Moody’s place la France sous perspective négative, Roland Lescure appelle à un « compromis budgétaire »
- L’agence américaine maintient la note AA3 du pays mais s’inquiète de la fragmentation politique et du report de la réforme des retraites.
Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
L’agence de notation américaine Moody’s a décidé, vendredi 24 octobre, de maintenir la note de la France à AA3, tout en la plaçant sous perspective négative. Cette décision, si elle ne constitue pas une dégradation immédiate, traduit une inquiétude croissante sur la stabilité politique et la capacité du gouvernement à tenir sa trajectoire budgétaire.
Par voie de communiqué, le ministre de l’Économie, Roland Lescure, a déclaré « prendre acte » de la décision de Moody’s, tout en soulignant qu’elle témoignait de « l’absolue nécessité de construire un chemin collectif vers un compromis budgétaire ». Le ministre a réaffirmé l’objectif du gouvernement de ramener le déficit public à 5,4 % du PIB en 2025, puis sous les 3 % en 2029, « tout en préservant la croissance ».
Moody’s justifie cette révision de perspective par des raisons avant tout politiques, plus que financières. Dans son rapport, l’agence évoque la « fragmentation du paysage politique » et la difficulté pour l’exécutif de faire adopter son budget 2026, dans un contexte de majorité relative à l’Assemblée nationale. L’agence craint que cette instabilité « ne limite la capacité du gouvernement à répondre aux défis budgétaires et à réduire durablement la dette ».
Autre facteur mentionné : la suspension partielle de la réforme des retraites, arrachée à la majorité par la gauche. Moody’s estime que ce compromis, présenté comme temporaire, pourrait alourdir le coût budgétaire à moyen terme. « Bien qu’initialement modéré, le coût budgétaire de la suspension de l’augmentation de l’âge minimum de départ à la retraite et de la durée des cotisations va devenir significatif », avertit l’agence.
Malgré ces signaux d’alerte, Moody’s souligne que la situation économique française reste solide. Le rapport décrit un pays à la structure productive « diversifiée », doté d’un secteur bancaire robuste et d’institutions publiques « hautement compétentes ». En revanche, la lente érosion de la note souveraine française — entamée depuis la perte du triple A en 2012 — inquiète les observateurs financiers, qui y voient une tendance de fond.
Les marchés, eux, ont peu réagi à l’annonce : les taux d’intérêt français sont demeurés stables, après s’être davantage tendus à la suite de la démission du Premier ministre Sébastien Lecornu, le 6 octobre, qu’après les décisions successives des agences de notation.
Pour Roland Lescure, l’enjeu n’est donc pas seulement économique, mais politique : renouer avec la confiance en trouvant un terrain d’entente entre majorité et opposition alors que l'Assemblée nationale débat du budget 2026.
