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Financement de l’Ukraine : la Belgique bloque l’option des avoirs russes

- Le Premier ministre belge Bart De Wever refuse l’utilisation des avoirs russes gelés pour financer un prêt européen à l’Ukraine, invoquant des risques juridiques et financiers, à l’approche d’un sommet crucial le 18 décembre

Serap Doğansoy  | 28.11.2025 - Mıse À Jour : 28.11.2025
Financement de l’Ukraine : la Belgique bloque l’option des avoirs russes

Istanbul

AA / Istanbul / Serap Dogansoy

Le Premier ministre belge Bart De Wever a réaffirmé son opposition à l’utilisation par l’Union européenne des avoirs russes gelés pour financer l’Ukraine, dans une lettre adressée jeudi à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Un refus qui fragilise un dispositif porté par Bruxelles et soutenu par plusieurs États membres.

La Commission européenne a proposé de recourir aux avoirs de la Banque centrale russe gelés dans l’UE pour accorder à Kiev un « prêt de réparation » d’environ 140 milliards d’euros, que l’Ukraine ne rembourserait que si la Russie consent à verser des réparations de guerre. L’essentiel de ces fonds, estimés à 235 milliards d’euros, dont environ 210 milliards hébergés par la société Euroclear à Bruxelles, se trouve en Belgique.

Dans sa lettre de quatre pages, le chef du gouvernement belge qualifie ce mécanisme de « fondamentalement erroné », estimant qu’il fait peser des risques juridiques et financiers majeurs sur son pays. Il redoute notamment d’éventuelles représailles russes et un impact sur la stabilité financière, alors que la Banque centrale européenne a elle aussi exprimé des inquiétudes quant à de possibles turbulences sur les marchés et une déstabilisation de l’euro.

Plusieurs États membres, dont l’Allemagne, la Pologne, les pays baltes, les pays scandinaves et les Pays-Bas, soutiennent au contraire fortement cette option.

Fin octobre, les Européens s’étaient engagés à trouver des solutions pour financer l’Ukraine au cours des deux prochaines années, dans un contexte de désengagement progressif des États-Unis. Des discussions sont en cours pour tenter de rallier la Belgique ou d’identifier des alternatives, avant un sommet européen prévu le 18 décembre.

Bart De Wever a prévenu qu’il n’approuverait le dispositif qu’à la condition que des garanties contraignantes, signées par l’ensemble des États membres, soient apportées au moment de la décision.

- Des avoirs gelés depuis l’invasion russe de 2022

Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’Union européenne et les pays du G7 ont décidé de geler les avoirs souverains russes détenus en Occident afin de limiter la capacité de Moscou à financer son effort de guerre. Dans l’UE, ces avoirs sont estimés à environ 235 milliards d’euros, dont près de 210 milliards sont conservés par Euroclear, un dépositaire central de titres établi à Bruxelles.

Jusqu’à présent, l’UE n’a pas utilisé le capital de ces fonds, mais uniquement les bénéfices exceptionnels qu’ils génèrent, évalués à plusieurs milliards d’euros par an. Ces revenus ont notamment servi à financer une partie du prêt de 45 milliards d’euros accordé à l’Ukraine par le G7.

Face à la poursuite de la guerre et à l’insuffisance de ces montants, la Commission européenne a envisagé un mécanisme inédit consistant à mobiliser directement ces avoirs, arrivés en grande partie à échéance et transformés en liquidités, pour constituer la base d’un « prêt de réparation » destiné à couvrir une partie des besoins budgétaires et militaires de Kiev pour 2026 et 2027.

Selon le schéma proposé, ces liquidités seraient temporairement utilisées par l’UE pour lever un emprunt destiné à l’Ukraine, sans confiscation formelle des fonds. L’Ukraine ne serait appelée à rembourser qu’en cas de versement de réparations par la Russie, permettant ensuite à l’UE de restituer les avoirs à Moscou.

La Belgique redoute toutefois que cette opération n’entraîne des poursuites internationales ou des représailles économiques de la part de la Russie. Elle s’inquiète également d’un éventuel changement politique au sein de l’UE pouvant conduire, à terme, à une levée des sanctions avant qu’un accord sur les réparations ne soit conclu.

Faute de consensus sur ce mécanisme, la Commission a été chargée d’examiner des solutions alternatives, dont un nouvel emprunt commun ou un recours accru aux marchés financiers par les États membres. Une proposition actualisée doit être présentée avant le sommet européen du 18 décembre, considéré comme une étape décisive pour l’avenir du soutien financier européen à l’Ukraine.

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