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G20 historique en Afrique du Sud malgré le boycott américain

- Selon les analystes, l’absence de Washington sera davantage symbolique que réelle, Pretoria ayant déjà utilisé sa présidence pour amplifier des voix longtemps marginalisées dans la gouvernance mondiale

Hassan Isilow  | 21.11.2025 - Mıse À Jour : 21.11.2025
G20 historique en Afrique du Sud malgré le boycott américain

Johannesburg

AA/Johannesburg/Hassan Isilow

L’Afrique du Sud s’apprête à accueillir ce week-end le tout premier sommet du G20 sur le sol africain, un moment qualifié d’historique pour le continent, même si les États-Unis boycottent la rencontre.

Selon les analystes, l’absence de Washington sera davantage symbolique que réelle, Pretoria ayant déjà utilisé sa présidence pour amplifier des voix longtemps marginalisées dans la gouvernance mondiale.

L’économiste politique indépendant Dale McKinley estime que, si le boycott américain aura « un impact symbolique », il ne fera pas dérailler la réunion ni son programme. « Je pense que la présidence sud-africaine du G20 cette année a mis en lumière de nombreuses nouvelles questions concernant le Sud global et a offert une voix alternative face à la domination des États-Unis », a-t-il déclaré à Anadolu.

Andre Duvenhage, professeur à l’Université North-West, partage ce point de vue, affirmant que le désaccord entre Washington et Pretoria reflète des changements plus profonds – les liens de l’Afrique du Sud avec la Russie et la Chine, ainsi que son dossier sur le génocide contre Israël devant la Cour internationale de Justice.

« L’absence de Trump et de certains dirigeants mondiaux pourrait légèrement diminuer la portée du sommet », a-t-il indiqué, « mais le pays hôte bénéficiera néanmoins d’échanges bilatéraux étendus. »

L’Afrique du Sud a adopté la même rhétorique, le ministre des Affaires étrangères Ronald Lamola déclarant cette semaine que le sommet – auquel participent les principales puissances économiques mondiales – se déroulera comme prévu, y compris le vote sur la déclaration des dirigeants.

« Nous avançons pour convaincre les pays présents que nous devons adopter une déclaration des dirigeants, car l’institution ne peut pas être freinée par quelqu’un qui est absent », a-t-il déclaré.

Trump a refusé d’envoyer un représentant américain à Johannesburg pour la réunion des 22 et 23 novembre, accusant à tort l’Afrique du Sud de « violations des droits de l’homme » contre la population blanche afrikaner des affirmations que le gouvernement sud-africain a à plusieurs reprises qualifiées d’infondées.

Ces accusations reflètent celles que Trump avait directement adressées au président Cyril Ramaphosa lors d’une rencontre télévisée à Washington plus tôt cette année. Malgré les réfutations de Ramaphosa, le président américain a continué de soulever la question.

Jeudi, Ramaphosa a indiqué que les États-Unis et l’Afrique du Sud discutaient d’une possible participation de Washington après un « changement d’avis », mais cette possibilité a rapidement été démentie par la Maison-Blanche.

« J’ai vu le président sud-africain tenir des propos contre les États-Unis et le président des États-Unis plus tôt aujourd’hui, et ce langage n’est pas apprécié par le président ni par son équipe », a déclaré la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, aux journalistes.

« L’ambassadeur ou le représentant de l’ambassade en Afrique du Sud est simplement présent pour reconnaître que les États-Unis seront l’hôte du G20 ; ils sont là pour la clôture de l’événement, pas pour participer aux discussions officielles, contrairement à ce que le président sud-africain affirme faussement », a-t-elle ajouté.

- L’Afrique du Sud veut marquer le Sud global

Le thème choisi par l’Afrique du Sud pour le G20 cette année – « solidarité, égalité et durabilité » – a été critiqué par Washington, qui l’a qualifié d’anti-américain. Ramaphosa a rejeté cette interprétation et a minimisé le boycott. « Les boycotts ne fonctionnent jamais vraiment », a-t-il affirmé. « Au final, c’est leur perte. »

Lamola a confirmé que seuls quatre membres du G20 ne seront pas représentés par des chefs d’État : la Russie, le Mexique et l’Argentine, qui enverront leurs ministres des Affaires étrangères, et la Chine, représentée par le Premier ministre Li Qiang.

Il a indiqué que l’Afrique du Sud espère que les résultats du sommet « laisseront un héritage durable » pour l’Afrique et le Sud global, notamment grâce à sa volonté de réformer l’architecture financière internationale afin de la rendre plus équitable et adaptée aux besoins des pays en développement.

McKinley a souligné que Pretoria avait déjà réussi à élargir le débat. « L’Afrique du Sud a permis de mettre en avant les voix de nombreux pays du Sud global qui étaient souvent exclues », a-t-il noté.

Il reste toutefois incertain quant à l’adoption d’une déclaration des dirigeants : « Avec l’absence de certains chefs d’État, j’en doute. »

Rich Mashimbye, chercheur à l’Institut de la pensée et du dialogue panafricains de l’Université de Johannesburg, a estimé que le sommet constitue une étape importante pour l’Afrique dans son ensemble.

« L’Afrique est présentée comme le prochain pôle de croissance économique mondiale, et le sommet se concentrera intensément sur les opportunités d’investissement sur le continent », a-t-il déclaré.

Il a précisé que la rencontre intervient alors que l’Afrique du Sud cherche à restaurer sa crédibilité dans l’économie mondiale après des années de stagnation, de scandales de corruption et de pertes de réputation.

« Le sommet du G20 offrira au gouvernement l’occasion de rassurer les plus grandes économies mondiales sur le fait que le pays est sur la voie d’une reprise positive et est ouvert au commerce », a-t-il ajouté.

- Pourquoi accueillir le G20 est important

Mashimbye estime que l’absence des États-Unis aura peu d’impact, surtout que le boycott repose sur des accusations « démontrées sans fondement ».

Il a également souligné que l’UE continue de considérer l’Afrique du Sud comme un partenaire stable et a fermement rejeté les allégations de génocide contre les Afrikaners.

La position de Trump, a-t-il précisé, doit être comprise dans le cadre de sa personnalité politique globale. « Trump est un personnage généralement clivant et combatif, aux États-Unis comme à l’international, et son absence doit être vue sous cet angle. »

Mashimbye a ajouté que l’absence de dirigeants comme le président argentin s’explique davantage par une volonté de s’aligner sur Trump que par une critique du rôle de l’Afrique du Sud.

Quant à la Chine et à la Russie, il a insisté sur le fait que leur absence ne doit pas être interprétée politiquement. « Le président Xi Jinping a déjà envoyé le Premier ministre aux réunions du G20, et depuis le début de la guerre Russie-Ukraine, le président russe évite les sommets internationaux et préfère déléguer. »

Mashimbye a estimé que l’Afrique du Sud a jusqu’à présent « excellé » en tant qu’hôte du G20, supervisant des dizaines de réunions préparatoires, beaucoup centrées sur le climat, la gouvernance financière et le développement. « En ce sens, l’Afrique du Sud a veillé à ce que les programmes du G20 2025 soient complets », a-t-il conclu.

*Traduit de l'anglais par Sanaa Amir

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