Journal de l'Islamophobie

Sondage de l’Ifop et islamophobie : “un carburant pour les architectes de la haine”, accuse l’avocat Romain Ruiz

– Dans un entretien à Anadolu, l’avocat de quatre conseils musulmans explique pourquoi ils ont porté plainte contre X après la publication du sondage controversé sur l’islam réalisé par l’Ifop

Ümit Dönmez  | 26.11.2025 - Mıse À Jour : 26.11.2025
Sondage de l’Ifop et islamophobie : “un carburant pour les architectes de la haine”, accuse l’avocat Romain Ruiz Maître Romain Ruiz

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez


Quatre conseils départementaux du culte musulman (CDCM) ont porté plainte contre X à la suite de la publication du sondage Ifop intitulé « État des lieux du rapport à l’islam et à l’islamisme des musulmans de France », paru le 18 novembre 2025. Ils dénoncent une enquête biaisée, dont l’exploitation médiatique nourrirait l’islamophobie. Leur avocat, Romain Ruiz, revient pour Anadolu sur les fondements de cette action judiciaire.

« Les sondages ne sont pas neutres. Ils orientent les débats, influencent les décisions, forgent l’opinion publique. C’est pourquoi ils sont encadrés par la loi », rappelle-t-il, en référence à la loi du 19 juillet 1977 sur la publication des sondages d’opinion.

Les CDCM du Loiret, de l’Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne estiment que les règles méthodologiques prévues par ce texte n’ont pas été respectées. Me Ruiz critique en particulier les “focus” rédigés par les auteurs de l’étude. « Ils mettent en avant des données polémiques, parfois ultra-minoritaires, sans cohérence méthodologique. Ce n’est pas un hasard, c’est une stratégie. »

L’un des points les plus contestés concerne l’emploi du terme “charia” dans les conclusions de l’enquête. « Aucune question ne mentionne ce mot. On parle de “loi islamique”, une notion floue, puis on conclut que des jeunes musulmans veulent imposer la charia. C’est mensonger. »

L’avocat insiste sur les conséquences politiques d’une telle présentation : « Ce sondage est du carburant pour les architectes de la haine. Il sera repris, détourné, instrumentalisé par ceux qui font commerce de l’islamophobie. »

Parallèlement à la plainte pénale, une saisine de la Commission des sondages a été déposée. Celle-ci a exprimé des doutes sur sa compétence, le sondage n’étant pas électoral. Une position que conteste Me Ruiz : « Nous sommes à quelques mois des municipales. Ce type d’étude influence l’agenda politique. »

S’il distingue son rôle d’avocat de ses convictions personnelles, Me Ruiz affirme aussi : « En tant que citoyen, je considère que ce sondage participe clairement à la stigmatisation des musulmans. »

Au-delà du cas juridique, cette affaire met en lumière un enjeu démocratique plus large : à quel moment une enquête d’opinion cesse-t-elle d’informer pour devenir un outil idéologique, voire un levier de tension politique ?

Cette plainte s’inscrit dans un contexte de hausse continue des actes islamophobes en France. Selon les données officielles du ministère de l’Intérieur, 242 actes antimusulmans ont été recensés en 2024, contre 187 en 2023, soit une augmentation de près de 30 %. Sur les cinq premiers mois de l’année 2025, ce chiffre atteint déjà 145, contre 83 à la même période en 2024 — une progression alarmante d’environ 75 %. Ces actes vont de l’agression verbale à la profanation de lieux de culte.

Le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) confirme également un recul de la tolérance envers les musulmans, avec un indice de 57 sur 100 en 2023, en baisse par rapport à l’année précédente.


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