Suisse : une ONG pro-Gaza soutenue par les États-Unis jugée « inactive et non conforme »
– Le Département fédéral des affaires étrangères suisse répond aux questions clés soulevées dans une lettre ouverte signée par 55 anciens diplomates suisses

Geneve
AA / Genève / Beyza Binnur Donmez
Le ministère suisse des Affaires étrangères a répondu aux principales préoccupations soulevées dans une lettre ouverte signée par 55 anciens diplomates suisses, réaffirmant sa position sur la crise à Gaza et confirmant l’examen du statut juridique de la branche genevoise de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), soutenue par les États-Unis. Celle-ci est jugée « inactive » et « non conforme » aux exigences légales.
Le mécanisme mis en place par la GHF, perçu comme une tentative d’Israël de contourner les canaux d’aide de l’ONU, a été rejeté par la communauté internationale et les Nations unies.
Dans la lettre adressée au ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, consultée par Anadolu, les anciens diplomates appellent la Suisse à adopter une position plus ferme et publique sur la crise humanitaire à Gaza. Ils demandent notamment le rejet de toute collaboration avec la GHF et la reconnaissance officielle de l’État de Palestine.
Les signataires — anciens ambassadeurs, envoyés spéciaux et représentants onusiens — estiment que la « discrétion inacceptable » de Berne mine la crédibilité et la neutralité de la Suisse.
En réponse à une question d’Anadolu, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a déclaré qu’il « répond en principe aux lettres de citoyens », sans confirmer s’il s’adressera directement aux signataires.
Face aux accusations contenues dans la lettre, le DFAE a rappelé que le département et le Conseil fédéral « se sont exprimés clairement et à plusieurs reprises sur la situation à Gaza ».
Le ministère a souligné plusieurs démarches récentes. Le 21 mai, le Conseil fédéral a approuvé une aide humanitaire de 20 millions de francs suisses pour Gaza et a exhorté Israël à garantir un accès sans entrave à l’aide pour toutes les personnes dans le besoin.
Deux jours plus tard, Ignazio Cassis a déclaré publiquement que l’aide humanitaire « n’est pas une option mais un devoir », rappelant qu’Israël est tenu de s’y conformer en vertu des Conventions de Genève. Le 28 mai, le Conseil fédéral a de nouveau réclamé un accès humanitaire illimité et un cessez-le-feu immédiat, exprimant sa « profonde consternation face à la souffrance humaine insupportable ».
Le ministère a aussi évoqué des efforts diplomatiques directs, rappelant que l’ambassadeur israélien en Suisse a été convoqué, tandis que l’ambassadeur suisse en Israël a plusieurs fois transmis la position helvétique aux autorités israéliennes.
Dans leur lettre, les diplomates accusent Israël de bombardements systématiques, de déplacements forcés et de destructions d’infrastructures vitales, telles que des écoles, hôpitaux et logements. Citant l’OMS, ils alertent : « Deux millions de personnes sont en train de mourir de faim » à Gaza. Ils estiment que la politique actuelle de la Suisse — bien qu’elle réclame un cessez-le-feu, un accès humanitaire et la libération des otages — reste insuffisante sans actions concrètes.
Les anciens diplomates demandent également à la Suisse de rejeter toute collaboration avec la GHF, qu’ils qualifient d’outil visant à contourner les circuits d’aide de l’ONU. Selon eux, cette organisation ne répond pas aux standards internationaux de « neutralité, de transparence et d'indépendance ».
La fondation est liée à un nouveau mécanisme d’aide israélien annoncé le 27 mai et soutenu par les États-Unis. L’absence de réaction de la Suisse face à cette initiative est qualifiée dans la lettre d’« absence gênée ».
Interrogées sur la GHF, les autorités suisses ont confirmé que sa branche genevoise a été enregistrée le 12 février. Elle est actuellement inactive et ne respecte pas les exigences minimales du droit suisse sur les fondations.
Selon l’Autorité fédérale de surveillance des fondations (ASF), la branche genevoise de la GHF ne dispose d’aucun membre du conseil de fondation résidant en Suisse, n’atteint pas le nombre minimum requis de membres, ne possède ni compte bancaire ni adresse valide, et ne dispose pas d’un organe de révision. Elle « ne remplit donc pas diverses obligations légales ».
« Sur la base de ces informations, l’ASF considère que la fondation suisse n’a pas encore débuté ses activités et est donc inactive », a déclaré le DFAE. L’ASF est actuellement en contact avec la fondation afin d’éclaircir la situation.
En outre, le DFAE a confirmé avoir reçu, comme l’ASF, une requête de Trial International, et examine actuellement si la fondation est soumise à la Loi fédérale sur les services de sécurité fournis à l’étranger (LSESE), qui régit les activités sécuritaires privées depuis le territoire suisse, en particulier en contexte de conflit.
« Dans le cadre de son mandat légal, le DFAE analyse si la branche suisse de la GHF est soumise à l’obligation de déclaration prévue par la LSESE », a indiqué le ministère, tout en précisant qu’il ne commente pas les enquêtes en cours.
Les signataires demandent aussi la suspension des coopérations académiques et scientifiques avec les acteurs liés à des violations du droit international, l’étiquetage des produits issus des colonies israéliennes, ainsi que le gel des relations financières avec le secteur militaire israélien. Ils préconisent également l’interdiction d’entrée en Suisse des personnes visées par des mandats de la Cour pénale internationale ou reconnues coupables de violences dans les colonies.
« Nous sommes choqués par le silence, la passivité et la discrétion du DFAE et de la Suisse », écrivent les signataires. « La Suisse doit sortir de cette discrétion inacceptable et agir. »
Depuis octobre 2023, l’armée israélienne poursuit son offensive contre Gaza malgré les appels internationaux à un cessez-le-feu, faisant plus de 54 600 morts parmi les Palestiniens, en majorité des femmes et des enfants.
* Traduit de l'Anglais par Adama Bamba