"Ici on noie les algériens" : le massacre du 17 octobre 1961
-Alors que la Guerre d'indépendance algérienne se poursuivait, un nombre estimé de 300 à 400 des 30 000 Algériens qui manifestaient pacifiquement contre le couvre-feu imposé aux "Français musulmans", a été massacré par la police française,

France
AA - Paris - Alaattin Doğru, Yusuf Özcan
Le Massacre du 17 octobre de 1961, au cours duquel plus de 300 manifestants algériens ont été tués et jetés dans la Seine lors d'une manifestation pacifique de soutien au mouvement indépendantiste algérien, figure comme l'une des pages sombres de l'histoire coloniale française.
La manifestation qui a vu la participation d'environ 30 000 Algériens rassemblés pour protester contre le couvre-feu imposé aux "Français musulmans", s'est transformée en un bain de sang en plein cœur de la capitale française.
La France a tenté de cacher l'ampleur du massacre en annonçant que seules 40 personnes sont mortes suite au massacre, ignorant les efforts des proches de victimes pendant 37 ans.
Le 17 octobre 2001, un panneau a été érigé sur le pont Saint-Michel par le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, pour commémorer les victimes du Massacre du 17 octobre 1961. Cependant la France n'a toujours pas reconnu ce massacre comme un "crime d'État".
S'abstenant de reconnaître les massacres commis au cours de son histoire, la France conserve au Musée de l'Homme à Paris, les restes des corps de milliers de résistants algériens massacrés sous le régime colonial en Algérie (1830-1962).
- Couvre-feu réservé aux Algériens avant le massacre
En France, le 6 octobre 1961, un couvre-feu est imposé aux Algériens, ou aux "Français musulmans" vivant dans la région parisienne.
Près de trente mille Algériens, descendus dans la rue le 17 octobre 1961 pour soutenir la lutte pour l'indépendance initiée par leur pays, ont organisé une manifestation pacifique qui se déroulait sans le moindre incident.
Cependant, les manifestants ont été confrontés à une intervention extrêmement violente de la police, sur ordre du Préfet de police à paris, Maurice Papon, connu en tant qu'ancien collaborateur nazi, notamment lors de la déportation des Juifs de la région bordelaise vers le camp de Drancy, d'où ils sont ensuite acheminés vers le camp d'extermination d'Auschwitz, en Silésie, une région polonaise.
Le 17 octobre 1961, des milliers de personnes ont été blessées et environ 14000 personnes ont été arrêtées.
Bien qu'il ne soit pas officiellement déterminé combien de personnes sont mortes, des témoins du massacre et des sources indépendantes affirment qu'environ 400 Algériens ont été abattus par la police française, et qu'environ 400 blessés ont été jetés dans la Seine.
Des témoins rapportent que certains des manifestants ont également été tués dans le jardin de la Préfecture de police de Paris et dans des stations du métro parisien.
Après que la France avait prétendu en 1998, que seulement 40 personnes étaient mortes dans l'incident, l'historien Jean-Luc Einaudi avait remporté un procès ouvert contre Papon en 1999, établissant sa responsabilité ainsi que l'ordre qu'il avait donné aux policiers d'intervenir contre les manifestants pacifiques.
Ainsi, s'il est désormais officiellement établi que le massacre était intentionnel, l'incident reste sujet au tabou, notamment pour l'État français.
Une plaque commémorative a été érigée au 39e anniversaire du massacre sur le pont Saint-Michel, en mémoire des victimes. Cependant, depuis 2012, les cérémonies commémoratives organisées sur les lieux du tragique événement ne peuvent se tenir que sur autorisation de la préfecture.
Tristes anecdotes : sur le lieu où le panneau commémoratif est positionné, sur le pont Saint-Michel, où des centaines d'Algériens avaient été jetés dans le fleuve il y a à peine quelques décennies, on peut remarquer un panneau notant qu'"En cas de noyade, appelez ce numéro", alors qu'un slogan notant "Ici on noie les Algériens", est immédiatement supprimé par la police.
Cette phrase, est également à l'origine du titre du film documentaire réalisé en 2011 par Yasmina Adi, « Ici on noie les Algériens - 17 octobre 1961 », et qui tente de mettre en lumière une vérité qui demeure encore taboue en France.
La demande du journaliste de l'Agence Anadolu (AA) d'accéder aux archives relatives au tragique événement, a été rejetée par le Service des archives et des affaires culturelles de la Police de Paris, malgré les 59 ans passés depuis, cette dernière citant l'épidémie de nouveau coronavirus comme motif de refus.
* Traduit du turc par Ümit Dönmez
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