Le triple triomphe du Napoli : La revanche du Sud, la victoire d’un groupe et le sacre du « grand Présent »… Maradona
- Les Napolitains ont remporté, jeudi dernier, le troisième Scudetto de leur histoire, et le premier depuis l’ère d’un certain Diego Armando Maradona. Retour sur un triomphe pas comme les autres.

Canada
AA / Montréal / Hatem Kattou
Napoli, le club phare du Sud de l’Italie, a remporté, au terme d’une disette de 33 ans et au terme de la 33ème journée de la Série A, le troisième Scudetto de son histoire, rééditant ainsi un double exploit réalisé en 1987 et en 1990, sous la férule d’un certain Diego Armando Maradona, présent en force dans le sacre de cette année, malgré sa disparition en novembre 2020.
La victoire de la « Società Sportiva Calcio Napoli » (SSC Napoli) ne peut être assimilée à un titre de championnat, banalement ou machinalement remporté par une équipe, après avoir disputé plus d’une trentaine de matchs en plusieurs mois, comme cela se fait, dans de nombreux pays du monde chaque année. Loin de là.
La victoire du Napoli est certes une victoire sportive remportée grâce à un groupe soudé, homogène et talentueux, qui est dirigé par un entraîneur discret et efficace. Mais, c’est beaucoup plus que cela.
Il s’agit d’un sacre qui dépasse la seule dimension d’un club de football, pour atteindre et toucher toute la ville vésuvienne, voire une partie de la « Botte », celle du Sud, des petites gens qui se dresse et qui prend sa revanche contre l’autre partie représentée par les clubs du Nord riche.
Paradoxalement, et au-delà de la dimension sportive proprement parlant du groupe, et collective d’une ville ou d’une région, avec leurs ramifications sociales et économiques, ressurgit la victoire d’un joueur, d’un homme.
Cet homme, qui avait passé l’arme à gauche un certain 26 novembre 2020, mais qui, aussi étonnamment que cela puisse paraître, était présent en force dans ce sacre napolitain.
Il s’agit, tout un chacun l’aurait deviné, de la victoire de Maradona, qui, depuis le Ciel – qu’il avait longtemps côtoyé sur les rectangles verts, veillait sur Sa ville, Son club, qui ont – enfin – réussi à vaincre le signe indien et à venir à bout de la malédiction, en remportant une victoire qui leur échappait depuis pas moins d’un tiers de siècle.
- La revanche - pas seulement footballistique - du Sud
Les disparités en Italie entre le Sud pauvre pestiféré, habituellement pris de haut par un Nord industriel riche, ont de tout temps caractérisé le pays depuis sa réunification. Il suffit de savoir, pour illustrer ce gap, que le revenu par habitant du Sud de l’Italie n’atteint que 57% de celui du Nord.
Le fossé Nord-Sud des deux « hémisphères italiens » n’est pas seulement économique ou financier, mais a atteint également le monde du sport, dominé et gangréné, depuis plusieurs décennies déjà, par le pouvoir et l’influence de l’argent.
Le palmarès du Calcio ne fait pas exception. Il convient de souligner que le championnat remporté par Napoli la semaine passée est le premier gagné par un club du Sud depuis…22 ans, lorsque la Louve romaine (un club de la capitale et plutôt du Centre) s’était adjugé le titre.
En effet, de 2002 à 2022, le scudetto avait été partagé par le club de la Juventus de Turin (région du Piémont) et les deux clubs rivaux de Milan (L’AC et l’Inter) implantés dans la région de la Lombardie, où siège d’ailleurs la Bourse d’Italie.
Ainsi, le triomphe du club parthénopéen, cette saison, possède un goût particulier et une saveur singulière de revanche, qui dépasse, allègrement et largement, la seule et étroite dimension sportive, pour venir briser et mettre un terme à une domination « nordique » devenue quasiment perpétuelle.
Toutefois, et pour tempérer quelque part ce propos, nous nous devons de souligner que le Napoli a, au cours des douze dernières saisons, placé un pied sur le podium du Calcio à huit reprises, tout en décrochant quatre fois la frustrante place de dauphin (saisons 2013 – 2016 – 2018 – 2019).
Qu’est ce qui a fait donc que le Napoli de 2023 soit le champion, sacré de surplus à cinq journées de la fin du parcours.
- La victoire d’un groupe
Sous la houlette de l’entraineur Luciano Spalletti (64 ans), un technicien habile et un homme aussi discret qu’efficace, Napoli est parvenu à, non pas seulement remporter le titre, mais à écraser le championnat.
Longtemps considéré comme un looser – bâtisseur, n’ayant remporté aucun titre en Italie avec deux distinctions jusqu’à présent avec le Zénith Saint-Pétersbourg en Russie, Spalletti, cet éternel deuxième avec l’AS Rome, est parvenu cette saison, à se hisser à un autre palier en gagnant le trophée avec le club de Naples.
Plusieurs données peuvent illustrer cette domination, dont à titre d’exemple, le fait que le club n’a perdu aucun de ses matchs pendant les quinze premières journées (soit plus du tiers du championnat), alignant au passage treize victoires, ce qui lui a permis, depuis le mois de novembre dernier, de prendre une option pour le titre, laquelle option a été confirmée, au fur et à mesure que les journées se disputaient et que les bons résultats s’enchainaient, malgré un mois d’avril poussif.
Le Napoli cette saison est tout simplement la meilleure attaque de la Série A avec 70 réalisations inscrites jusqu’ici (plus de débuts buts par match), à quatre journées de la fin, ce qui s’explique par le jeu offensif, alléchant et spontané livré.
Naples est également la meilleure défense du championnat avec seulement 23 buts encaissés en 34 journées soit une moyenne de 0,67 but par match, et c’est grâce à cette combinaison entre le jeu offensif, voire spectaculaire, et la rigueur défensive, que le club a réussi à tenir la dragée haute à ses adversaires depuis le début de la saison.
Naples est également synonyme cette année de 26 victoires tout en n’ayant encaissé que trois défaites, et cerise sur le gâteau, il compte 83 points dans son escarcelle, avec une éventualité plus que probable de dépasser la barre symbolique des 90 points.
Ainsi, la victoire de Naples n’est pas due, comme lors de la décennie des années 80 à un seul joueur d’exception (Maradona), mais à un groupe et à un collectif. En l’absence de stars planétaires, le club compte en son sein des éléments, dont la force réside dans leur homogénéité technique et dans leur solidité mentale.
Le coach Spalletti a réussi également à insuffler un esprit de groupe hors du commun pour créer cette osmose digne d’un groupe où le vedettariat est quasiment banni.
Malgré cela, deux noms sortent du lot et méritent d’être mentionnés.
Le premier est l’international nigérian, Victor Osimghe, qui a réussi à scorer à 23 reprises, soit une moyenne de 0,82 buts sur les 23 rencontres disputées, ce qui lui a valu de caracoler en tête du classement des buteurs de la Série A, et ce à quatre journées du terme, et à quatre longueurs de l’Argentin Lautaro Martinez, attaquant de l’Inter de Milan.
Le deuxième élément n’est autre que le maître à jouer et à penser des « Azzurri » cette saison, en la personne de l’international géorgien Khvicha Kvaratskhelia. Le natif de Tbilissi a tout réussi cette saison. Du haut de ses 22 ans et lors de sa première saison dans un grand championnat, il a, en plus d’être l’auteur de 12 buts (sixième meilleur buteur en Série A), livré 27 passes décisives cette saison.
Doté d’un sens technique des plus redoutables, qui s’illustre dans ses dribbles et feintes, le Géorgien, devenu la coqueluche du club, a réussi à charmer non pas seulement les fans napolitains mais tous les amoureux du beau jeu, grâce, entre autres à son talent et aux prestations qu’il livre.
Le groupe napolitain qui vient d’être sacré mérite, en effet, les éloges qui lui sont adressés, à telle enseigne que nombre d’observateurs vont jusqu’à affirmer que cette équipe de Naples – version 2023 – est l’une des « plus belles équipes du football contemporain », forte de son jeu fluide, sans complications dans les transmissions, et avec une simplicité aussi bien dans la construction que dans la conclusion du jeu.
- Maradona : L’éternel « Patron/citoyen » napolitain
Tout a été dit ou presque sur Diego Armando Maradona, meilleur joueur de tous les temps, ainsi que sur les nombreuses facettes de la relation qui le liait à la ville de Naples, où il avait passé sept ans en provenance d’une autre cité méditerranéenne, ibérique celle-là, Barcelone.
Maradona était tellement attaché à Naples qu’il est parvenu à devenir l’incarnation de cette ville du Sud, peuplée des petites gens, qui lui rendaient la pareille en l’élevant à un rang jamais égalé pour un joueur, même et surtout après sa disparition soudaine, à l’âge de 60 ans, il y a de cela près de deux ans et demi.
Immédiatement après la victoire du Napoli, voire avant, tous les esprits footeux ont convergé pour penser à Maradona, ce grand absent mais tellement présent dans la ville et son stade (anciennement appelé San Paolo et baptisé Maradona le soir de son décès) mais surtout dans le cœur des supporteurs du club.
Ce lien systématique est le fruit, non pas seulement des sept ans passés par Dieguito à Naples mais est la résultante des sept saisons vécues passionnément par el pibe de oro dans le sud de l’Italie, en dépit des hauts et des bas et des polémiques ponctuées par les montées stratosphériques et les descentes aux enfers.
En effet, et au-delà du volet sportif qui a vu Maradona inscrire sous le maillot napolitain 115 buts, tous plus mémorables les uns que les autres, avec des gestes techniques venus d’ailleurs, la légende argentine s’est identifiée à la ville de Naples, à ses habitants, à cette caste de pauvres longtemps écrasée, tout le temps brimée, et la plupart du temps considérée avec mépris par les gens du Nord.
Maradona, presque devenu un San Gennaro (saint patron de la ville de Naples) a réussi à tisser un lien unique entre un joueur et une ville, en parvenant à hisser le club sur le toit de l’Italie en remportant, pour la première fois de son histoire, deux titres de champions (1987-1990) une coupe d’Italie et une Supercoupe (1990) ainsi qu’une coupe d’Europe.
Maradona a réussi à fusionner la passion pour le football, l’amour d’une ville et l’adulation à l’endroit d’un joueur pour offrir, avec un enthousiasme débordant, une exaltation inégalée et une spontanéité espiègle, l’un des meilleurs et des plus beaux moments du sport dans une ville qui respire le football.
Rendant hommage à ces petites gens, Spattelli a, au cours de la conférence presse après le match face à l’Udinese, déclaré être « heureux de voir les gens sourie, contents, voir les supporteurs de Napoli heureux. J’ai vu les images du stade, j’ai vu les gens sourire ».
« Et voir ces visages c’est ce qui donne vie à toute cette dimension de bonheur », a encore lâché le technicien napolitain.