« Un très mauvais coup donné à la laïcité » : Nicolas Cadène critique les propositions de Retailleau sur le voile
- L’ancien rapporteur de l’Observatoire de la laïcité en France dénonce une instrumentalisation des principes républicains par le ministre de l'Intérieur.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Nicolas Cadène a réagi vivement aux déclarations de Bruno Retailleau sur le port du voile et la laïcité. Selon l’ancien rapporteur de l’Observatoire de la laïcité, les propositions du ministre français de l'Intérieur traduisent une confusion sur la portée de la loi de 2004 et de la neutralité.
Pour rappel, le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a affirmé que « le voile n’est pas un simple bout de tissu ». Dans une interview accordée lundi soir au Parisien, le locataire de Beauvau a dénoncé ce qu’il considère comme un « étendard de l’islamisme » et un marqueur « d’infériorisation » des femmes.
À la veille des commémorations des attentats terroristes contre Charlie Hebdo et l’Hypercacher, le ministre français de l’Intérieur a plaidé pour une nouvelle offensive législative, incluant l’interdiction du port du voile dans les universités.
Retailleau a également proposé d’étendre les dispositions de la loi de 2004 sur les signes religieux à des espaces comme les sorties scolaires et les compétitions sportives, en estimant que ces activités constituent un prolongement des missions de l’école.
Dans une série de tweets publiés ce mardi, Nicolas Cadène a rappelé que « les parents accompagnateurs ne sont ni des élèves, ni des agents publics ». À ce titre, ils ne sont pas soumis à la loi de 2004, qui concerne les élèves, ni au devoir de neutralité réservé aux agents publics.
L’ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité accuse le ministre de déformer les fondements mêmes de la loi. « La neutralité ne s’applique qu’aux agents publics pour garantir que tous les citoyens soient traités à égalité, quelles que soient leurs convictions », souligne-t-il. L’expert en laïcité rappelle que la loi de 1905 protège avant tout la liberté de conscience et ne vise pas à restreindre l’expression des croyances individuelles.
Concernant l’université, il critique l’idée d’étendre la loi de 2004 à un espace historiquement lié à la liberté de pensée. « La commission Stasi n’a jamais voulu que cette loi s’applique à l’université. Cela n’aurait aucun sens », affirme-t-il, expliquant que cette mesure était initialement destinée aux élèves en situation d’apprentissage.
Pour rappel, la commission Stasi, créée en 2003, a été chargée de réfléchir aux principes de laïcité et a inspiré la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostensibles à l’école, tout en excluant les adultes et les universités de son champ d’application.
Pour Nicolas Cadène, les mesures envisagées risquent d’être contre-productives. Il alerte sur leur potentiel à renforcer les « replis communautaires » et à marginaliser davantage certaines populations. « Ce type de mesures serait un très mauvais coup donné à la laïcité », conclut-il, tout en appelant à cesser d’instrumentaliser ce principe républicain pour des enjeux politiques.