Déluge de catastrophes : la crise climatique provoque des inondations plus fréquentes et plus meurtrières
- Alors que des inondations meurtrières se multiplient dans le monde, les experts avertissent que l’inaction pourrait transformer ces catastrophes en une crise mondiale majeure du XXIᵉ siècle.

Istanbul
AA / Istanbul / Rabia Ali
Des inondations meurtrières, de l’Asie du Sud aux plaines du sud des États-Unis, frappent de plus en plus fréquemment et avec une intensité croissante, faisant des centaines de morts et provoquant des pertes de plusieurs milliards de dollars.
Des scientifiques alertent que le changement climatique intensifie les régimes de précipitations, transformant des catastrophes auparavant « rares » en événements réguliers auxquels les populations doivent désormais se préparer chaque année.
« Même de petites augmentations de la température mondiale augmentent considérablement les risques de vagues de chaleur et d’inondations inédites », a déclaré à Anadolu John Marsham, titulaire de la chaire conjointe du Met Office à l’université de Leeds. « Nous voyons désormais cela se produire avec des inondations dévastatrices partout dans le monde. »
Les catastrophes de cet été ont illustré cette nouvelle réalité : des inondations ont frappé la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Sud, le Yémen et les États-Unis, détruisant des habitations, déplaçant des milliers de personnes et anéantissant des infrastructures critiques.
Qui a été le plus touché par les pluies de mousson ?
Les inondations liées à la mousson de cet été ont été particulièrement destructrices en Asie.
Dans le nord du Pakistan, des pluies torrentielles, des crues soudaines et des orages ont fait près de 800 morts depuis fin juin, dont plus de 460 enregistrés en seulement quelques semaines en août.
En Inde voisine, une crue éclair a frappé début août l’État septentrional d’Uttarakhand. Plus de 100 personnes sont portées disparues après que les torrents de la rivière Kheer Ganga ont détruit des habitations, emporté des véhicules et enseveli des villages entiers sous des glissements de boue et de roches.
En Chine, au moins 22 personnes ont été tuées et plusieurs disparues après de fortes pluies dans la province de Gansu en août. Quelques semaines plus tôt, Pékin avait enregistré certaines des pluies les plus intenses depuis des décennies, causant la mort d’au moins 30 personnes et obligeant des dizaines de milliers d’habitants à évacuer, alors que des rues et des ponts étaient submergés.
En Corée du Sud, au moins 18 personnes ont perdu la vie et plus de 13 000 ont été évacuées après des pluies record à la fin juillet, provoquant glissements de terrain, coupures d’électricité et chaos dans les transports.
Le Yémen a également été frappé par des crues éclairs, faisant au moins 14 morts, dont plusieurs enfants, depuis la mi-août.
En Afrique du Sud, des inondations provoquées par de fortes pluies ont balayé la province du Cap-Oriental en juin, faisant près de 50 victimes.
Ces catastrophes ne se limitent plus aux régions traditionnellement vulnérables aux moussons. Aux États-Unis, au Texas, des crues éclair en juillet ont tué au moins 135 personnes, dont plus de 35 enfants, frappant de vastes zones, y compris un camp d’été pour enfants.
Pourquoi les inondations deviennent-elles plus destructrices ?
Les scientifiques expliquent que le réchauffement climatique amplifie l’intensité des précipitations, entraînant des événements plus destructeurs.
« Je pense qu’elles augmentent, et la raison est que les régimes météorologiques changent à cause d’un climat plus chaud », a déclaré Carola Koenig, maîtresse de conférences au Collège d’ingénierie, de design et des sciences physiques de l’université Brunel à Londres.
Selon l’ONU, les inondations représentent jusqu’à 40 % de tous les désastres liés aux conditions météorologiques. Entre 1970 et 2019, les risques liés à l’eau ont causé la moitié de tous les désastres et près de la moitié des décès recensés. Depuis 2000, le nombre de catastrophes liées aux inondations a augmenté de 134 % par rapport aux deux décennies précédentes.
Koenig a précisé que le nombre de cyclones et d’ouragans n’a pas nécessairement augmenté, mais que leur intensité a été amplifiée, car ils disposent de plus d’énergie et peuvent générer davantage de pluie.
Les événements qui auraient pu être mineurs par le passé sont désormais beaucoup plus destructeurs, a-t-elle ajouté. Parmi les plus meurtriers figurent les crues éclair, qui se développent avec peu d’avertissement.
« Les crues éclair surviennent lorsque de fortes pluies tombent dans des zones où le ruissellement peut rapidement provoquer des inondations », a expliqué Marsham. « Elles sont amplifiées lorsque l’eau ne peut pas s’infiltrer dans le sol, notamment quand celui-ci est durci par la sécheresse. »
Koenig a souligné que la géographie accentue souvent le risque, de nombreuses zones touchées étant montagneuses ou vallonnées, où la pluie converge rapidement vers les vallées.
« Des villages entiers peuvent être emportés par ces torrents soudains, comme nous l’avons vu au Pakistan et en Inde », a-t-elle indiqué. Elle a ajouté que la fonte des glaciers amplifie encore le danger : les fortes pluies estivales combinées à la neige fondante créent des ruisseaux boueux et destructeurs.
Quelles zones sont les plus vulnérables ?
Les experts soulignent que l’augmentation des inondations mondiales est directement liée au changement climatique.
« Le changement climatique, provoqué par la combustion continue de combustibles fossiles, n’augmente pas seulement les vagues de chaleur, il intensifie également les précipitations », a déclaré Marsham. « Les inondations vont continuer de s’aggraver tant que nous n’atteindrons pas la neutralité carbone. »
Koenig a averti que les températures record en Europe et ailleurs déstabilisent également les systèmes météorologiques. Les phénomènes tels que les dômes de chaleur bloquent les systèmes en place, produisant des extrêmes comme 45 °C en Espagne. Elle a souligné que, tant que les émissions de CO₂ ne seront pas fortement diminuées, les risques continueront de s’accroître.
Bien que toutes les régions ne soient pas épargnées, certaines sont plus exposées aux inondations et autres catastrophes liées au climat.
Selon Koenig, les pays possédant des réseaux fluviaux denses, Asie du Sud et du Sud-Est, Pakistan, Inde et certaines régions de Chine, sont particulièrement exposés au risque.
L’Afrique de l’Est constitue un autre point chaud émergent, combinant longues périodes sèches et épisodes de pluie prolongés, tandis que l’Australie connaît également des cycles de sécheresse et d’inondation.
Marsham a souligné que les zones côtières font face à une double menace. « Les vagues de tempête et les hautes marées peuvent provoquer des inondations maritimes, un phénomène renforcé par le changement climatique, avec des tempêtes plus violentes et un niveau de la mer en hausse », a-t-il expliqué.
Il a ajouté que, dans d’autres régions, la fonte des glaciers crée des lacs susceptibles de se vider brutalement, entraînant des inondations dévastatrices.
Pour les scientifiques, le constat est net : les risques d’inondations vont continuer à croître si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites et si les infrastructures ne sont pas adaptées. Koenig a conclu : « Il faudra anticiper des épisodes d’inondations plus fréquents à l’échelle mondiale. »
* Traduit de l'anglais par Seyma Erkul Dayanc
Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.