AA/RDC/Joseph Tsongo

Epouse de pêcheur et mère de huit enfants, Judith Sekanabo, la cinquantaine, est la femme la plus célèbre des villages riverains du Lac Edouard dans l'Est de la République Démocratique du Congo (RDC).

Une réputation acquise grâce à son engagement citoyen aussi bien pour la protection du Lac que dans des oeuvres sociales visant à améliorer le quotidien de ses semblables.

Initiatrice d'une Association qui milite pour le bien être des riverains du lac Edouard et de la grande mobilisation contre le projet d’exploitation du pétrole dans le Lac, Judith n'a nullement volé son surnom de "Reine du Lac" comme ses concitoyens de Vitshumbi, un village du territoire de Rutshuru, se plaisent à l'appeler.

Elle s'est, en effet, fortement démarquée lors de la mobilisation contre le projet d'exploitation pétrolière dans le Lac par la firme britannique Soco-International.

"Je me suis opposé à ce projet parce que c’est ce lac qui fait notre identité et notre principale source de subsistance", explique Judith, soulignant que "les déchets pétroliers pollueraient l’eau et les poissons du lac consommés par des milliers de personnes dans la région".

Consciente de la valeur du Lac, qu’elle considère comme "la mère nourricière de la région", elle s'est, également, fortement engagée dans la lutte contre la pêche illicite.

Outre la valeur du Lac en tant que principale source de nourriture pour des milliers de riverains, l'engagement de Judith est dicté par l'amour qu'elle porte à ce Lac où elle a passé la majeure partie de son enfance.

"C’étaient des moments exceptionnels, on allait jouer au bord du lac chaque jour après l’école" se souvient-elle. Le lac Edouard a ainsi vu grandir Judith Sekanabo, fille et épouse de pêcheur.

"Le poisson tilapia était notre met quotidien", explique-t-elle, déplorant la raréfaction des ressources causée par la pêche illicite et arbitraire.

Son engagement citoyen ne date pas d'hier, Judith s'est en effet distinguée alors qu'elle était encore à l'école où elle fût tour à tour chef de classe et porte-parole des élèves de son école.

Ainsi elle fût ramenée à réfléchir, très tôt, sur des questions qui touchent de près le bien-être de ses semblables.

"Je m’étais rendu compte qu’il n’y avait aucune structure sanitaire dans mon village, ainsi, j’ai eu l'idée de collecter des fonds en faisant du porte à porte pour aider à construire un centre de santé communautaire et cela a été possible après près de 20 ans", se réjouit-elle.

Etant marié à un pêcheur, Judith s’est également intéressée au commerce du poisson frais comme d’autres femmes du village. Elle a, en outre, créé l'Union des femmes épouses des pêcheurs pour le développement intègre du paysan (UFEPDIP ). Une association à but non lucratif qui vise, notamment à réfléchir sur les meilleures modalités d'écouler le poisson du Lac, indique Judith.

Un objectif atteint, précise-t-elle, notant que l’association a, grâce aux cotisations de ses membres, réussi à s’acheter deux gros véhicules et deux motos.

Sur un autre plan l'association multiplie les actions de sensibilisation pour rationaliser la pêche. "Nous distribuons des filets et des hameçons appropriés pour encourager les pêcheurs clandestins à abandonner la pêche illicite qui détruit les réserves du Lac".

Aujourd'hui, la notoriété de Judith et son engament sans failles dépasse les frontières de son pays. "j’ai été invitée, à plusieurs reprises, à de grandes conférences régionales pour parler de ma lutte en faveur du lac Edouard", dit-elle fièrement.