
AA - Ankara - Naz Altinsoy
Par Nilay Kar
Les habitants de la région de la mer Noire affirment que les cas de cancer et de goitre ont explosé suite à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl le 26 avril 1986.
Toutefois les autorités turques demeurent encore partagées sur les effets du désastre. Une chose est certaine: lorsque le réacteur de la centrale nucléaire a explosé en Ukraine il y a 28 ans, il a libéré 100 fois plus de radiation que les bombes atomiques lancées sur les villes d’Hiroshima et de Nagasaki pendant la Deuxième guerre mondiale.
La contamination a touché certaines zones plus que d’autres en raison de la direction du vent et de la pluie – la pluie qui a lavé les toits, les gens, la terre et la mer de poussières radioactives.
Les villes turques de Trabzon, de Rize et d’Artvin sur la côte de la mer Noire, figuraient parmi les zones les plus touchées puisqu’elles avaient eu la malchance de connaître un mois d'avril particulièrement pluvieux. Les habitants appelaient les uns les autres à la prudence concernant ce qu’ils buvaient et mangeaient, notamment le thé et les noisettes, qui sont cultivés dans la région.
Sans oublier le poisson...
Mais, de certains membres du gouvernement comme Cahit Aral, ministre de l’Industrie et du Commerce turc à l’époque, retentissait un autre son de cloche: Les produits agricoles ne comportaient pas d’éléments radioactifs selon lui.
"Il n’y a pas d’élément radioactif dans le thé ", avait-t-il déclaré, en prenant une gorgée de son verre de thé devant les journalistes pour illustrer son propos.
Mais ceci n'a pas pour autant impressionné les habitants de la région.
"On nous a dit de ne pas manger du poisson pendant un long moment, se souvient Ibrahim Bal qui vivait à Trabzon au moment de la catastrophe. Les agriculteurs ne pouvaient pas cultiver du thé ou des noisettes pendant un moment. Ils avaient même peur d’acheter un morceau de pain. Ils étaient troublés à ce point".
Ils n’étaient pas seuls à penser ainsi. Certains experts les ont rejoints.
“Je n’arrive pas à comprendre, comment les responsables du gouvernement ont pu inciter les gens à boire du thé cultivé sur la côte de la mer Noire, s’est indigné Angelika Claussen, une physicienne allemande, membre de L'Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire. C’était un crime".
Les habitants de la région de la mer Noire estiment que l’exposition aux radiations nucléaires a provoqué plusieurs décès à la suite de cancers.
Kazim Koyuncu, un célèbre musicien né à Artvin, au nord de la Turquie, est décédé en 2005 à l’âge de 34 ans, suite à un cancer du poumon. Il avait soutenu pendant toute sa vie le lien entre les cas de cancer dans la région de la mer Noire et l'accident de Tchernobyl.
Et ce n'est pas la seule victime, affirment les habitants.
Chacun a son histoire à raconter, un proche atteint par le cancer, qui s’est éteint à un très jeune âge.
"Dans ma famille, quelqu’un est décédé à l’âge de 22 ans", rapporte Huseyin Ayaz, le vice-Président de la fédération des associations de Trabzon, au correspondant de l’Agence Anadolu, ajoutant que son père et son frère ont également été touchés par la maladie du cancer.
"Lorsque je n’ai pas trouvé de données gouvernementales sur les décès, je suis allé aux cimetières pour compter le nombre de morts, continue-t-il. J’ai effectué des recherches pour identifier la raison de ces décès. J’ai appris que 60% étaient morts à cause du cancer".
Huseyin Bal, un autre habitant, confirme.
“Mes cousins ont perdu la vie à 40 ans à cause du cancer, explique-t-il. Le nombre de goitres a aussi considérablement augmenté dans la région. Ma femme a d'ailleurs été touchée”.
Le goitre se manifeste par un gonflement de la région antérieure du cou, souvent associé à une déficience en iode. Mais d’après le Britain’s National Health Service, les goitres peuvent aussi se manifester à cause de l’exposition à la radiation.
Certains experts estiment que les maladies et les décès causés par la catastrophe de Tchernobyl n’appartiennent pas au passé.
“Les effets du désastre continuent, estime Gulcin Sahin, une représentante de Greenpeace, organisation mondiale de défense de l'environnement. Le désastre n’a pas seulement touché l’Europe et la Russie, mais également la Turquie. Il y aura encore des maladies et des décès dus à l’exposition à la radioactivité”.
Nombreux sont ceux qui se demandent si les cas de cancer ont augmenté depuis l’accident de Tchernobyl.
D’après le dernier rapport publié par le ministère turc de la Santé, le taux de cancer a en effet augmenté au cours des dernières années. Il indique qu’en 1970, le cancer était la quatrième cause de décès. Aujourd’hui, c'est la deuxième.
Le ministère affirme néanmoins que cette croissance n’est pas directement liée à Tchernobyl.
La croissance du nombre de cancers serait plutôt due à l’augmentation du nombre de fumeurs, à la malnutrition et aux facteurs environnementaux selon le rapport, qui souligne que la hausse en Turquie n’a rien d’exceptionnel par rapport aux autres régions du monde.
Pourtant, le cancer comme cause de décès est en déclin dans certains endroits du globe. En 2014, la Société américaine du cancer a affirmé que le taux de décès liés au cancer avait diminué de 20% aux Etats-Unis au cours de deux dernières décennies.
Le samedi 26 avril, certains se rassembleront à Sinop (nord de la Turquie) à l’occasion du 28ème anniversaire du désastre, et à Istanbul, pour s’opposer à l’énergie nucléaire.
Actuellement, la Turquie ne dispose pas de centrale nucléaire. Mais les démarches ont été effectuées pour la construction d’une centrale à Mersin (sud du pays) et d’une deuxième à Sinop.
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