Analyse, Afrique

Afrique du Sud : 28 ans après les premières élections multiraciales, où en est le pays ?

- Le 26 avril 1994, s'ouvrait une page importante de l'histoire de la République d'Afrique du Sud.

Fatma Bendhaou  | 26.04.2022 - Mıse À Jour : 26.04.2022
Afrique du Sud : 28 ans après les premières élections multiraciales, où en est le pays ?

Ankara

AA/Ankara/Alex Sinhan Bogmis

Dès les premières heures du 26 avril 1994, des Sud-Africains se rendaient dans les bureaux de vote pour exercer leur devoir citoyen. Parmi ceux-ci, des personnes de couleur noire qui étaient appelés pour la première fois à voter. À l'issue de cette échéance électorale historique et hautement symbolique, Nelson Mandela devenait le tout premier président noir de la République d'Afrique du Sud.
Pendant des décennies en Afrique du Sud, la minorité blanche a gouverné le pays, imposant au passage des lois ségrégationnistes. À partir des années 1940, la minorité blanche a consolidé son pouvoir en créant un système de ségrégation raciale stricte appelé "apartheid". Ce système a contraint les Sud-Africains noirs à vivre reclus dans certaines parties des villes ou dans des régions rurales. Les politiques discriminatoires favorisant les blancs et désavantageant les Sud-Africains noirs ont accru les différences de statuts social et économique entre les deux groupes. Privés du droit de vote, les Sud-Africains noirs ne disposaient pas de véritables instruments de poids pour changer les lois au sein du système.
C'est alors que des militants pour l'égalité des droits à l'instar de Nelson Mandela ont initié de diverses campagnes de protestation pour renverser la tendance dans ce pays divisé par la discrimination. Des nations à travers le monde entier se sont jointes à l'effort, imposant des sanctions sur certaines transactions économiques avec l'Afrique du Sud et interdisant les personnalités culturelles et les athlètes sud-africains de participer à des événements internationaux. Les résultats de ces différentes actions commencent à produire les effets à partir de l'année 1990 lorsque le président sud-africain Frederik Willem de Klerk lance des mesures pour le démantèlement des lois en faveur de l'apartheid. Il initie également des pourparlers avec Nelson Mandela, resté en prison pendant 27 ans, pour évoquer les conditions de sa libération et jeter les jalons d'une collaboration en vue de la mise sur pied d'un gouvernement transitoire pour diriger le pays pendant cinq ans au cours desquels une nouvelle constitution multiraciale devait être rédigée.
Avant la tenue de cette échéance électorale historique de 1994, de nombreux observateurs craignaient que la violence ne prenne le dessus sur la volonté des populations de rééquilibrer les rapports entre les entités sociales. Des millions de Sud-Africains se sont rendus aux urnes, certains faisant la queue sur un kilomètre ou plus, contents d'être des acteurs d'une échéance aussi particulière. L'investiture de Nelson Mandela en tant que président de la République d'Afrique du Sud à l'issue des premières élections pluralistes et multiraciales de 1994 marquait une page importante du pays.

"Nous sommes conscients du fait qu'il n'y a pas de route facile vers la liberté. Nous devons donc agir ensemble comme un peuple uni, pour la réconciliation nationale, pour l'édification de la nation, pour la naissance d'un monde nouveau", avait déclaré le Prix Nobel de la paix de l'année 1993 lors de son investiture.


- Avis mitigés

Vingt-huit ans après les premières élections pluralistes et multiraciales, les avis à l'égard des institutions publiques en Afrique du Sud restent mitigés. S'il est vrai que des avancées ont été enregistrées notamment sur la réduction des discriminations, des manquements sont au rendez-vous.

Aujourd'hui, le parti du Congrès national africain (ANC), dont Nelson Mandela était l'une des figures de proue, est régulièrement secoué par de nombreuses crises. L'ancien président Jacob Zuma reste incarcéré pour avoir refusé de comparaître devant une commission d'enquête sur la corruption d'État sous sa présidence entre 2009 et 2018. Au cours de la dernière décennie, l'actualité dans la Nation arc-en-ciel a aussi et surtout été marquée par les attaques xénophobes à répétition. Au cours de cette période, le nombre d' immigrants en Afrique du Sud a presque doublé, passant d'environ 2 millions en 2010 à 4 millions en 2017, soit environ 7% de la population totale du pays. L'organisation non gouvernementale Human Right Watch, indiquait dans un rapport en date du 17 septembre 2020 que les étrangers, victimes de la xénophobie, servent de "boucs émissaires" pour cacher les maux qui gangrènent l’Afrique du Sud. Les défenseurs des actes xénophobes, quant à eux, soutiennent que les étrangers représentent un fardeau pour le pays parce qu'ils prennent des emplois et bénéficient des avantages sociaux. Ils estiment que les immigrants sont à l'origine de la criminalité grandissante et plus susceptibles d'augmenter le risque de terrorisme dans le pays. Une injustice pour des ressortissants des pays africains qui estiment avoir été des soutiens non négligeables pendant la période de l'apartheid.

Vingt-huit ans après les premières élections interraciales en Afrique du Sud, quatre présidents noirs, Nelson Mandela (1994-1999), Thabo Mbeki (1999-2008), Kgalema Motlanthe (2008-2009), Jacob Zuma (2009-2018) et Cyril Ramaphosa (depuis 2018) ont successivement accédé au pouvoir, mettant fin à l'hégémonie des Blancs. La "Nation arc-en-ciel", ce rêve de l'archevêque Desmond Tutu, acteur important de la lutte contre l'apartheid décédé en décembre 2021, se réalise non sans difficultés. Les inégalités raciale et sociale persistent, les scandales de corruption secouent les plus hautes institutions du pays, la xénophobie demeure une menace permanente. Les résolutions des défis de ce pays pourraient servir d'inspiration sous d'autres, car l'Afrique du Sud demeure, plus que jamais, une locomotive du continent africain et un exemple de la lutte pour la justice dans un monde déchiré par les injustices.

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