Sante, Afrique

Afrique-Tabac : Ces liaisons dangereuses!

- Plus de 20% des hommes et 3% des femmes fument dans le continent noir, où le tabac reste un "objet culturel et traditionnel presque sacré" dans certaines régions.

Mohamed Hedi Abdellaoui  | 17.10.2016 - Mıse À Jour : 18.10.2016
Afrique-Tabac : Ces liaisons dangereuses!

Tunis

AA/ N'Djamena/ Mahamat Ramadane

Le continent africain est malade de tabagisme et il y a un risque que cela s'aggrave dans les années à venir.

C'est ce qui ressort d'une réunion de haut niveau des pays africains convoquée par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à Alger, le 10 octobre dans le cadre de la lutte anti-tabac.

La rencontre d'Alger ayant pour objectif de trouver une position commune aux pays du continent avant la réunion internationale de New Delhi (Inde) début novembre, a abouti à un constat plutôt amer: l'Afrique va faire face à une explosion de sa consommation de tabac dans les prochaines années, si rien n’est fait dans le sens de réduire cette consommation.

Selon Nivo Ramanandraibe, docteur au sein du bureau Afrique de l’OMS, interrogé par le médias français « RFI » lors de la réunion sur la lutte anti-tabac d'Alger, les chiffres sur le tabagisme en Afrique sont alarmants.

«21% des hommes et 3% des femmes consomment du tabac dans le continent noir. On enregistre une augmentation de la consommation du tabac chez les jeunes, en particulier chez les filles. 30% des jeunes sont exposés à la fumée du tabac à domicile et 50 % le sont dans les lieux publics », a-t-il prévenu.

Dans un entretien avec Anadolu, Daouda Elhadj, Secrétaire général de l'Association tchadienne de défense des droits des Consommateurs, souligne qu'au Tchad, "13% des jeunes de 16 à 32 ans fument du tabac et seulement 4% d'entre eux sont conscients que ce produit est nuisible à la santé". Il met en cause une défaillance des pouvoirs publics africains, impuissants face aux lobbys des industries du tabac.

«L'Afrique est le seul continent qui est en retard dans la lutte contre le tabagisme aussi bien au niveau des législations qu'au niveau de la lutte citoyenne. Les dirigeants du continent prennent des engagements dans les réunions internationales de lutte contre le tabac, mais rares sont ceux qui tiennent leurs promesses. Les industriels jouent la carte du pouvoir de l’argent», a-t-il commenté.

D'après une étude élaborée par des experts francophones de l'Observatoire du tabac en Afrique, récemment publiée par le site d'information africaine «slateafrique», la consommation de cigarettes continue de croître sur le continent africain. Si la tendance actuelle se poursuit, le nombre de paquets vendus devrait encore doubler dans les douze ans à venir. Les Africains, tous sexes confondus, fument de plus en plus tôt. Dans certains pays sahéliens et maghrébins, 10% des fumeurs commencent à fumer dès l’âge de treize ans.

Face à l'augmentation de la consommation, quelques rares pays africains ont élaboré des textes législatifs pour y faire face, mais le défi est bien plus grand que les lois. La République du Tchad, l’île Maurice et le Sénégal constituent des exemples concrets qui illustrent la volonté de lutter contre la progression de la consommation du tabac.

Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, le Tchad est le tout premier pays subsaharien à avoir imposer des avertissements sévères de santé en usant d’images chocs et de textes sur 70% des deux faces des paquets de cigarettes autorisés à la vente dans le pays.

Cette réglementation juridique datant de 2015, classe le Tchad parmi les pays pionniers dans la zone africaine de l'OMS, s’agissant de la lutte anti-tabac dans le monde.

Au Sénégal, en vertu d’une loi de juillet 2016, le tabac est dorénavant interdit dans les lieux publics et la vente aux mineurs est prohibée, de même que la vente de cigarettes à 200 mètres des établissements scolaires. La loi prévoit aussi l'interdiction de toute publicité directe ou indirecte pour le tabac.

Livrant une autre approche, le sociologue tchadien, Djédouboum Médard, note dans un entretien avec Anadolu, que le tabac est devenu un "objet culturel et traditionnel presque sacré", dans certains milieux africains.

Pour lui, il est difficile de convaincre une ethnie qui cultive le tabac pour honorer ses engagements coutumiers et culturels de renoncer d'un coup à une pratique qu'elle a héritée de ses ancêtres.

«Même si l'aspect sanitaire reste un motif suffisant pour démontrer que le tabac est un aliment nuisible à l'homme, il serait difficile de sensibiliser certaines tribus africaines qui le considèrent comme un objet culturel d'y renoncer facilement », dit-il.

Chez les Massa, une ethnie très conservatrice vivant dans le sud tchadien, les feuilles de tabac sont consommées fraîches ou séchées pendant les cérémonies funèbres. Ceci étant, demander à une ethnie de renoncer à une partie de sa cérémonie funèbre est pris comme une insulte à l'égard de sa tradition, explique le sociologue.

Abordant l’exemple centrafricain, Médard note que chez les tribus Sangho, le tabac est aussi un cadeau obligatoire pour les beaux parents lors des demandes en mariage. C'est pourquoi, les plantes de tabac sont cultivées par presque toutes les familles par respect aux valeurs traditionnelles. Les beaux parents, même s'ils ne sont pas consommateurs, ils exigent le tabac pour une valeur symbolique et en font cadeau à leur tour aux invités.

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