François Bayrou : « Le nucléaire iranien est une menace pour Israël, et pour nous aussi, Européens »
– Le Premier ministre français a exprimé la solidarité de la France avec Israël tout en dénonçant la situation humanitaire « inacceptable » à Gaza.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Le Premier ministre français, François Bayrou, a lancé mercredi soir un signal d’alerte clair devant les députés réunis à l’Assemblée nationale : « Le développement du programme nucléaire iranien est une menace pour l’État d’Israël et nous aussi, Européens, sommes menacés. » Cette affirmation s’inscrit dans un débat organisé en application de l’article 50-1 de la Constitution, qui permet au gouvernement de faire une déclaration suivie d’un échange parlementaire, sans engager sa responsabilité et sans vote.
Dans un contexte de trêve fragile entre Israël et l’Iran, et après douze jours de frappes croisées inédites, Bayrou a livré une vision grave et globalisée de la situation géopolitique, articulée autour de trois axes : la menace nucléaire iranienne, le positionnement français entre solidarité avec Israël et critique de l’offensive à Gaza, et le bouleversement mondial provoqué, selon lui, par l’invasion de l’Ukraine.
- Le nucléaire iranien, une ligne rouge pour l’Europe
François Bayrou a mis en garde contre l’évolution rapide du programme nucléaire iranien, jugé incontrôlable par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’Iran, a-t-il dit, enrichit aujourd’hui e l’uranium à hauteur de 65 %, bien au-delà des niveaux compatibles avec un usage civil. Il a précisé qu’un stock de 409 kg pourrait, une fois réenrichi à 90 %, permettre la fabrication « de près de dix bombes atomiques ».
« Toutes les briques de l’arme nucléaire sont aujourd’hui en place », a-t-il averti, en soulignant la capacité balistique de Téhéran à frapper le sud-est de l’Europe — voire une partie du territoire français. Cette menace, a-t-il insisté, n’est plus seulement israélienne, mais aussi européenne.
- Israël, Gaza : une ligne d’équilibre difficile
Bayrou a exprimé une solidarité nette avec Israël après l’attaque du Hamas du 7 octobre, qu’il a qualifiée d’« acte terroriste délibéré » visant à « faire disparaître l’espoir des accords d’Abraham » — ces accords de normalisation entre Israël et plusieurs États arabes. Il a rappelé que 48 Français ont été tués ce jour-là, et dénoncé un projet « de haine irréversible ».
Mais le Premier ministre français n’a pas éludé les conséquences de la riposte israélienne. Il a jugé « inacceptable » la situation humanitaire à Gaza, où plus de 55 000 morts ont été recensés, « en majorité des civils ». Il a dénoncé « le blocage de l’aide alimentaire », « l’effondrement des conditions sanitaires » et la souffrance de la population. « Cela, la République française ne peut en aucune manière l’accepter », a-t-il tranché.
- Un monde basculé dans la loi du plus fort
La déclaration de François Bayrou s’est également inscrite dans une lecture d’ensemble des déséquilibres internationaux. Il a affirmé que l’ordre mondial fondé sur le droit s’est fissuré avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. « Il y aurait un effet de contagion, et que ce tsunami, dont l’épicentre était Kharkiv en Ukraine, allait se répandre sur la planète entière », a-t-il déclaré.
Cette rupture, selon lui, a nourri un cycle de conflits — du Haut-Karabakh au Venezuela, en passant par Taïwan, l’Iran et Gaza. Pour la France, a-t-il martelé, l’heure est venue de défendre un modèle fondé sur le droit, mais aussi de « construire la puissance européenne », car « la justice sans force est impuissante ».
- Proche-Orient
Le débat de ce soir intervient dans le sillage d’un conflit direct de douze jours entre Israël et l’Iran, débutant le 13 juin par une « attaque surprise » israélienne contre des installations nucléaires et militaires iraniennes, faisant plusieurs commandants du Corps des Gardiens de la révolution islamique (IRGC) et scientifiques clés parmi les victimes, ainsi que plus de 200 civils selon les autorités iraniennes.
Israël a frappé en premier, estimant que Téhéran franchissait des « lignes rouges » avec son programme nucléaire. En représailles, l’Iran a lancé des missiles et des drones contre Israël, provoquant une vingtaine de morts et une centaine de blessés chez l’adversaire avant que les États-Unis n’interviennent le 21 juin en frappant à leur tour trois sites nucléaires iraniens.
Le cessez-le-feu, négocié avec l’aide de Washington, a été effectif le 24 juin, après qu’Israël eut mis fin à ses frappes 12 heures après l’Iran.
- Situation humanitaire à Gaza
Pour rappel, depuis la reprise des hostilités par Tel Aviv le 18 mars 2025, après un cessez-le-feu, les attaques israéliennes ont tué plus de 5 600 Palestiniens, portant le bilan total à Gaza à plus de 56 000 morts, depuis le début du conflit en octobre 2023, suite à une attaque du Hamas. La majorité des victimes palestiniennes sont des civils, notamment des enfants et des femmes. Malgré l'annonce de cessez-le-feu, les violations persistent, aggravant la situation humanitaire déjà critique.
Pour rappel, la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à Israël, le 26 janvier 2024, de prévenir tout acte de génocide à l'encontre des Palestiniens à Gaza et de permettre l'accès à l'aide humanitaire. De son côté, la Cour pénale internationale (CPI) a émis, le 21 novembre 2024, plusieurs mandats d'arrêt, notamment contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis dans la bande de Gaza.
Par ailleurs, Israël bloque l’entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza, invoquant des raisons de sécurité. Quelques autorisations minimes de passage de l'aide humanitaire ont été accordées, mais celles-ci demeurent largement insuffisantes pour répondre aux besoins de la population gazaouie.
Ce blocus a été condamné par plusieurs ONG, dont Médecins du monde, Oxfam et le Norwegian Refugee Council, qui alertent sur un "effondrement total" de l’aide humanitaire et dénoncent "l’un des pires échecs humanitaires de notre génération". Dans ce contexte, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a réaffirmé qu’"aucune aide humanitaire n’entrera à Gaza".
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