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Tunisie: BCE président, qui l’aurait cru…en janvier 2011?

23.12.2014 - Mıse À Jour : 23.12.2014
Tunisie: BCE président, qui l’aurait cru…en janvier 2011?

AA / Tunis / Hatem Kattou

Zine El Abidine Ben Ali parti dans l’après-midi du vendredi 14 janvier 2011, son régime ayant vacillé sous les coups de butoir d’un soulèvement populaire « spontané », qui aurait cru, à ce moment-là, parmi les Tunisiens,  que Béji Caid Essebsi, ancien ministre de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères de Habib Bourguiba et président du Parlement sous Ben Ali, serait, à l’approche de ses 90 ans, président de la République à la faveur, de surcroît, de …56% des suffrages.

Les Tunisiens, qui ont participé de manière active à la protestation anti-Ben Ali ou ceux qui subissaient les événements, n’ont jamais pensé un laps de temps qu’une figure marquante de l’ancien régime, qui a servi sous les ors de la République, 35 ans durant, pouvait accéder à la magistrature suprême d’un pays, théâtre d’une révolte de jeunes motivés foncièrement, par des conditions socio-économiques détériorées, à cause, de politiques suivies depuis des décennies.

Il aurait été naturel et dans le droit fil des événements, que des profils d’opposants historiques, comme Ahmed Néjib Chebbi, ou celui du transfuge Mustapha Bern Jaafar, ou d’un militant intransigeant tel que Moncef Marzouki, occupent le poste de président de la République.  Mais qu’un ancien haut responsable, un apparatchik de l’ancien régime l’occupe était tout simplement  invraisemblable.

En « animal politique », selon la définition aristotélicienne, Béji Caid Essebsi, a su mettre ses talents d’un « vieux briscard » pour  émerger de nouveau, dans un premier temps, assurer, avec « succès », selon la majorité des observateurs,  la première phase de transition, avant de créer le contrepoids à Ennahdha, sous forme d’un parti hétéroclite, et enfin, se lancer dans la dernière ligne droite, en l’occurrence, la course vers le palais présidentiel de Carthage.  

Ayant quitté la scène politique le 9 octobre 1991, après avoir occupé, une année et demi durant,  le poste de président de la chambre des députés sous le régime de Ben Ali, le bourguibiste Béji Caid Essebsi fait son retour sur la scène publique, au terme d’une traversée du désert de vingt ans, et ce, trois jours seulement après le départ de Ben Ali.

En effet, l’homme, inconnu chez les jeunes qui se sont soulevés contre le régime benaliste, voire même chez les autres,  accorde, comme par enchantement, une longue interview à une chaîne de télévision privée, le 17 janvier 2011, histoire de se faire rappeler au bon souvenir des Tunisiens.

Dans cette interview, Caid Essebsi soulignait « qu’à plus de 80 ans, il n’avait plus aucune ambition », après avoir servi son pays depuis l’indépendance en 1956.

Cependant, et moins de deux mois plus tard, Béji Caid Essebsi se trouve nommé par le président intérimaire Foued Mebazaa au poste de Chef de gouvernement, pour succéder à un chancelant second de Ben Ali, Mohamed Ghannouchi, chassé sous la pression populaire.

En cette année de tous les dangers, Caid Essebsi a rempli son contrat avec « maestria » selon les observateurs de la scène politique tunisienne, en assurant l’organisation, le 23 octobre,  des élections transparentes et démocratiques de la Constituante.

Rappelons qu’à l’époque, la Tunisie évoluait sur fond d’une contestation syndicale permanente, des sit-in à n’en plus finir… En plus d’une  par une « révolution »  déclenchée à ses frontières contre le régime de  Mouammar Kadhafi en Libye.

La passation assurée, le 26 décembre 2011, avec Hamdi Jebali, nouveau chef du gouvernement composée d’une troïka conduite par le mouvement d’obédience  islamique d’Ennahdha, le politicien chevronné, « disciple » de Bourguiba n’a pas longtemps attendu pour lancer un mouvement politique. Celui-ci, composé à la faveur d’une morcellement d’une opposition « moderniste et progressiste » aux abois,  était destiné à jouer le rôle de contrepoids au parti d’Ennahdha, majoritaire avec  près de 40% des voix.

Un mois après la passation, Caid Essebsi lance un appel sous forme d’une lettre publiée dans un journal de la place, qui ne tarde pas d’être concrétisée en initiative le 20 avril et transformée, le 16 juin, en parti politique, qui a obtenu le visa légal le 6 juillet.

En six mois seulement, l’ancien chef de la diplomatie, « qui n’avait plus d’ambitions », quitte la primature et met en place un parti, certes, aux leviers multiples (destouriens, syndicaliste, gauche…) mais au poids certain, à telle enseigne, que le chef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, qualifie dans une « surenchère politicienne de bonne guerre », le mouvement Nidaa Tounès de « pire que les salafistes jihadistes », à qui on imputait des actes de violence qui secouaient le pays.

Le mérite de Caid Essebsi aurait été, en homme aguerri et chevronné, qui avait accumulé son expérience en côtoyant Bourguiba depuis le début des années 50 à Paris, de saisir toute l’étendue de la situation, et d’exploiter, à bon escient pour ses soutiens et supporteurs, le moment opportun pour lancer son mouvement, une machine politique qui a tout broyé sur son passage.

En cette fin de l’année 2014, Nidaa Tounès a remporté, coup sur coup, les Législatives d’octobre avec 86 sièges dans son escarcelle, et la Présidentielle de décembre avec 56,68% des suffrages exprimés.

Certes, le soutien médiatique et politique multiforme ont grandement contribué à cette victoire.  

Néanmoins, sans un enthousiasme populaire motivé par un personnage plaisant, sympathique, auteur même de dérapages verbaux, que certains attribuent à la sénilité, et que d’autres approuvent allègrement, qualifiant les bourdes de « sympathiques», le mouvement politique n’aurait jamais réussi sans la présence à sa tête de ce « fils putatif » de Bourguiba.

La personnalité de Caid Essebsi, son opportunisme politique, son élan fédérateur, compte tenu de son passé, qui lui a permis de réunir sous la même chapelle des courants divergents voire par moments antagonistes, autant de facteurs qui expliquent la réussite de ce vieux routier de la politique tunisienne.

Mais pour garder ce sens de la mesure, il convient de mentionner que les électeurs tunisiens ont opté, partiellement, pour le vote sanction, avec sa déclinaison de vote utile pour « châtier » une Troïka qui n’a pas su , ou pu, gérer, une situation « compliquée » de ce pays du Maghreb.

Maturité, sens politique et sens de la formule, expérience…autant de qualités dont jouit « l’homme d’Etat qui rétablira l’autorité de l’Etat » comme plaisent à le qualifier ses partisans, mais seront-elles suffisantes à l’octogénaire pour assouvir les besoins et désidérata des « jeunes tunisiens révoltés ».   

 
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