AA / Tunis / Wejden Jlassi

"Pas de panique, nous sommes prêts pour tout, nous allons vaincre", c’est en ces mots que s’exprimait Volodymyr Zelensky, le 24 février dernier, l'air déterminé, dans une vidéo publiée sur Facebook, alors que l'opération militaire russe en Ukraine commençait à battre son plein. Le comédien de 44 ans reconverti en politique, promettait la victoire, annonçant par ailleurs l’instauration de la loi martiale.

Novice en politique jusqu'à son élection à la magistrature suprême de l'Ukraine en 2019, l’ancienne star de télévision, sous-estimait la perspective d’une invasion russe, alors que Washington ne cessait de tirer la sonnette d’alarme face à une "guerre imminente".

Pour ses détracteurs, le déni de la guerre était une preuve de plus de la naïveté politique du Président, étrillant "son manque de professionnalisme flagrant". Tandis que d’autres saluaient "son calme et sa détermination implacable".

- La Star TV reconvertie en candidat antisystème

Natif d’une famille juive de Kryvyi Rih, ville industrielle et russophone du centre du pays, en 1978, Volodymyr Zelensky, humoriste et producteur à succès s'est fait connaître notamment grâce à une série où il interprète le rôle d’un professeur d’histoire honnête et naïf devenu président de la République presque par hasard. "Serviteur du peuple", lancée en 2015 fut une série à succès retentissant et Zelesnky, à la tête de sa troupe Kvartal 95 – sa lucrative boîte de production – devient l’un des acteurs les plus célèbres de sa génération.

"Zelensky était un acteur qui a utilisé sa célébrité pour devenir un homme d'État. La politique occidentale est envahie par des gens qui jouent le rôle d'hommes d'État afin qu'ils puissent finalement devenir des célébrités. Zelensky, était conscient de son devoir de dire aux Ukrainiens la dure vérité que la guerre risque de prendre des tournures plus graves- et de signaler aux supposés sympathisants que leurs paroles sont creuses et que leur soutien est incomplet. Tandis que nos dirigeants préfèrent dire aux gens ce qu'ils veulent entendre", lit-on dans la chronique de Bret Stephens dans le New York Times.

En plein réveillon du 31 décembre 2018, Zelensky surprend tout le monde et annonce sa candidature à l'élection présidentielle alors que le contexte socio-politique ukrainien était assez tendu : des tensions géopolitiques intenses avec la Russie attisées par l'éclatement d'une guerre dans l'est séparatiste du pays. La cote de popularité du Président en place, Petro Porochenko, était alors au plus bas.

Dénué de toute expérience politique et sans programme clair, Zelensky menait campagne sur la lutte contre la corruption et l’instauration de la paix dans une Ukraine aux identités morcelées.
Il a remporté 73% des voix au second tour de la présidentielle, principalement celles d’électeurs de l’Est et du Sud, qui ont vu dans ce russophone leur "salvateur", écrasant ainsi, son adversaire sortant, Petro Porochenko.

« C’est comme si Charlie Chaplin s’était transformé en Winston Churchill », image-t-on dans le magazine Time.

- L’engrenage de la guerre

Le 24 février 2022, la Russie de Vladimir Poutine déclare la guerre à l'Ukraine. Les troupes russes ont effectué des percées à l'intérieur du territoire ukrainien. Les sirènes ont retenti sur la place Maïdan de Kiev, la capitale. Plusieurs villes sont le théâtre des bombardements russes et le bilan des morts côté ukrainien grimpe. Zelensky joue désormais le rôle de sa vie. Et sa vie.

En 2019, gagnant en popularité, à son élection à la tête de l’Ukraine, il avait promis de mettre fin au conflit dans l'est du pays, et de frayer la voie au dialogue avec Moscou, parrain politique et militaire des séparatistes du Donbass. Mais l’état de grâce n’a pas duré.
Le processus de paix s’était ensuite enlisé face à l’intransigeance de la Russie qui exigeait un dialogue direct avec les séparatistes. Un sommet à Paris au mois de décembre de la même année entre le Président ukrainien et son homologue russe avait acté leur divergence.

Minimisant l’alarmisme américain, le Président ukrainien n’a pas cessé d’appeler ses 40 millions de concitoyens au calme, craignant l’effondrement de l’économie. Mais depuis que Moscou a déclaré la guerre contre Kiev, il a endossé le costume de chef des armées, sollicitant l’assistance militaire et le soutien des Occidentaux et des pays amis pour défendre son pays contre l’offensive de la deuxième armée du monde.
Mi-février, vêtu d’une tenue militaire à l’occasion de la "Journée de l’unité" qu’il avait décrétée, il déclare : "Nous n’avons pas peur des pronostics, nous n’avons peur de personne, d’aucun ennemi. Nous n’avons peur d’aucune date car nous nous défendrons".

" En treillis militaire, le visage grave et l'allure martiale, le Président Zelensky a multiplié avec force et solennité sur les réseaux sociaux les exhortations à la résistance à destination de son peuple...Leader politique devenu chef militaire, Zelensky est devenu, aussi bien pour les Ukrainiens que pour la communauté internationale, un chef de guerre rassemblant bien au-delà de ses frontières", a expliqué Alexandre Eyries, Enseignant-chercheur HDR en Sciences de l'information et de la communication, Université de Bourgogne, dans un article d'opinion publié dans le quotidien français, La Tribune.

Jusqu’à ce 56e jour de la guerre en Ukraine, Volodymyr Zelensky continue d’exhorter les pays occidentaux à accélérer le rythme des livraisons d'armes.

Entre temps, plus de cinq millions d'Ukrainiens (5 034 439) ont fui leur pays en guerre, selon les nouveaux chiffres publiés mercredi par l'Organisation des Nations unies (ONU). Le précédent bilan faisait état de 4 millions de réfugiés. C'est la plus importante crise de réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.