
AA/N'Djamena/Mahamat Ramadane
Celui qu'on surnommait le gardien du nord, le Colonel Bichara Djamous, ancien proche du président tchadien Idriss Deby et l’un des fondateurs du parti au pouvoir le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), qui a décidé de rallier les rangs de l'opposition en août dernier, s'est livré dans une interview à Anadolu sur les motivations de cette décision et son appréciation de la situation politique et sociale au Tchad.
Il commence d'abord par rappeler qu'entre 2006 et 2008, il dirigeait les troupes de l’armée tchadienne engagées face aux incursions des rebelles en provenance des pays voisins comme le Soudan et la Libye, d'où l'appellation de « gardien du nord ».
Aujourd'hui cette époque est révolue, déclare-t-il, assurant que rallier les rangs de l'opposition et précisément ceux de l'Union Nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDR) dirigé par Saleh Kebzabo, le chef de file de l’opposition tchadienne, et s’opposer politiquement à son ancien compagnon des armes est, selon lui, "la seule alternative qui lui reste pour faire changer les choses", estime-t-il.
Une décision qu'il a prise à la lumière d'un ensemble de constats et après avoir jugé que celui aux côtés de qui il a combattu pour renverser le régime de Hissein Habré ( soit Déby), "n'a pas été à la hauteur des ambitions partagés ni des promesses faites au peuple tchadien", et, en outre, est devenu « la cause de la misère du peuple tchadien », selon ses propres termes.
"je suis issu de la même localité (Berdoba dans la région de Fada-Nord-est) que le président Deby et le destin a fait que nous avons combattu ensemble dans la rébellion pour renverser le régime de Hissein Habré en 1990", se rappelle encore Bichara notant qu'il a été parmi les fondateurs du MPS qui se fixait, à l'époque, pour objectif, d’insuffler un vent de liberté et de démocratie au pays. avant de se désoler que "plus de vingt ans après, la liberté et les ambitions que nous avons nourries pour le peuple tchadien n’ont toujours pas été concrétisés".
Bichara Djamous souligne en outre que "la mauvaise gestion" des ressources publiques a entrainé une recrudescence de la pauvreté dans toutes les régions du pays. Selon lui "l'exploitation des ressources du pétrole ne profite qu’à une minorité proche du pouvoir, fait qui impacte négativement la situation économique et sociale du pays".
Dans ce même cadre, Bichara pointe du doigt le pillage arbitraire des ressources du pays par les proches du président et le lobby qui l’entoure.
"Les finances du pays sont pillées par l’entourage politique du président Deby, mais ce dernier laisse faire en fermant les yeux. Le peuple tchadien tient pour responsable les zakhawa (l’ethnie du président Deby), pour le pillage du trésor public mais en réalité, nous ne sommes pas les auteurs mais les victimes", argumente l'ancien compagnon de combat de Déby.
"Plus le temps passe, plus le parti au pouvoir multiplie les dérives démocratiques", relève encore Bichara qui déclare s'être rendu compte qu'il a , tout autant que "la majeure partie du peuple tchadien, été piégé par Idriss Deby qui ne croit plus à la démocratie et s’entoure des anciens tortionnaires de l’ex régime".
Pour Bichara, Deby "a dévié par rapport à la ligne directive du mouvement et notamment au souci de démocratisation qui animait les actions".
"Ces dernières années, il n’écoute personne, le sort des tchadiens ne le préoccupe plus et seul, se maintenir au pouvoir l’intéresse. Nous avons l’impression que nous avons sorti le peuple du joug dictatorial pour l’enterrer politiquement et économiquement. Il n’y a pas eu de changement, le multipartisme fait de surplace à cause de la mauvaise foi de certaines personnes dans la majorité présidentielle" fait remarquer Bichara.
Se penchant sur la situation économique et sociale dans le pays, Bichara indique que "la majorité des tchadiens n’ont pas accès à l’eau potable, les écoles dans les zones reculées sont presque, toutes, sans enseignants, et les structures sanitaires sont quasiment absentes dans ces régions, alors que le gouvernement n’a même pas un programme social en faveur des démunis et ça dure depuis plus de dix ans".
Concernant son choix de rallier l'UNDR, Bichara explique que le programme politique de ce parti, basé sur la promotion du volet social et le monde rural est "celui qui nous convient le mieux et semble le mieux adapté aux réalités du pays". Il estime, en outre que ce parti est "le seul, capable de défier les plans machiavéliques de Deby dans les prochaines élections générales de 2016".
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