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Des Turcs d'Europe témoignent du racisme et de la discrimination dont ils ont été victimes

- Les personnes interrogées ont déclaré avoir subi un acte raciste ou discriminatoire, évoquant des blocages dans leur cursus universitaire ou des attaques contre les mosquées, qualifiées d'actes de vandalisme plutôt que d'attaques islamophobes.

Behlül Çetinkaya  | 23.02.2022 - Mıse À Jour : 23.02.2022
Des Turcs d'Europe témoignent du racisme et de la discrimination dont ils ont été victimes

Ankara

AA / Ankara / Behlül Çetinkaya

Des Turcs vivant en Allemagne et en France, qui sont les pays où le plus de discriminations et de crimes de haine contre les Turcs et les Musulmans sont signalés, ont témoigné des injustices dont ils ont été victimes.

Les attaques contre les Turcs et les Musulmans dans toutes les régions du monde, en particulier en Europe, figurent dans les rapports annuels de la Présidence pour les Turcs de l'étranger et les communautés apparentées (YTB).

Dans le rapport, selon les données de 2020, l'Allemagne est l'un des pays où les crimes de haine contre les Turcs sont le plus signalés, avec 205 signalements. L'Allemagne est suivie par la France avec 40 signalements d'attaques, l'Autriche avec 37 signalements et la Suisse et les Pays-Bas avec 15 attaques signalées pour chacun.

En 2020, sur un total de 389 attaques signalées, les Turcs ont été exposés à 225 discours de haine et/ou menaces, tandis que 45 attaques de mosquées, 25 incendies criminels et 2 attaques d'écoles les ont visés.

Quatre personnes ont été tuées et dix autres blessées dans 205 attaques et attentats en Allemagne. Par ailleurs, des mosquées ont été évacuées avant la prière du vendredi en raison de 12 fausses alertes à la bombe.

Le professeur Hüdayi Korkusuz est connu en Allemagne pour ses traitements non chirurgicaux de certaines tumeurs bénignes et malignes. Korkusuz, dont les projets ont été promus comme le "Meilleur projet allemand" en Allemagne en 2012, a témoigné des blocages affectant les Turcs et les Musulmans dans le domaine universitaire.

- "Les étudiants rencontraient des problèmes quand ils n'avaient pas l'apparence souhaitée"

Korkusuz, qui est né et a grandi en Allemagne, se souvient que du temps où il travaillait comme médecin dans les universités allemandes.

"Nos étudiantes voilées n'étaient pas autorisées à faire une thèse de doctorat. Lorsque les étudiants portaient la barbe et n'avaient pas l'apparence souhaitée, ils rencontraient des problèmes", indique-t-il.

Korkusuz explique ainsi la situation ayant mené à la plus grande plate-forme civile de santé en Allemagne, agissant contre la discrimination.

"Nous nous sommes soutenus. Par exemple, j'ai réussi à donner à plus d'étudiants musulmans l'opportunité de faire une thèse de doctorat. Nous avons fait de tels efforts parce que nous avons besoin de plus de professeurs nommés docteur Mohammed, docteur İbrahim, docteur Fatma, docteur Hacer, etc.", a-t-il ajouté.

Korkusuz constate que la communauté turque et musulmane d'Allemagne n'a peur de rien et s'occupe surtout d'un travail simple. Il estime qu'elle devrait accorder plus d'importance à l'éducation.

"Les musulmans doivent faire plus d'efforts pour étudier. Car si vous voulez pouvoir pratiquer votre culte librement dans un pays chrétien, ce sera votre bureau et vous fermerez la porte et vous ferez votre prière. Si vous travaillez en tant que salarié, vous devrez demander la permission. C'est pourquoi nos enfants doivent étudier. Que ce soit pour devenir médecin, ingénieur, avocat, peu importe tant qu'ils sont forts. Un musulman est fort, un musulman ne quémande pas", a-t-il estimé.

Après avoir évoqué la diversité de sa patientèle, Korkusuz a observé que bien que certains de ses patients soient xénophobes, "la xénophobie est désactivée en matière de santé".

- Tags xénophobes et islamophobes dessinés sur les murs des associations turques

La France est le deuxième pays d'Europe où ont eu lieu le plus d'attaques xénophobes visant les Turcs. Selon les rapports de YTB, en 2020, le racisme dans ce pays s'est manifesté non seulement par les attaques contre des individus, des mosquées et des institutions, mais aussi dans le manque d'égalité de traitement devant la loi.

Alors que les lieux de culte chrétiens et juifs ont pu se libérer assez tôt des restrictions liées à la pandémie de coronavirus, les mosquées n'ont pas disposé des mêmes possibilités et de nombreux Franco-Turcs n'ont pas pu pleinement jouir de leurs droits en tant que citoyens libres et égaux.

Bahar Ceviz, qui exerce en tant qu'avocate en France, où trois attentats, dont l'un était une tentative d'incendie criminel contre des mosquées, ont eu lieu pendant cette période, a observé qu'une idéologie d'extrême droite s'est installée dans le pays et que des candidats continuent de s'affronter sur cette question dans le cadre du processus électoral.

Décrivant les difficultés rencontrées par les associations turques, Maître Ceviz a indiqué que "5 associations, dont 3 turques, de la région de Besançon ont fait l'objet d'actes de vandalisme. La Croix de Lorraine a été peinte sur leurs façades. Dans la maison de l'auteur des actes, ont été retrouvés un fusil de chasse, une des versions originales du livre « Mein Kampf » d'Adolf Hitler, et un poème incluant la phrase 'Ma France, je te sauverai'. Malgré cela, le procureur a estimé qu'il n'y avait rien à voir avec le racisme ou la xénophobie", a-t-elle regretté.

Ceviz a également déploré le fait que ces questions ne soient pas davantage portées à l'ordre du jour politique et que la communauté franco-turque ne soit pas en capacité de revendiquer ses droits par crainte d'être aliénée ou stigmatisée.

Maître Ceviz a ensuite indiqué que les plaintes sur ces questions ne sont pas perçues comme des plaintes de personnes exposées au racisme, mais comme la perception que les partisans d'une idéologie essaieraient de créer.

"Ils les sortent du cadre légal et les placent dans une position politique parce qu'ils soutiennent ou soutiendraient les Turcs, la politique turque ou le gouvernement turc", a-t-elle ajouté

L'avocate a fait remarquer que les dépôts de plaintes de la part de personnes musulmanes n'étaient pas assez souvent évoquées dans les médias français et a estimé qu'il était nécessaire d'informer davantage les Franco-Turcs et leur montrer que des résultats ont été obtenus suite à ces plaintes.

* Traduit du turc par Ümit Dönmez

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