Sommet d’Istanbul: Appel à reconnaître l’Etat de Palestine et Jérusalem-Est sa capitale
Erdogan : Le troisième lieu saint de l’Islam est « une ligne rouge »

Tunis
AA/Tunis/Bouazza Ben Bouazza
Sur les 193 États membres des Nations Unies, 136 (70,5%) ont reconnu l'État de Palestine au 14 septembre 2015. Leur population totale dépasse 5,5 milliards de personnes, soit 80% de la population mondiale [85], selon un décompte du site Wikipedia non actualisé depuis. Ils seraient actuellement au nombre de 138.
La reconnaissance internationale de l'État de Palestine a été l'objectif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) depuis l'annonce de la déclaration d'indépendance de la Palestine le 15 novembre 1988 à Alger, en Algérie, lors d'une session extraordinaire en exil du Conseil national palestinien.
Outre les 22 pays membres de la Ligue arabe, 51 pays membres de l’Union africaine ont aussitôt reconnu l’Etat palestinien proclamé. La Russie et la Chine, deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, ont fait de même, tout comme un grand nombre de pays d’Asie et d’Amérique latine dont le Brésil et l’Argentine.
En Europe, neuf pays sur les 28 membres de l’Union européenne, l’ont reconnu, tandis que d’autres, dans un premier pas, ont élevé le niveau des représentations diplomatiques palestiniennes au rang d’ambassades, tout en continuant à faire pression sur Israël et à plaider activement pour la solution des deux Etats, un israélien et un palestinien, comme solution du conflit moyen-oriental. Ils conditionnent cependant leur décision de reconnaître l’Etat palestinien à l’aboutissement des négociations entre les deux parties.
Le 29 novembre 2012, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une motion qui transformait le statut «entité» de la Palestine en «État observateur non membre» par 138 voix contre 9, avec 41 abstentions.
Malgré cet élan solidaire de la communauté internationale, Israël, fort de l’appui inconditionnel de son protecteur américain, loin de reconnaître la Palestine en tant qu'État, maintient un contrôle militaire de facto dans tous les territoires occupés depuis la guerre de 1967.
La bande de Gaza, en particulier, est sous blocus israélien et sa population vit comme dans un ghetto inhumain depuis près de 20 ans.
Les États-Unis utilisent continuellement leur Foreign Assistance Act et diverses mesures dissuasives pour décourager d'autres pays et organisations internationales d'étendre leur reconnaissance.
C’est ainsi qu’une demande palestinienne pour l’obtention de la qualité de membre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a pas abouti à l’époque, à cause de la menace américaine de bloquer le financement de cette organisation.
Déjà, en novembre 1989, un projet de résolution présenté à l'Assemblée générale de l’ONU visant à reconnaître officiellement l’État palestinien, a été abandonné lorsque les États-Unis ont une fois de plus menacé de couper son financement à l'Organisation des Nations Unies au cas où le vote irait de l'avant.
Signe manifeste de leur mauvaise foi, depuis les accords d’Oslo, aucun gouvernement israélien n’a adhéré à l’idée de la création d’un Etat palestinien. Même après la création de l'Autorité nationale palestinienne (ANP) en 1994, la plupart des principaux responsables politiques israéliens y étaient opposés.
C’est le cas en particulier de l’actuel premier ministre Benjamin Netanyahu qui prétend qu’un tel Etat représentait un « danger », un prétexte qui ne peut convaincre aucun observateur objectif, eu égard au potentiel militaire énorme dont dispose l’ogre israélien, sans compter l’appui inconditionnel dont il bénéficie auprès des puissances occidentales, singulièrement la première d’entre elles, les Etats-Unis.
Pour lui, l'objectif politique était alors de faire en sorte que l'Autorité palestinienne n'évolue pas au-delà d'une autonomie.
Feignant de lâcher du leste face à la pression de l'administration Obama, Netanyahu a pour la première fois admis, sournoisement, en juillet 2009, la notion d'un État palestinien qui soit cependant « démilitarisé et territorialement réduit », faisant planer le flou par son manque d'engagement sur les territoires à céder à l'Etat palestinien à l'avenir.
De surcroît, il refusait d'accepter les frontières de 1967 comme base pour les négociations frontalières finales, un subterfuge qui trahissait ses visées expansionnistes. En témoigne, la multiplication massive et continue des colonies israéliennes qui ont défiguré la Cisjordanie et Jérusalem-Est et qui font fi des résolutions pertinentes des Nations Unies ne reconnaissant pas les territoires occupés par la guerre.
Toucher au troisième lieu de l'Islam, est la goutte qui a fait déborder le vase
La goutte qui a fait déborder le vase, est incontestablement la récente reconnaissance par le président Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël, une décision de la plus grande arrogance eu égard à la sensibilité de la question et à la place qu’occupe la ville sainte dans le cœur des Musulmans du monde entier.
L’initiative du locataire controversé de la Maison Blanche a même suscité la réprobation des alliés des Etats-Unis et l’a isolé sur la scène internationale. Plusieurs pays ont exprimé leurs craintes quant aux graves conséquences qu’elle pourrait engendrer pour la sécurité et la stabilité dans la région et dans le monde.
En fait, elle encourage son protégé (Netanyahu) à poursuivre dans l'impunité, sa politique du fait accompli contre vents et marées.
Dans le monde musulman, c’est le tollé. Des manifestations populaires ont embrasé les territoires occupés et les capitales arabes et musulmanes. Une levée de boucliers s’en est suivie pour contrecarrer la décision américaine.
La réaction la plus marquante est venue du président Recep Tayyip Erdogan qui est le président en exercice de l’Organisation de la coopération islamique (OCI).
Le chef de l’Etat turc a aussitôt convoqué un sommet extraordinaire des dirigeants des pays membres de cette organisation devant lesquels il a condamne avec virulence la décision de Donald Trump de reconnaître le troisième lieu saint de l'islam comme capitale d’Israël. « Jérusalem est une ligne rouge », a-t-il averti en qualifiant Israël d'«Etat d'occupation» et d'«Etat terroriste».
«Ni paix, ni stabilité sans Jérusalem capitale de la Palestine», a quant à lui prévenu le président de l'Autorité palestinienne.
Pour Mahmoud Abbas, la décision « irréfléchie et inconséquente de Trump, menace l’identité arabo-islamique d’Al-Qods (Jérusalem), mais aussi son identité chrétienne ».
Tout en condamnant « fermement la décision irresponsable, illégale et unilatérale du président des Etats-Unis », la considérant « nulle et non avenue », les chefs d’Etat musulmans ont, dans leur déclaration finale, adopté la proposition du président Edogan proclamant Jérusalem-Est capitale de la Palestine et appelant « les pays qui défendent le droit international et la justice à reconnaître l’Etat de Palestine et Jérusalem-Est comme sa capitale occupée ».
Avec la décision « provocante » du président américain, Washington « signe son retrait de son rôle de médiateur dans la quête d’un règlement de paix ». C’est « un sabotage délibéré de tous les efforts visant à parvenir à la paix, [qui] nourrit l’extrémisme et le terrorisme et menace la paix et la sécurité mondiales», ajoute le document qui a sanctionné le sommet d’Istanbul.
Mahmoud Habash, conseiller du président de la Palestine, a affirmé, que les décisions prises à l'issue du Sommet Extraordinaire de l'Organisation de Coopération Islamique (OCI), organisé mercredi à Istanbul, doivent absolument être mises en oeuvre.
Il a indiqué dans une déclaration à Anadolu, que les décisions prises lors du sommet constituent une initiative importante pour d'une part, exprimer le refus du transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem et d'autre part, appeler à la fin de l'occupation de la Palestine par Israël.
La reconnaissance d'Al-Quds, en tant que capitale de la Palestine, est insuffisante à elle seule, a-t-il estimé, soulignant que pour "protéger l'identité, l'histoire et la religion d'Al-Quds, nous devons prouver aux Palestiniens qu'ils ne sont pas seuls dans leur lutte contre les colons".