Albares: "L’Europe ne peut pas avoir deux poids, deux mesures, nous devons agir !"
Le MAE espagnol fait le point sur la situation à Gaza et en Ukraine

Madrid
AA / Madrid / Senhan Bolelli
Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a estimé que l’Union européenne (UE) devait désormais agir pour mettre fin aux attaques d’Israël contre Gaza, après avoir jusqu’ici très peu fait et tardé à intervenir.
Interrogé par un correspondant d'Anadolu au siège du ministère à Madrid sur les développements à Gaza et en Ukraine, Albares a souligné qu’« en matière de mesures concrètes pour empêcher le génocide en cours à Gaza, l’Espagne continuera de jouer un rôle moteur ».
« Malheureusement, jusqu’à présent, nous avons constaté que les positions morales et les déclarations ne peuvent pas arrêter cette attaque israélienne qui ne poursuit aucun objectif militaire et ne fait que détruire et faire souffrir la population civile à Gaza. Le moment est venu pour l’Union européenne d’agir » a-t-il ajouté.
Critiquant le silence de l’UE face aux événements à Gaza, Albares a déclaré : « L’UE a très peu fait pour arrêter les attaques israéliennes et est arrivée trop tard. Je ne comprends pas, car les mêmes principes, le même droit international, la même absence de protection des civils, les attaques contre les hôpitaux, lieux de culte, centres de l’ONU et villes et bâtiments uniquement habités par des civils, que nous avons observés en Ukraine, se produisent également à Gaza. L’UE le savait, et l’Espagne le savait depuis le début. Elle savait comment élever la voix, nommer les événements et, surtout, prendre des mesures concrètes pour arrêter la guerre de pression en Ukraine. Mais à Gaza, il n’y a pas eu de mobilisation européenne. »
Albares a rappelé que, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Copenhague le 30 août, il avait présenté un plan d’action prévoyant un embargo sur les ventes d’armes à Israël, la fin du commerce avec Israël et la suspension de tous les programmes entre Israël et l’UE. Il a précisé : « C’est bien sûr un plan applicable. Il consiste simplement à appliquer la législation de l’UE, qui prévoit par exemple qu’il ne faut pas vendre d’armes aux pays en guerre, comme Israël, et que l’UE doit toujours soutenir et respecter toutes les décisions et avis antérieurs de la Cour internationale de Justice concernant la barbarie actuelle à Gaza. »
Sur l’adoption du plan, Albares a souligné que l’UE exigeait l’unanimité, mais qu’« en ce qui concerne certaines mesures, je crois que nous approchons au moins de la majorité qualifiée. J’ai constaté que la majorité des pays souhaitent que l’UE ait une voix forte pour défendre le droit international et le droit humanitaire et protéger les civils palestiniens à Gaza, notamment les enfants, les bébés, les journalistes et les travailleurs humanitaires. »
Abordant la question de l’existence de deux poids, deux mesures en Europe, en référence à l’Allemagne, Albares a déclaré : « Nous savons que certains pays ont une relation historique différente avec Israël. Mais aucune mesure du plan présenté par l’Espagne ne vise le peuple israélien ou les Juifs. Il s’agit de mesures fondées sur le droit international, sur l’humanité, pour mettre fin à cette folie et à cette barbarie. L’Europe ne peut pas avoir deux poids, deux mesures. Nous devons agir, et je suis convaincu que tôt ou tard nous agirons. »
Interrogé sur la Flottille mondiale Sumud en route vers Gaza et sur les Espagnols protestant contre Israël lors de la course « La Vuelta », ainsi que sur les propos du ministre israélien de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, qualifiant de terroristes les civils tentant de se rendre à Gaza, le ministre Albares a déclaré : « Il est absolument inacceptable de stigmatiser comme terroristes les personnes venues ici par humanité et solidarité. Je suis fier d’être le ministre des Affaires étrangères d’un pays qui se mobilise pour arrêter le massacre à Gaza. J’aurais souhaité qu’aucune flottille ne soit nécessaire et que toute aide humanitaire, y compris celle des organisations espagnoles et internationales, puisse atteindre les civils sans obstacle. »
Il a ajouté : « Nous demandons la fin du blocus israélien sur Gaza et que l’aide humanitaire soit acceptée en masse et sans restriction. Nous refusons totalement que les citoyens espagnols solidaires soient traités comme des terroristes et je précise qu’ils bénéficieront de toute protection diplomatique et consulaire, comme dans les cas précédents. Nous suivons la situation de près et ils resteront sous notre protection, comme dans les affaires antérieures. »
Concernant la coopération avec la Türkiye, Albares a répondu : « La Türkiye et l’Espagne sont deux pays amis et deux partenaires stratégiques. Nous croyons en l’ONU, aux relations bilatérales et au droit international. Je suis en contact avec mon homologue turc, le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan, et nous discutons fréquemment de la manière d’améliorer la situation à Gaza. Tout soutien à la paix et à la création de l’État de Palestine sera soutenu par l’Espagne auprès de ses amis et alliés. »
Sur la guerre en Ukraine, Albares a précisé : « Je ne crois pas que la Russie soit prête à un cessez-le-feu inconditionnel, ni à une paix juste et durable. Chaque jour, nous voyons que les tirs de missiles continuent et que la guerre se poursuit. L’Europe se prononce pour une paix juste et durable et ne peut pas se contenter de simples tactiques d’attente entre deux guerres. »
Il a ajouté : « L’Ukraine et l’UE doivent être impliquées dans toutes les négociations de paix, car la sécurité de l’Ukraine et ses valeurs démocratiques sont étroitement liées à l’Europe, à notre sécurité et à nos valeurs. Nous avons besoin d’un réel désir de paix de la part de la Russie. »
* Traduit du turc par Seyma Erkul Dayanc