
France
Plusieurs joueurs turcs ou d’origine turque évoluant en Europe, ont subi diverses polémiques au sein de leur club de football ou en sélection, mais aussi plus globalement avec les fans de football sur les réseaux sociaux, à la suite du salut militaire des footballeurs de l’équipe nationale de Turquie lors des rencontres contre l’Albanie et la France.
Il est clair que la campagne menée par les politiques européens contre l’opération "Source de Paix", lancée par la Turquie dans le Nord de la Syrie, afin d’éradiquer la présence terroriste le long de ses frontières, il y a 10 jours maintenant, a un lien direct avec les pressions exercées sur les footballeurs turcs jouant en Europe.
Ilkay Gündoğan (Manchester City), Emre Can et Merih Demiral (Juventus), Cengiz Ünder (As Rome), Çağlar Söyüncü (Leicester), Cenk Tosun (Everton), Enver Cenk Şahin (St.Pauli) ou encore Ozan Kabak (Schalke 04) font partis de la liste de ces des joueurs ayant subi des pressions diverses durant toute cette semaine de rencontres internationales.
Tout a commencé avec le but, ô combien important, lors de la victoire de la Turquie contre l’Albanie (1-0) de l’attaquant d’Everton, Cenk Tosun, une réalisation célébrée avec un salut militaire lors de la 7ème journée des éliminatoires de l’Euro2020 de l’UEFA.
Un geste qui sera repris par plusieurs joueurs de la sélection turque, enflammant les réseaux sociaux et la presse occidentale, puis une célébration qui sera répétée après la rencontre contre la France dans un match qui avait été considéré à haut risque dans la capitale parisienne.
Plusieurs sportifs turcs, comme le récent champion du monde aux anneaux Ibrahim Colak, ou la boxeuse Busenaz Sürmeneli ont imité leur confrères du football en faisant un salut militaire, des images largement reprises faisant rapidement le tour des réseaux sociaux.
Quant aux joueurs allemands d’origine turque de la Mannschaft, İlkay Gündoğan (Manchester City) et Emre Can (Juventus), ils ont eu le grand « malheur » de "liker" la photo de leur ami Cenk Tosun (Everton) après le but de l’attaquant délivrant la Turquie contre l’Albanie.
Des « likes » qui ont été rapidement supprimés par les deux footballeurs, suite à la pression de la Fédération Allemande de Football, comme l’explique un des dirigeants de la Mannschaft, Oliver Bierhoff « Nous avons parlé avec les joueurs après la rencontre contre l'Estonie… Ils doivent avoir conscience de leur responsabilité et de l'effet que chacune de leur déclaration peut provoquer sur les réseaux sociaux».
Rappelons-nous que Mesut Özil (Arsenal) avait dû renoncer à joueur en faveur de l’Allemagne après les critiques très vives à la suite d’une photo prise aux côtés du président de la République de Turquie, Recep Tayyip Erdoğan en 2018, juste avant la Coupe du Monde en présence de Cenk Tosun et d’Ilkay Gündoğan.
Ozan Kabak, élu meilleur espoir de la saison 2019 de la Bundesliga, a aussi été rappelé à l’ordre par son club en Allemagne : "Nous en parlerons en interne avec Ozan Kabak, puis nous terminerons le sujet", a déclaré le club au défenseur, non sans souligner "que Schalke 04 se démarque de tels gestes symboliques pour les événements en Syrie".
La décision la plus forte et la plus incompréhensible vient sans nul doute du club de deuxième division Sankt Pauli, qui a décidé de libérer son milieu de terrain Enver Cenk Şahin avec prise d’effet immédiat, à la suite d‘une publication du joueur turc en faveur de l’opération turque sur instagram.
« Sahin est libéré de ses obligations de s'entraîner et de jouer avec Sankt Pauli… Son contrat est toujours valide, mais il n'est effectivement plus un joueur du club pour l'instant», a déclaré la formation allemande.
Pas mieux du côté de l’Italie, avec le hashtag « Demiral Out » d’une partie des supporters de la Juventus, demandant le départ du jeune et talentueux défenseur central Turc Merih Demiral après la participation au salut militaire avec ses coéquipiers.
L’attaquant de la formation de la capitale italienne, Cengiz Ünder a, lui aussi, eu sa vague de contestation sur les réseaux sociaux, après avoir posté une photo de lui, avec un salut militaire, une publication qui, finalement, ne sera pas sanctionnée par l’AS Rome.
Beaucoup plus libéral sur les sujets communautaristes, les joueurs turcs évoluant en Angleterre n’ont quasiment pas subi de polémique, comme le démontre la déclaration du club d’Everton sur son attaquant : « Cenk Tosun a été le héros de la Turquie à Istanbul après le but de l'attaquant d'Everton à la 90e minute, une réalisation permettant à la Turquie de remporter une rencontre décisive dans le groupe H face à l’Albanie».
Çağlar Söyüncü a aussi été félicité par sa formation de Leicester, le club anglais postant une photo du talentueux défenseur embrassant son maillot lors de la rencontre contre la France.
En France, plusieurs politiciens, et dont certains manquent de visibilité sur la scène médiatique, ont de suite profité de l’occasion pour faire de « l’audience » sur les réseaux sociaux, une campagne anti-Turquie qui n’a pas manqué d’exacerber les concitoyens d’origine turque sur l’Hexagone.
De la demande d’annulation à quelques heures de la rencontre France-Turquie, à une disqualification de l’équipe nationale de Turquie, toutes les allégations pour discréditer et déstabiliser la formation turque ont été employées, notamment par Marine Le Pen (RN), Jean-Luc Mélenchon (FI), Jean-Christophe Lagarde (UDI) ou encore la ministre des Sports Roxana Maracineanu.
Le comble, dans cette histoire, est sans nul doute l'accusation à l'encontre des joueurs turcs de « politiser le sport », avec un simple salut militaire, un geste de soutien aux forces de l’ordre de leur propre pays.
Un signe bien évidemment instrumentalisé par des figures politiques françaises, utilisant tout l’attirail médiatique en leur possession pour attaquer un pays et ses dirigeants, sous couvert de politisation d'un match de football.
Pour rappel, la définition d'un salut militaire consiste en un simple geste de respect et de fraternité entre deux soldats, un signe qui remonte au Moyen Age, lorsque deux chevaliers se rencontraient.
Cela étant, l'image de l'armée en Turquie, des forces de l'ordre et de l'armée, ayant une place dans le cœur de tous les Turcs, nécessite une recontextualisation, de sorte à mettre en évidence le lien culturel et social qui existe entre le peuple et ses forces de sécurité, comme en témoignent les fêtes familiales organisées lors du départ de la jeunesse turque pour l'exercice du service militaire.
Et malgré l’ambiance tellement décriée autour de ce match entre les deux premiers du groupe H, c’est encore une fois les valeurs intrinsèques du sport et du football qui ont gagné, grâce notamment à la complicité des supporters des deux camps.
Une vraie leçon qu’ont pu donner les 30 milles fans turcs présent dans l’enceinte du Stade de France, chantant et applaudissant les hymnes nationaux des deux sélections, une image formidable que la majorité des téléspectateurs n’ont pu voir sur les écrans pour cause de restriction du diffuseur…