Türkİye

«Les relations de la Turquie avec les pays africains sont au plus haut niveau»

- Déclaration du directeur général du département pour l’Afrique du ministère turc des Affaires étrangères et ambassadeur, Ahmet Riza Demirer 

Mehmet Kara, Zuhal Demirci  | 28.05.2018 - Mıse À Jour : 29.05.2018
«Les relations de la Turquie avec les pays africains sont au plus haut niveau» ( Fatih Aktaş - Anadolu Ajansı )

Ankara

AA - Ankara

À l’occasion de la Journée de l’Afrique (25 mai), Ahmet Riza Demirer, directeur général du département pour l’Afrique du ministère turc des Affaires étrangères et ambassadeur, a fait part à l'Agence Anadolu (AA) de ses observations concernant la croissance des relations économiques et commerciales entre la Turquie et les pays africains.

Soulignant que l’Afrique occupera davantage l'ordre du jour mondial au 21ème siècle, Demirer a néanmoins attiré l’attention sur la nécessité d’une croissance équilibrée et rapide.

Il a ajouté que c’est sur le continent africain que la lutte de la Turquie contre l'organisation terroriste FETO a le plus progressé.

Question: Nous voyons que la place et la visibilité de l'Afrique à l’ordre du jour international augmentent. Quelle est la réalité de l’expression «l'Afrique montante»? Y a-t-il une chance que le 21ème siècle soit le siècle africain?

Réponse: Sans aucun doute le 21ème siècle sera majoritairement africain. Mais il est difficile d’affirmer que chaque aspect sera positif. Ce sera un siècle africain car l'Afrique, délaissée, était en retard en matière de développement. Elle n’a pas pu rattraper les autres continents. C’est pourquoi le continent va forcément combler la différence. Il n'y a pas d'autre alternative, pas d’autre possibilité. Je vous donne un exemple. Je tiens à le mentionner car c’est un exemple frappant. Aujourd'hui, toutes les organisations internationales qui gèrent l'ordre mondial ont été fondées après la Seconde Guerre mondiale. À cette période presque tous les pays africains étaient des pays colonisés. Aujourd’hui, l’Afrique doit avoir un rôle décisif et avoir son mot à dire au sein de ces organisations. Au 21ème siècle, ce continent prendra la place qu’il mérite. L’Afrique est en retard par rapport aux autres continents. Il est doté de richesses naturelles et de ressources humaines. Il y a aussi de l’expérience en Afrique. Bien que cela soit méconnu, l'Afrique est, aussi, le berceau de l'humanité. Il y a 54 États sur le continent et des centaines de cultures différentes. C'est la richesse de l'Afrique. Alors que la population dans les autres pays tend à s’équilibrer, en Afrique, il y aura, dans les années à venir, une très grande population jeune. L'Afrique va évoluer mais elle doit évoluer rapidement. Le continent doit pouvoir créer de l’emploi et surtout éduquer la population grandissante des jeunes. Il doit être en mesure de fournir des services de santé à la société. Le risque ici découle de l’obligation pour l'Afrique de croître rapidement mais de façon équilibrée. L'Afrique a la capacité d'accomplir ces choses. Les structures étatiques des pays africains sont plus puissantes qu’autrefois. Même si certaines structures autoritaires perdurent, la nécessité d'une gouvernance plus transparente, plus démocratique et meilleure est reconnue dans toute l’Afrique. Si la situation en Afrique devait se poursuivre ce serait un risque pour eux-mêmes mais aussi pour le monde entier. Un risque aujourd’hui compris par les pays du monde. Je suis persuadé que tout le monde fera plus d'efforts pour avancer avec l'Afrique.

Question: Au cours des dix dernières années, principalement, les relations turco-africaines se sont énormément accrues. De nombreuses conventions économiques et politiques ont été signées. Quels sont les paramètres et les principes de la politique africaine de la Turquie dans ce cadre?

Réponse: Dans les relations avec l'Afrique, la politique gagnant-gagnant et la résolution des problèmes de l'Afrique avec des solutions africaines sont nos deux principes les plus importants. L’Afrique a des expériences datant de plusieurs siècles. Il n’existe aucune garantie selon laquelle les résolutions appliquées dans d’autres parties du monde seront aussi efficaces en Afrique. Nous pensons que les problèmes ne doivent pas être résolus de l’extérieur mais par les Africains eux-mêmes. Selon nous, une résolution proposée par les Africains doit être mise en oeuvre. Lorsque nous déterminons notre politique africaine nous gardons en tête la vision, la stratégie et le type de résolution de l’Union africaine. C’est ici notre point de départ. Nous avons un principe d’union et d’action commune avec les Africains. Nous souhaitons mener des travaux conformes aux conditions des Africains et réaliser un commerce durable. Les deux parties doivent gagner dans cette coopération. Nous souhaitons que cette coopération contribue au pays et se pérennise.

Question: Comment a débuté la politique d’ «ouverture africaine» de la Turquie et comment en sommes-nous arrivés à ce stade?

Réponse: Nous avons avec l’Afrique une relation qui dure depuis des siècles. Cela constitue notre source de motivation. Nous avons obtenu les moyens matériels de l’ouverture africaine dans les années 2000. Lorsque nous sommes allés développer nos relations nous ne sommes pas allés dans une région vierge. Il y demeurait l’existence véritable de la colonisation. Des pays qui exploitaient les mines, à l’instar de la Chine, du Brésil et de l’Australie, étaient devenus de vrais acteurs. L’Inde, est un tout autre acteur dans le sud et dans l’est du continent. Lorsque nous sommes allés en Afrique nous avons souhaité montrer notre différence et ce, pour offrir véritablement une autre vision et non pas pour concurrencer. Nous nous sommes vite appréciés en raison de notre histoire commune. Nous sommes au plus haut niveau possible en matière de vision politique et de développement commun. Par ailleurs, nous sommes du même côté au sein des organisations internationales où sont présents les pays africains. Nous conseillons à tous de considérer l’Afrique sous deux angles. Il s’agit là de la différence vue par les Africains à notre égard. La résolution des autres problèmes sera plus simple une fois que les pays africains seront plus développés. La coopération turco-africaine risque d’être impossible si elle n’est pas renforcée par le commerce, l’économie et le développement. Le point sur lequel nous nous attachons le plus est la réciprocité des activités économiques et commerciales. Les deux parties gagneront de ces relations. Nous serons également présent dans le domaine culturel. Afin de créer une conscience de l’Afrique en Turquie nous avons instauré l’année 2005 en tant qu’année de l’Afrique. En 2008, l’Union africaine nous a reconnus comme partenaire stratégique et le premier sommet a eu lieu. En 2014, le second sommet s’est tenu. Nous prévoyons d’organiser le troisième sommet l’an prochain en Turquie. Depuis 2009, des missions diplomatiques sont inaugurées et les visites de haut niveau ont augmenté. Les réunions de la Commission Mixte sur la coopération économique entre la Turquie et l’Afrique et les conseils relatifs aux travaux ont augmenté. L’intérêt de la Turkish Airlines a augmenté et l’Agence turque de coopération et de coordination (TIKA) a augmenté ses effectifs.

Question: De sérieuses coopérations sont en question en Afrique de l’Est et en Afrique du Nord. Mais il semblerait que la situation soit différente en Afrique du Sud. Va-t-il y avoir une orientation de courte ou de longue durée à destination de l’Afrique du Sud?

Réponse: L’un des plus importants partenaires économiques de l’Afrique est l’Afrique du Sud quand bien même cela change de temps à autre. Au cours des dix dernières années nous avons énormément avancé en Afrique. Tous les pays sont prioritaires mais nous avançons selon les régions et la distance des pays africains entre eux. Nos objectifs vis-à-vis de l’Afrique du Sud ne changent pas quand bien même notre visibilité est moindre. Par ailleurs, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré que sa prochaine visite se fera en Afrique du Sud.

Question: De nombreuses missions diplomatiques ont été ouvertes en Afrique mais il existe encore des pays où ne se trouve aucune ambassade. Avez-vous pour objectif d’en ouvrir?

Réponse: Nous avons récemment ouvert une ambassade à Sierra Leone et en Guinée Équatoriale. Cette année il est probable qu’une mission soit ouverte au Burundi. Le président Erdogan a demandé à ce qu’une ambassade soit ouverte dans tous les pays d’Afrique. Dans les années à venir le nombre d’ambassades en Afrique devrait atteindre les cinquante.
Nous souhaitons ouvrir une ambassade dans les 54 pays africains. Pour le moment nous avons une ambassade dans 41 points en Afrique et nous prévoyons d’étendre cela à l’ensemble des pays.

Question: Les pays africains prennent-ils également l’initiative d’ouvrir des ambassades en Turquie?

Réponse: Ankara fait partie des rares capitales mondiales à accueillir autant d’ambassades de pays africains. Elle se place en quatrième ou cinquième position au niveau mondial. Évidemment l’ouverture d’une ambassade n’est pas simple. Il existe des problèmes comme trouver le personnel ou encore le budget.

Question: L’Afrique souhaite intenter une grande initiative avec la signature de l'accord de libre-échange continental africain (AfCFTA). Comment la Turquie voit-elle cette accord?

Réponse: L’accroissement du volume de l’économie et du commerce est propice pour tous les acteurs. Le volume du commerce extérieur effectué par les pays africains, entre eux, est très faible. Cet accord prévoit d’accroître le commerce entre les pays africains. Plus l’économie d’un pays sera puissante plus le pays sera fort. Si le commerce entre les pays africains augmentent cela permettra d’accroître les opportunités d’un point de vue économique pour la Turquie. En outre, il s’agit d’une obligation au regard de l’augmentation de la jeune population. La Turquie suit la convention de près. C’est un accord important pour l’Afrique.

Question: Quels sont les développements opérés en Afrique dans la lutte contre FETO? Pensez-vous avoir obtenu le soutien nécessaire?

Réponse: L’Afrique est le continent dans lequel nous avons le plus avancé dans la lutte contre FETO. Les pays africains sont conscients de ce danger. Ils ont souhaité coopérer car leurs structures étatiques sont plus vulnérables. Les centres éducatifs de FETO ont été fermés et transférés à la Fondation Maarif. Ces écoles seront des modèles pour les autres pays.
Les pays qui n’ont pas procédé à la fermeture sont, quant à eux, plus prudents. La Fondation Maarif a plus de 90 écoles et environ 80 mille étudiants. FETO s’est investi dans les écoles car il est plus simple de commettre des abus dans le domaine de l’éducation. Ils ont également oeuvré dans les hôpitaux. Avec les revenus qu’ils tirent de ces activités, ils financent le terrorisme et les opérations contre la Turquie. Il s’agit également d’une source de confinement et de financement pour les terroristes qui se sont évadés de la Turquie. La lutte contre ce genre d’institution est une priorité.

Question: Quelle vision de la Turquie existe en Afrique après les derniers événements survenus en Turquie?

Réponse: Dans l’Afrique en général il existe une image positive de la Turquie. Nous avons une histoire commune différente avec l’ensemble de ces pays. Il n’existe pas de vision négative de la Turquie quand bien même les relations avec chacun des pays africains n’est pas au même niveau. Les pays africains connaissent parfaitement les intérêts dans les relations économiques et politiques. Les pays du continent analysent correctement l’actualité mondiale et agissent selon leurs intérêts. La Turquie, eu égard à l’intérêt manifesté, est précieuse.

Question: Quels sont les objectifs de la Somalie, où se trouve la plus grande base militaire de la Turquie? Quelles sont également les visions des pays de la région à l’égard de la base militaire?

Réponse: Pour nous, le Somalie n’est pas un espace de concurrence. Le Somalie est un pays très important pour nous. C’est la Turquie qui a changé le destin de la Somalie. Nous souhaitons que les pays qui nous considèrent comme rivaux oeuvrent également pour le développement et l’enrichissement de cet endroit. Notre base militaire est là-bas pour soutenir l’aide humanitaire et les objectifs de développement. Depuis trente ans, il existe un réel problème de gouvernement en Somalie. Le pays dispose de personnalités éminentes et d’une grande expérience historique. Les gens en Somalie sont conscients de ce qu’ils font mais bien sûr il est difficile d’arriver à un compromis. Une armée et des forces de sécurité sont nécessaires pour assurer la sécurité. Depuis trente ans les milices armées, les forces locales et gouvernementales coexistent. C’est pourquoi le Somalie a besoin d’une armée nationale. Conformément à la volonté de la Somalie, notre base militaire participe à la création d’une armée nationale somalienne et à l’éducation de militaires et d’officiers. Nous n’avons pas la volonté de maintenir l’armée sous nos ordres. Les militaires formés vont travailler dans l’armée nationale somalienne. Les Émirats Arabes Unis, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne donnent également des formations. Notre différence réside dans le fait que nous cherchons à trouver une solution à la source du problème. Nous essayons de combler les lacunes des autres pays pour former des militaires attachés à la conscience nationale somalienne. Il s’agit là d’une solution à long terme.

Question: Nous savons que la Turquie poursuit des travaux de restauration sur l’île de Suakin qui occupe une place importante dans les relations bilatérales avec le Soudan et dans l’histoire de l’Empire ottoman. Quelle est la situation actuelle sur l’île?

Réponse: L’île de Suakin est importante pour nous et le Soudan car nous ferons d’elle une destination culturelle et touristique. Nous allons maintenir notre présence sur l’île et permettre à l’ensemble des anciennes civilisations de l’île de réapparaître. Auparavant nous avions fait la restauration de certains bâtiments mais maintenant nous réhabilitons la totalité de l’île. La TIKA a envoyé une grande délégation pour mener des travaux sur l’île. Cette dernière ne supporte pas le poids des constructions car il s’agit d’une île de corail. Les bâtiments construits à base de corail se dégradent rapidement en raison du sel et de l’humidité. Nous cherchons une solution technique pour l’île. Il demeure un attachement particulier à ce lieu car il s’agissait autrefois du point de passage des pèlerins.

Question: Au cours des dix dernières années, la Chine a réalisé d’importants investissements. Elle continue de réaliser des investissements dans la quasi totalité des régions. Cette progression de la Chine constitue-t-elle un risque pour la Turquie?

Réponse: En Afrique nous ne sommes en rivalité politique avec aucun des pays. Cela dit économiquement parlant nous serons en rivalité, dans le cadre des relations commerciales, avec la Chine et les autres pays. Je ne suis pas contre les investissements de la Chine en Afrique. Au contraire, qu’elle en fasse davantage et qu’elle permette à l’Afrique de se développer davantage. Il ne faut pas avoir de craintes. La Chine ne réalise pas des investissements pour évincer la Turquie ou un quelconque pays. Les Africains proposent eux-mêmes de travailler avec quiconque manifeste un intérêt à leur égard. En fait, il faudrait se demander pourquoi les autres pays n’en font pas autant que la Chine. Le plus important c’est qu’elle travaille dans le respect des intérêts de l’Afrique et de ses règles.

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.
A Lire Aussi
Bu haberi paylaşın