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Turquie : un scientifique met en garde contre le "désastre écologique potentiel" que représentent les mucilages

- "Les facteurs propices à la formation de mucilages doivent être éliminés, faute de quoi nous ne pourrons pas faire face aux conséquences", déclare un expert turc

Burak Bir  | 15.06.2021 - Mıse À Jour : 15.06.2021
Turquie : un scientifique met en garde contre le "désastre écologique potentiel" que représentent les mucilages

Ankara

AA / Ankara / Burak Bir

Le mucilage marin est un phénomène naturel ordinaire, mais la propagation inhabituelle de la "morve de mer" pourrait provoquer une catastrophe écologique, selon un scientifique turc.

Lors d'un entretien avec l'Agence Anadolu portant sur la "prolifération de mucilages" dans la mer Marmara, en Turquie, Mustafa Sari, doyen de la faculté des sciences maritimes de l'université Bandirma Onyedi Eylul, a expliqué que la prolifération d'algues microscopiques, appelées phytoplancton, constitue la première étape de la production biologique dans la mer.

"Le mucilage est un phénomène que l'on peut observer plus ou moins chaque année dans les mers du bassin méditerranéen. C’est une sécrétion libérée par les phytoplanctons dans l'eau de mer en réaction aux changements et anomalies des conditions maritimes", a-t-il déclaré.

Rappelant que l'on a également observé des mucilages dans la mer Marmara en 1992, 2007 et 2008, quoique dans une moindre mesure que cette année, le professeur Sari a précisé que les mucilages apparaissent à l'automne et sont visibles jusqu'à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin.

Il a souligné que "la pollution de la mer", "la composition de la mer" et "la hausse des températures de l'eau de mer" sont les principales raisons de la constante prolifération des mucilages dans la mer Marmara.

"L'augmentation de l'azote et du phosphore due aux déchets rejetés depuis environ 40 ans en mer Marmara par l'industrie turque, ainsi que par 25 millions de personnes, sans être traités correctement, a généré un environnement propice à la prolifération des phytoplanctons", a déclaré Mustafa Sari.

Et d'ajouter : "La mer Marmara est stable par nature, c'est un tampon qui empêche le mélange des eaux de la mer Noire en surface et des eaux de la Méditerranée au fond. En raison du changement climatique mondial, la mer de Marmara a enregistré cette année un réchauffement de deux degrés par rapport à la température moyenne des 40 dernières années."

Selon lui, la combinaison de ces trois facteurs déclencheurs est à l'origine de la formation d'un si grand nombre de structures en forme de tulle qui s'étendent aujourd'hui aussi bien à la surface que sous la mer.

Sari a indiqué que le mucilage, qui a été formé en novembre de l'année dernière pour s'intensifier en avril de cette année, a progressivement commencé à couvrir les baies, les golfes, les ports intérieurs, les abris et les marinas en surface. Il a ainsi souligné que ce qui est maintenant visible en surface est le stade ultime de ce processus.

"Si nous considérons le volume total de mucilage dans la mer, la couche visible en surface ne représente même pas 1/1000 du mucilage présent dans la mer", a-t-il déclaré, avertissant que les facteurs propices à la formation du mucilage doivent être éliminés, faute de quoi nous ne pourrons pas faire face aux conséquences du phénomène."


** ''Catastrophe écologique potentielle''


"Une forte présence de mucilages est un désastre écologique pour l'écosystème marin. Le mucilage se déposerait sur le fond marin, engloutirait complètement la structure sous-jacente et créerait une nouvelle couche, ce qui détruirait les organismes non mobiles ou immobiles tels que les moules, les huîtres et les coquillages, et plus particulièrement les éponges et les coraux", a-t-il déclaré.

Soulignant que des millions de poissons ont péri lors de la progression des mucilages en avril, le professeur Sari a fait remarquer que les larves et les œufs de poissons sont également très menacés par la présence constante de mucilages, dont les effets néfastes sur le secteur de la pêche se feront sentir dans les années à venir.

Concernant un éventuel risque de propagation des mucilages vers la mer Égée et la mer Noire, Sari a dit ne pas s'attendre à ce qu'il y ait de grandes quantités de mucilages dans les eaux de ces deux mers, mais quelques apparitions pourraient être observées.

"La mer Marmara est une mer de transition entre la mer Égée et la mer Noire. Par conséquent, un changement qui se produit ici affectera la pêche en mer Égée et en mer Noire", a-t-il averti.

Outre ses dangers potentiels pour l'industrie de la pêche, le mucilage affecte également le secteur du tourisme autour de la mer Marmara, lequel regroupe des petites entreprises familiales destinées principalement aux touristes locaux.

Abordant le plan d'action pour la mer Marmara, récemment dévoilé par le ministère turc de l'Environnement et de l'Urbanisation, Sari a noté que des mesures sont prises au besoin dans le cadre du plan, et si elle est protégée des déchets, la mer Marmara peut amorcer sa récupération dans les cinq ans.

Mentionnant la mer Adriatique comme un autre exemple de mer qui a fait face au problème de la "morve de mer" en 2007 et 2008, il a déclaré que les pays côtiers s'étaient réunis pour s'attaquer au problème des mucilages et qu'ils l'avaient en grande partie résolu grâce à une coordination des plans et programmes à long terme.


** Phénomène passager appelé à se résorber


Ian Boyd, biologiste à l'université écossaise St Andrews, a déclaré à l'Agence Anadolu que le problème actuel des mucilages dans la mer Marmara est un phénomène passager qui finira par disparaître.

"Il se produit partout où l'état de la mer y est propice, bien que l'occurrence en Turquie semble particulièrement étendue", a noté Boyd, qui a également été conseiller scientifique en chef au ministère britannique de l'environnement de 2012 à 2019.

Selon lui, le mucilage est formé principalement de composés organiques, généralement issus d'algues marines, qui créent une mousse en surface. Il a précisé que ce n'est pas nécessairement le résultat d'une pollution ou de déchets, dans la mesure où cela peut se produire naturellement dans les conditions idoines.

"La température et la présence de polluants sont susceptibles de stimuler la production de mousse, mais elle peut être entièrement naturelle", a expliqué le professeur Boyd.

Et d'ajouter que les recherches devraient être approfondies pour comprendre les causes de la présence de mucilages dans la mer Marmara.

Le 7 juin, les autorités turques ont annoncé un plan d'action en 22 points pour la mer Marmara, afin de lutter contre la récente prolifération de mucilages recouvrant la surface de certaines parties de la mer Marmara, dans le nord-ouest du pays.

Le plan est mis en œuvre conjointement par le ministère de l'environnement et de l'urbanisation, le ministère des transports et des infrastructures et le ministère de l'agriculture et des forêts.

Les ministères de la santé et de l'intérieur, entre autres institutions, ainsi que des organisations non gouvernementales et des municipalités côtières sous la coordination des gouvernorats, participent également au plan.


*Traduit de l’Anglais par Mourad Belhaj

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