Nouveau mandat d’Emmanuel Macron: quelles perspectives après 5 ans de crises? (Opinion)*

France
AA/Nice/Feïza Ben Mohamed
Le second mandat du président français Emmanuel Macron débute officiellement ce samedi 14 mai, conformément à ce qui a été annoncé par le Conseil Constitutionnel.
Après une cérémonie d’investiture classique, à laquelle quelques 450 invités ont assisté à l’Elysée le 7 mai, le temps est venu pour le chef de l’Etat réélu, de s’atteler à la tâche, et de fixer la feuille de route du nouveau gouvernement.
Emmanuel Macron a déjà annoncé que son nouveau chef du gouvernement serait en charge de « la planification écologique » mais plusieurs sujets demeurent très sensibles pour le futur exécutif dont notamment la question de la réforme des retraites, plusieurs fois retardée après la crise sanitaire et les mouvements de protestation.
Quelle orientations pour le « président nouveau »?
Le président du Conseil Constitutionnel, Laurent Fabius, qui s’exprimait en préambule de la cérémonie d’investiture pour proclamer officiellement les résultats de l’élection présidentielle n’a pas manqué de rappeler au chef de l’Etat, les épreuves traversées durant ce premier mandat.
« Le temps du quinquennat qui s’achève a été percuté par une accumulation singulière de crises et de bouleversements, sur les plans sanitaire, sécuritaire, social, énergétique, financier, qui n’ont pas épuisé leurs conséquences, notamment sur un malaise démocratique préoccupant » a-t-il relaté durant son discours.
Citant Victor Hugo, Laurent Fabius l’a exhorté à être collectivement « les serviteurs du droit et les esclaves du devoir », définissant le droit comme le fait de « respecter l’Etat de droit, ce patrimoine précieux de principes essentiels à nos démocraties, y compris si la Constitution elle-même devait être révisée, (…)condition première de la préservation (des) libertés ».
Il définissait ensuite le « devoir » comme la nécessité de « contribuer (…) à relever les nombreux défis (d’une) nation indépendante » avant d’énumérer « la paix, (…), la lutte contre le réchauffement climatique, (…) et le renforcement concret de (la) démocratie ».
De son côté, Emmanuel Macron promettait, dans son discours, de « léguer une planète plus vivable et une France plus vivante et plus forte » aux jeunes générations.
La question écologique reste donc plus présente que jamais et devrait guider l’action du chef de l’Etat.
C’est d’ailleurs ce qui avait clairement été détaillé au moment de son meeting à Marseille entre les deux tours de l’élection présidentielle.
Souhaitant séduire un maximum d’électeurs de gauche, Emmanuel Macron avait concentré sa prise de parole sur les questions environnementales et s’était présenté comme un président « vert ».
Mais au-delà des promesses qui paraissent plutôt payantes électoralement parlant, certains de ses projets pour le prochain quinquennat pourraient être bien moins populaires.
L’âge de départ à la retraite devrait ainsi être reculé à 65 ans. Cette mesure explosive et décriée, pourrait susciter un mouvement social conséquent et plonger l’exécutif, dès le début de son mandat, dans la tourmente.
Selon un sondage de l’institut IPSOS paru à la mi-avril, 77% des français seraient opposés à cette réforme et espèrent qu’elle sera abandonnée.
Et pour cause, la mobilisation dans les rues, vient clairement appuyer les chiffres d’IPSOS puisque cette réforme, en réalité annoncée dès 2019, a mobilisé des centaines de milliers de manifestants dans toutes les grandes villes de France entre décembre 2019 et mars 2020 avant que le mouvement ne soit stoppé par la crise sanitaire et les confinements.
Mais celui qui se présentait au moment de son investiture comme le « président nouveau » à la tête d’un « mandat nouveau », devra nécessairement s’atteler à répondre à l’inquiétude numéro 1 des français: le pouvoir d’achat.
Un sondage de l’institut Elabe paru en début de semaine donne une claire idée des thématiques plébiscitées par les électeurs et établit que « les Français estiment que le second quinquennat d’Emmanuel Macron doit porter en priorité sur le social, notamment sur le pouvoir d’achat (50%) ».
« Près de 3 Français sur 4 estiment que ces 4 mesures seraient utiles pour améliorer le fonctionnement de la démocratie en France » détaille Elabe avant de citer « la reconnaissance du vote blanc » jugée utile par « 77% des Français » ou encore l’utilisation « de référendum » jugée utile par « 75% des Français ».
Si à ce stade, le bord du futur premier ministre et son identité ne sont pas connus, celui-ci est donc très attendu sur les questions économiques et démocratiques qui touchent les citoyens, afin d’éviter un nouveau mandat de défiance et de protestation.
- Retour sur 5 ans d’un mandat jalonné par les crises
Un an à peine après son accession au pouvoir, Emmanuel Macron, pourtant en pleine prise de confiance, est frappé de plein fouet par le premier scandale qui viendra ébranler le système politique du « nouveau monde ».
L’affaire Benalla, qui aura un retentissement international, et mettra à mal l’image d’un président moderne en rupture avec les magouilles politiciennes.
Le jeune chargé de mission de l’Elysée est placé sous les projecteurs dès juillet 2018, lorsque le journal Le Monde révèle qu’il apparait sur une vidéo dans laquelle il se livre à des violences sur des manifestants alors qu’il assiste au traditionnel défilé syndical du 1er mai aux côtés des forces de l’ordre en tant que simple observateur sans habilitation à participer aux opérations de police.
Sur les images, filmées par le journaliste Taha Bouhafs, Alexandre Benalla porte un brassard « POLICE » et utilise un talkie-walkie alors qu’il n’est pas policier. Il n’en fallait pas moins pour déclencher un véritable séisme politique.
Après ce premier épisode, les révélations s’enchaînent. Benalla est licencié par la présidence de la République après s’être procuré illégalement les vidéos de surveillance qui l’incriminent suite aux révélations faites par la presse.
Il est ensuite mis en examen aux côtés de trois autres gradés de la police nationale, soupçonnés de l’avoir aidé dans l’accaparement illégal de ces vidéos.
« Le seul responsable, c’est moi » avait été forcé de reconnaître le chef de l’Etat face aux députés de sa majorité.
Il avait également concédé que ce « qui s’est passé le 1er mai est grave, sérieux » et que « ça a été pour » lui « une déception, une trahison », se désolidarisant ainsi de celui qui a longtemps assuré sa sécurité.
À peine remis de ce scandale, Emmanuel Macron a été confronté à une vague inédite de gronde sociale sans précédent: les gilets jaunes.
Cette crise, personne ne l’avait vue venir. Le 17 novembre 2018, après un appel à manifester publié sur les réseaux sociaux pour protester contre la hausse des prix des hydrocarbures, des centaines de milliers de manifestants prennent la rue.
Toutes les villes de France voient de véritables marées humaines défiler en demandant des mesures concrètes en faveur du pouvoir d’achat.
Le gouvernement ne parvient pas à calmer la gronde et les gilets jaunes s’organisent chaque samedi pour faire entendre leurs revendications.
L’Exécutif choisit de réprimer le mouvement, notamment à Paris, et de nombreuses scènes de saccages ébranlent l’image de la capitale.
Dès les premières semaines, au moins douze décès sont recensés à travers le pays, dont celui de Zineb Rédouane à Marseille, tuée par une grenade lacrymogène lancée par un policier.
Chaque semaine, des magasins sont pris pour cibles, des établissements détruits ou brûlés et des manifestants sont blessés.
Macron sera contraint de sortir du silence et d’annoncer plusieurs mesures pour calmer les esprits. C’est à ce moment-là qu’il actera, entre autre, un recul concernant la réforme des retraites et une prime mensuelle de 100 euros pour tous les salariés bénéficiaires du salaire minimum.
Mais les mesures qualifiées de « pansements » ne suffisent pas à calmer complètement les manifestants qui protestent, dès décembre 2019, contre la réforme des retraites.
La crise sanitaire liée à la Covid-19 fait son entrée en scène et les premiers cas enregistrés dans l’Hexagone dès fin février 2020, ont conduisent les autorités à instaurer un premier confinement très strict le 17 mars.
Mais malgré tous les efforts déployés par l’Etat, les lacunes se font largement ressentir dans la gestion de cette crise.
Dans un premier temps, le gouvernement appelle les citoyens à rapporter les stocks de masques dont ils disposeraient, chez leurs pharmaciens, prétextant qu’il était inutile d’en porter.
Mais ce mensonge politique visait en réalité à cacher une toute autre réalité : la pénurie, et le défaut de stocks avant que n’apparaissent les difficultés liées aux tests.
Dans les premières semaines, la France a en effet connu de grandes difficultés à faire tester ses citoyens.
Les citoyens devaient parfois faire des queues de plusieurs heures pour réussir à être testés, et les délais pour obtenir les résultats de ces tests pouvaient aller jusqu’à dix jours d’attente.
Même fiasco au moment de déployer les vaccins. Si les autorités sanitaires avaient établi un calendrier vaccinal ambitieux pour réussir à immuniser la population, le plan a eu du mal à trouver sa vitesse de croisière.
C’est seulement sur l’année 2021 que le pays réussit à totalement maîtriser les difficultés organisationnelles en matière de lutte contre la propagation de la Covid-19, avec des tests accessibles à tous au même titre que les vaccins et les masques.
Mais l’événement le plus récent, reste la guerre déclarée par la Russie en Ukraine quelques jours à peine après la visite d’Emmanuel Macron à Moscou.
Se positionnant comme médiateur, il espérait obtenir le renoncement de Vladimir Poutine à entrer en guerre. Sans succès.
Pris dans des pourparlers diplomatiques, la campagne du candidat a sa réélection a été largement parasitée et limitée par cette guerre sur le sol européen.
Mais selon de nombreux observateurs, dont le patron de la radio France Maghreb 2, Tarek Mami, qui estime que « l’effet drapeau » a largement bénéficié au chef de l’Etat.
Ce phénomène (lorsqu’un peuple se range derrière son dirigeant en temps de crise), a été confirmé durant les semaines qui ont précédé l’élection, puisque la côte de popularité d’Emmanuel Macron a rapidement accusé une nette haute au même titre que les intentions de vote en sa faveur, qui sont passées de 25% à 30% après ses deux allocutions télévisées sur la guerre en Ukraine.
Reste désormais à savoir qui il va choisir pour diriger Matignon et ainsi donner une visibilité claire sur ses objectifs politiques pour le quinquennat qui débute.
*Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que leur auteur et ne reflètent pas forcément la ligne éditoriale de l'Agence Anadolu.
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