
AA / Tunis
Blouson en cuir, le pas alerte, le quadragénaire à la chevelure noire s’exprime sereinement au cours de cette campagne électorale pour la présidentielle. Un changement de taille pour Slim Riahi, chef du parti politique tunisien de l’Union Patriotique Libre (UPL), par rapport à l’attitude hésitante et incertaine, trois ans plus tôt lors de son apparition au grand public.
Né en 1972 à Bizerte (Nord de la Tunisie), Riahi s’exile très jeune, à l’âge de 8 ans en Libye, son père étant un opposant, d’obédience nationaliste arabe, au régime de Habib Bourguiba, premier président de la Tunisie contemporaine, et à son successeur depuis 1987, Zine El Abidine Ben Ali.
Après avoir fait des études en management, Riahi se lance dans les affaires, notamment, dans l’immobilier, l’énergie et la production pétrolière, parvenant à bâtir une fortune colossale, bien que des doutes persistent et qui sont régulièrement soulevés par ses adversaires, aussi bien politiques que dans le monde des affaires, quant à l’origine de sa richesse.
Certains de ses détracteurs avancent que Slim Riahi ne serait qu’un homme lige et le prête-nom des fils de Kadhafi, l’ancien chef d’Etat libyen, disparu en 2011.
Méconnu par les Tunisiens, Slim Riahi tente à son retour « officiel » dans son pays natal après le départ de Ben Ali, en janvier 2011, à se frayer un chemin dans des domaines aussi divers que variés, allant du sport aux médias en passant inéluctablement par la case politique.
Immédiatement après son retour, il lance le parti de l’Union Patriotique Libre (UPL) baptisé ironiquement par les Tunisiens « le parti Tawwa » (qui signifie Maintenant voire tout de suite en dialectal tunisien), reprenant ainsi le slogan d’une large « offensive » médiatique initiée par le mouvement politique en 2011.
Ayant lamentablement échoué lors des élections de l’Assemblée Nationale Constituante de 2011 (un seul et unique siège sur les 217 que compte l’assemblée), Riahi change, momentanément de cap, et s’intéresse au sport, et tout particulièrement, au football sport roi et « opium » des jeunes tunisiens, à la recherche de notoriété et d’influence.
Après une première tentative de présider l’Etoile Sportive du Sahel (club phare de la ville de Sousse), Slim Riahidirige depuis le mois de juin 2012, le Club Africain, un des plus prestigieu clubs du pays.
Ce choix n’est pas anodin, dès lors que le capital « supporteurs » du club de Tunis et qui bénéficie d’une popularité considérable un peu partout dans le pays, constitue, selon plusieurs observateurs, les principaux électeurs de l’UPL aux Législatives d’octobre 2014 et de son candidat à la Présidentielle de dimanche.
L’UPL a en effet obtenu 16 sièges à l’Assemblée parlementaire, devenant ainsi la troisième force politique du pays derrière les deux mastodontes, de Nidaa Tounès et Ennahdha.
Slim Riahi ne s’est pas arrêté en si bon chemin. En effet, après la politique (UPL) associée au sport (Club Africain), c’est au tour des médias de compléter le triangle.
Le chef de l’UPL a acheté en 2013 les fréquences de la chaîne de télévision privée Attounisiya dont les émissions aussi bien politiques, sportives, que de divertissement glanent les taux d’audimat les plus élevés dans le pays.
Slim Riahi, comparé par certaines « bonnes ou mauvaises » langues à l’ancien président du Conseil italien et président du club phare de la Lombardie, l’AC Milan, « Il Cavaliere » Silvio Berlusconi, tente, par ailleurs, de se forger une image de magnat des médias, d’un homme politique qui rompt avec le passé et proche des jeunes et des pauvres franges de la population.
Cependant, les fondements de cette option et de cette politique ont été à maintes reprises sapés par ses adversaires, qui font prévaloir le volet pécuniaire et matériel qui prévaut dans les actions de Riahi , au détriment de toute dimension idéologique, intellectuelle voire purement politique.
Personnalité controversée, suscitant la polémique et ne laissant personne indifférent, Slim Riahi a même fait l’objet de menaces terroristes au cours de la campagne électorale, menaces confirmées par le ministère de l’Intérieur qui lui a accordé une protection rapprochée, l’obligeant à rectifier le programme de ses meetings.
« L’enfant terrible » de la scène politique tunisienne, qui a accentué au cours de la dernière ligne droite du scrutin ses attaques et critiques contre ses adversaires tous azimuts, réussira-t-il à parvenir à bon port en remportant la Présidentielle du 23 novembre?