbul / Serap Dogansoy

La situation sécuritaire actuelle au Mali est le « résultat d’un échec patent de la Russie », a déclaré mercredi au Sénat le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, affirmant que Moscou n’était pas parvenue à repousser la menace terroriste après avoir garanti son soutien à plusieurs pays du Sahel.

Le ministre a indiqué que la dégradation récente de la situation, notamment autour de Bamako, était liée à un blocus énergétique attribué au groupe jihadiste JNIM, lié à Al-Qaida, dont les effets se font sentir au-delà des frontières du Mali, avec des conséquences sécuritaires, migratoires et criminelles pour les États voisins, en particulier la Mauritanie.

Jean-Noël Barrot a précisé que 4.200 Français sont actuellement inscrits au registre consulaire au Mali. Le 7 novembre, les autorités françaises ont recommandé à leurs ressortissants de quitter temporairement le territoire par les voies aériennes disponibles, une mesure également prise par les États-Unis et le Royaume-Uni. Il a ajouté que seule une partie des personnels diplomatiques et consulaires avait été maintenue sur place afin d’assurer la continuité des services essentiels.

Ces déclarations répondaient à une intervention du sénateur Les Républicains Jean-Luc Revelle, qui a mis en garde contre un « point de rupture sécuritaire » au Mali, évoquant le contrôle de larges portions du territoire par des groupes armés, y compris dans le sud du pays, ainsi qu’un risque d’embrasement régional.

Le parlementaire a alerté sur la fragilité de plusieurs États d’Afrique de l’Ouest, notamment le Burkina Faso, le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Sénégal et la Mauritanie, évoquant une triple pression sécuritaire, migratoire et criminelle liée à l’expansion des attaques terroristes et des trafics.

Il a également attiré l’attention sur la situation du lycée Liberté de Bamako, qui accueille environ 1.300 élèves et fait face à des difficultés financières.

François Hollande accuse la Russie d’avoir déstabilisé le Mali

L’ancien président français François Hollande (2012‑2017) avait accusé, le lundi 17 novembre, la Russie d’avoir déstabilisé le Mali, établissant un parallèle entre le conflit en Ukraine et ses répercussions sur le Sahel.

Sur France Inter, Hollande affirme qu’« il y a un lien entre le Mali et l’Ukraine », en accusant les services russes d’avoir « d’abord déstabilisé » le Mali tout en promettant une sécurité qu’ils n’auraient pas assuré. Il a jugé que la capitale Bamako était aujourd’hui « asphyxiée » et mis en garde contre un effondrement dont les conséquences dépasseraient largement le Mali. Les groupes armés paralysent la capitale en empêchant le carburant d’y entrer.

Selon lui, la chute potentielle du Mali toucherait « tout le continent africain », notamment le Niger, le Burkina Faso et le Sénégal, et aurait également des répercussions en Europe. « Les conflits doivent être analysés par rapport à ce qu’ils provoquent sur place, mais aussi avec leurs effets sur notre propre continent », a-t-il ajouté. Pour Hollande, « les Russes sont désireux de déstabiliser non seulement le Mali, mais aussi la France ».

Il a par ailleurs rappelé le coût humain de l’engagement français au Sahel, évoquant « plus de 50 morts de soldats et de nombreux blessés » pour « éviter que le Mali tombe sous la coupe des terroristes ». Concernant le retrait français, il a déclaré qu’il « ne souhaitait pas donner ici les raisons », tout en affirmant que le coup d’État militaire malien « n’aurait jamais dû être toléré » et estimant que la France aurait dû « condamner beaucoup plus franchement » ce basculement, même si, selon lui, le régime en place « pouvait être qualifié de démocratique » malgré « des aberrations ».

Présence russe au Mali

Pour rappel, le groupe Wagner serait intervenu au Mali à la demande des autorités maliennes, après le coup d’État, pour soutenir le pays dans la lutte contre le terrorisme, ce que le Mali n’a jamais confirmé.

Wagner a annoncé son retrait du Mali le 6 juin 2025 dans un message diffusé sur la plateforme sociale Telegram, basé aux Émirats arabes unis, déclarant que « la mission est accomplie » et que « la SMP Wagner rentre à la maison ». Selon ce message, le groupe affirme avoir « contribué à constituer une armée malienne solide et disciplinée » et avoir éliminé « des milliers de combattants et leurs chefs ».

Cependant, selon des sources diplomatiques citées par Boursorama, un site français d’informations, en juin 2025, ce départ ne marquerait pas la fin de la présence russe dans le pays : la force paramilitaire Africa Corps, placée sous la supervision du ministère russe de la Défense, prendrait progressivement le relais. Selon The Moscow Times, un journal anglophone basé à Moscou, en juin 2025, « l’essentiel du personnel de Wagner au Mali et originaire de Russie serait réintégré au sein de l’Africa Corps », indiquant que la transition s’inscrirait dans une continuité opérationnelle plutôt qu’un retrait total.

Du côté russe, la position officielle était restée inchangée. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, déclarait en septembre 2021 qu’« il n’y avait aucun représentant des forces armées russes au Mali » et qu’« aucune négociation officielle n’était en cours ». Il avait également souligné qu’il n’existait pas de preuve crédible d’un lien structurel entre l’État russe et des groupes paramilitaires intervenant au Mali, rejetant ainsi les allégations françaises comme « exagérées » ou infondées.

En réponse aux critiques françaises, notamment celles du président Emmanuel Macron l’accusant de déstabiliser le Mali, le Kremlin avait rejeté ces allégations. Peskov avait affirmé que les relations de Moscou avec les pays africains « étaient amicales, constructives et ne visaient pas des tiers ».

Au-delà du démenti, la Russie avait renversé le reproche : Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères, avait accusé la France de s’être immiscée dans les affaires intérieures des pays africains. Selon lui, Paris avait appliqué une mentalité néocoloniale et des stratégies « diviser pour mieux régner », notamment en Libye et au Sahel. Lavrov citait explicitement le Mali, alléguant que la France avait déjà joué un rôle contraire à la souveraineté de certains États africains.

Réactions maliennes

Dans le cas du Mali, par la voie de son Premier ministre, qui avait vivement critiqué les commentaires français, Choguel Kokalla Maïga, ancien Premier ministre de la transition (2021‑2024), avait accusé la France dans une interview à Anadolu, qualifiant ses actions d’« exercer un terrorisme politique, médiatique et diplomatique » contre le gouvernement malien. Il affirmait que certaines décisions, comme les sanctions, étaient « inspirées par un agenda extérieur aux intérêts du peuple malien ».

Les autorités maliennes insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas de mercenaires, mais d’un partenariat « d’État à État » avec la Russie.



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