France : Lecornu insiste sur la sécurité et l'urgence budgétaire lors de son premier déplacement
- La France aborde cette nouvelle étape dans un contexte budgétaire déjà fragilisé. La dette publique s’élève désormais à plus de 114 % du PIB.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s’est rendu ce samedi matin au commissariat de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), marquant sa première sortie publique depuis sa reconduction à Matignon vendredi soir par Emmanuel Macron, quatre jours après avoir remis sa démission. Ce déplacement, hautement symbolique, place la sécurité et l’urgence budgétaire au centre de son agenda immédiat.
Le Premier ministre a justifié le choix de ce commissariat par son passé de réserviste de la police. Il a affirmé que les consultations politiques menées dans les jours précédents avaient fait émerger un « large consensus » autour de la sécurité. « La sécurité du quotidien, la lutte contre les insécurités, [et] le refus de la violence sont quelque chose qui peut réunir », a-t-il déclaré. Il souhaite que la lutte contre l’incivilité et la délinquance soit « mise à l’agenda dans les temps qui viendront ».
- Urgence budgétaire
Mais au-delà du message sécuritaire, c’est l’urgence économique et financière qui motive le retour rapide de Sébastien Lecornu à Matignon. Il a affirmé « comprendre toutes les incompréhensions » suscitées par sa reconduction, mais a défendu cette décision au nom de la nécessité d’agir rapidement : « Je n’ai pas d’autre ambition que de sortir de ce moment très pénible pour tout le monde », a-t-il déclaré, ajoutant vouloir « faire en sorte de voter un budget d’ici au 31 décembre ».
Le calendrier constitutionnel impose en effet que le projet de loi de finances pour 2026 soit présenté en conseil des ministres dès lundi, afin de respecter les délais légaux prévus par la loi organique relative aux lois de finances. Or, Sébastien Lecornu n’a pas encore composé son gouvernement. Pour respecter la procédure, les ministres devront être nommés ce week-end afin de pouvoir siéger dès lundi en conseil des ministres.
« Soit on fait du surplace, soit on avance », a-t-il résumé, en reconnaissant la difficulté de la tâche et en glissant : « Je n’ai pas le sentiment qu’il y avait beaucoup de candidats » pour assumer cette mission.
- Dette, déficit et pression des marchés
La France aborde cette nouvelle étape dans un contexte budgétaire déjà fragilisé. La dette publique s’élève désormais à plus de 114 % du PIB, ce qui représente environ 3 345,8 milliards d’euros à la fin du premier trimestre 2025. Cette dette élevée s’accompagne d’un déficit public structurel imposant : en 2024, le déficit avait atteint environ 5,8 % du PIB, et pour 2025, le gouvernement vise un déficit autour de 5,4 % du PIB.
Les agences de notation surveillent de près cette trajectoire. En septembre 2025, Fitch a rétrogradé la note souveraine de la France, passant de AA- à A+, invoquant la persistance du déficit, l’augmentation de la dette et l’instabilité politique. Cette dégradation marque la perte du « double A » pour l’Hexagone.
D’autres agences comme Moody’s et S&P ont déjà placé la France sous perspective négative, pointant le risque de nouvelles dégradations si le gouvernement ne parvient pas à stabiliser les finances publiques. Un abaissement de note peut se traduire concrètement par une hausse des coûts d’emprunt de l’État : pour les marchés, prêter à la France devient plus risqué, et les investisseurs exigent une prime de taux plus élevée.
- Oppositions en ordre de bataille et réactions des partis
La reconduction du Premier ministre, ce vendredi soir, a immédiatement déclenché une salve de réactions critiques.
Mathilde Panot, présidente du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale, a annoncé le dépôt d’une motion de censure ainsi qu’une motion de destitution contre le président Emmanuel Macron, appelant les députés de la gauche à s’y associer. Elle a estimé que le pouvoir était désormais « gouverné par le dégoût et la colère ».
Jordan Bardella a également annoncé que les députés du Rassemblement national déposeront une motion de censure « immédiatement », qualifiant le gouvernement Lecornu II d’« attelage sans aucun avenir ». Il a dénoncé une « honte démocratique » et une « humiliation pour les Français ».
Du côté du bloc présidentiel, la situation reste tendue. Horizons, le parti d’Édouard Philippe, envisage un soutien sans participation directe au gouvernement, sous réserve d’orientations claires sur certaines réformes, notamment les retraites. Les Républicains, quant à eux, expriment de fortes réticences : plusieurs responsables, notamment l'ancien ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, ont indiqué qu’ils n’entendaient pas intégrer l’exécutif, sans pour autant fermer la porte à des accords ponctuels.
À gauche, le Parti socialiste se montre critique mais attentiste. Si une majorité de ses élus dénonce la reconduction comme un déni de la crise démocratique, aucune ligne officielle unifiée ne semble pour l’instant émerger, en dehors du soutien à une évaluation serrée du futur budget.
Interrogé sur les conditions posées par certaines formations, notamment le Parti socialiste, qui réclame la suspension immédiate de la réforme des retraites, ayant porté l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, Sébastien Lecornu s’est montré prudent. « Tous les débats sont possibles dès lors qu’ils sont dans un cadre réel et réaliste, y compris sur les questions budgétaires », a-t-il déclaré. Concernant précisément la réforme des retraites, il a estimé qu’elle n’était « pas achevée », sans apporter de précisions.