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Hakan Fidan tire la sonnette d'alarme face à l'escalade imminente d'une "guerre froide" entre l'Occident et la Russie

- S'exprimant lors d'un entretien accordé jeudi à la rédaction d'Anadolu, le MAE turc a mis l'accent sur le rôle de médiateur assuré par Ankara dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine, précisant qu'il s'agit d'une priorité pour le président turc

Esra Tekin  | 19.09.2024 - Mıse À Jour : 20.09.2024
Hakan Fidan tire la sonnette d'alarme face à l'escalade imminente d'une "guerre froide" entre l'Occident et la Russie

Istanbul

AA / Istanbul / Esra Tekin

Le ministre turc des affaires étrangères, Hakan Fidan a tiré la sonnette d'alarme sur le risque d'une nouvelle "guerre froide" entre l'Occident et la Russie.

"La guerre froide, qui a commencé entre l'Occident et la Russie ainsi que les alliances que la Russie a formées en tant que plaque tournante, va s'approfondir et prendre une autre dimension", a déclaré Hakan Fidan dans un entretien accordé jeudi à la rédaction d'Anadolu.

Il a mis l'accent sur le rôle de médiateur assuré par la Türkiye dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine, précisant qu'il s'agit d'une priorité pour le président turc Recep Tayyip Erdogan.

"Beaucoup a été fait dans la pratique sur cette question. Il y a eu des réunions de très grande qualité facilitées par l'Organisation nationale du renseignement de Türkiye (MIT) en ce qui concerne les projets d'accords sur l'énergie et la sécurité alimentaire. Ceci s'est fait en particulier par le biais de la diplomatie du renseignement", s’est-il félicité.

Reconnaissant qu'il pourrait y avoir "une certaine détente" dans le conflit, le chef de la diplomatie turque a expliqué qu'il commençait à prendre "des formes de plus en plus différentes".

"Comme nous l'avons mentionné dès le début, si un conflit similaire à celui de Gaza commence et que vous ne manifestez pas la volonté de l'arrêter, vous risquez de ne pas avoir d'opinion claire sur la façon dont il évoluera et il pourrait devenir incontrôlable", a-t-il ajouté.

Hakan Fidan a fait remarquer que la guerre en Ukraine était actuellement "introduite" en Russie. Plus de 500 000 personnes ont perdu la vie et la situation ressemble à celle de la Première et la Seconde Guerres mondiales.

Il a souligné la difficulté pour les deux parties de maintenir le rythme de production des munitions et a attiré l'attention sur les dommages infligés aux populations et aux infrastructures urbaines par les attaques.

"Ce qui est encore plus étrange, c'est qu'à l'instar de la guerre de Gaza, le système international ne semble pas éprouver de sentiment d'urgence dans ce domaine", a-t-il affirmé.

Et le chef de la diplomatie turque de poursuivre : "Il devrait y avoir des conséquences pour les centaines de milliers de personnes qui meurent. Les gens devraient s'en préoccuper. Bien sûr, l'une des parties est sous occupation et se bat. Mais cette situation est allée bien au-delà. Elle divise le monde en deux et risque de plus en plus de s'étendre."

Selon Hakan Fidan, "Washington dirige l'Europe et tout le monde attend de voir comment se déroulera l'élection présidentielle américaine qui se tiendra en novembre."

Il a évoqué la possibilité de "négociations et de dialogues" après les élections américaines, soulignant que la guerre entre la Russie et l'Ukraine dure depuis près de trois ans et aucune des deux parties ne peut sortir gagnante d'un conflit.

Il a indiqué qu'un mécanisme de dialogue pourrait être mis en place après ce scrutin, tout en précisant que certaines étapes et réunions devaient avoir lieu au préalable.

Les sanctions imposées par l'Occident à la Russie constituent un autre paramètre clé de la guerre en Ukraine, a-t-il fait remarquer.

"Ces sanctions seront certainement mises sur la table dans le cadre d'un vaste ensemble de négociations. Nous verrons comment tout cela sera négocié. Si les négociations échouent, la situation pourrait soit dégénérer en un conflit plus large, soit devenir une guerre gelée", a-t-il déclaré.

Et d'ajouter: "Actuellement, les marchés, les stratèges et les mécanismes de sécurité considèrent par réflexe que la guerre en cours est temporaire. Nous pensons qu'au cours des prochains mois, cette situation pourrait avoir des effets permanents. Car si l'on tient compte des effets durables, il faut investir d'importantes ressources financières et prendre des décisions politiques concernant les mesures que nous allons prendre."

Hakan Fidan a fait remarquer que si les événements prenaient une tournure inattendue, les ressources dépensées et les positions prises jusqu'à présent pourraient être perdues.

"Si le scénario se déroule comme prévu et que l'on n'a pas pris des mesures, on perdra du temps. C'est la raison pour laquelle les acteurs internationaux sont dans l'incertitude à ce stade", a-t-il fait remarquer.

Il a souligné que les voies commerciales ont été perturbées et que la guerre entre la Russie et l'Ukraine n'est pas seulement un conflit chaud qui se déroule en Ukraine, mais a également des implications mondiales significatives.

"Il y a différents calculs géopolitiques de la part des parties qui ne voient pas d'inconvénient de poursuivre la guerre. Certains pays profitent de la situation actuelle", a-t-il noté.

Le chef de la diplomatie turque a exprimé son inquiétude quant à la nature changeante du conflit.

Selon lui, la Russie développe désormais des stratégies nucléaires, alors que les armes utilisées dans la guerre se limitaient à des armes conventionnelles.


- L'Organisation des États turciques

Hakan Fidan est également revenu sur sa récente visite effectuée en Asie centrale, soulignant la ferme volonté du président Erdogan de faire progresser les liens institutionnels avec l'Organisation des États turciques (OET) et ses membres.

"Outre notre lien de parenté, nous partageons un sentiment de solidarité", a-t-il indiqué, précisant que le monde turcique est un sujet qu'il suit de près depuis qu'il est à la tête de l'Agence turque de Coopération et de coordination (TIKA).

Hakan Fidan a souligné l'importance pour l'Union européenne de reconnaître l'attention significative que la Russie et les pays de la région Asie-Pacifique accordent à l'Asie centrale.

"Avec un tel intérêt, il est crucial pour la Türkiye de faire progresser les relations bilatérales et les liens institutionnels, en particulier dans le cadre de l'OET", a-t-il ajouté.

Il a également précisé qu'il existe des domaines spécifiques dans lesquels de véritables partenariats peuvent être formés.

"Il y a certains domaines où l'on peut être absolument certain, où l'on peut forger des chemins en partenariat avec nos frères et nos amis. Il s'agit notamment des questions de sécurité, de défense et de renseignements essentiels. Ces sujets devraient être prioritaires et figurer au cœur des agendas", a-t-il souligné.


- Le rôle de la Türkiye dans les Balkans

Hakan Fidan a évoqué les tensions entre la Serbie et le Kosovo ainsi que les efforts déployés par la Türkiye pour apaiser les tensions.

Il a souligné l'impact du leadership politique du président Erdogan dans la région, ainsi que le soutien historique de la Türkiye à l'indépendance, à la souveraineté et à la sécurité du Kosovo et de la Bosnie-Herzégovine.

"La Türkiye présente le profil d'un État mature qui reconnaît les intérêts de la Serbie dans certains domaines. Nous pouvons discuter de ces intérêts tant qu'il n'y a pas de problèmes concernant l'indépendance de la Bosnie et du Kosovo. L'établissement de bonnes relations avec la Serbie n'est possible que grâce à un leadership politique fort", a-t-il déclaré.

Il a noté que le président serbe Aleksandar Vucic fait confiance à son homologue Erdogan dans ce contexte. Pour le chef de la diplomatie turque, Erdogan possède une vision sur la manière d'assurer "la paix et la stabilité dans les Balkans", avec des responsabilités historiques.

"Si vous prêtez attention, que ce soit en Syrie, en Irak, dans les Balkans, dans la mer Noire ou au Moyen-Orient, nous utilisons toujours un langage de paix active. Il s'agit de faire des efforts sincères pour résoudre ou geler ces conflits avec des raisons valables et les transformer en paix”, a-t-il expliqué.

Soulignant que ces efforts découlent de la compréhension des questions et des acteurs impliqués, de la collecte continue d'informations et du maintien de l'interaction, il a mis en exergue la fiabilité d'Ankara dans ces domaines.

"La cessation des conflits dans notre région est la clé de la prospérité et de la sécurité que la Türkiye et ses alliés créeront dans les siècles à venir", a affirmé le ministre turc des Affaires étrangères.

Il a souligné qu'en dépit de la déstabilisation de la région à la suite de l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003, la Türkiye a continué sur la voie de la stabilité.

"La Türkiye a réussi à rester stable et sûre dans cette région, en améliorant continuellement son économie et sa sécurité pendant cette période, ce qui est tout à fait remarquable. Nous devons maintenir ce professionnalisme et cette concentration", a-t-il conclu.

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