Nicolas Sarkozy, retour sur le parcours controversé d’un président entre bling-bling et affaires judiciaires

France
AA/Nice/Feïza Ben Mohamed
Le 6 mai 2007 marque un tournant dans l’histoire de la cinquième République française avec l’accession à la fonction suprême de Nicolas Sarkozy.
Figure de la droite dite républicaine, l’ancien ministre de l’intérieur de Jacques Chirac, fort d’une image de présidentiable depuis au moins deux ans, récoltait 53,06% des suffrages face à la candidate socialiste Ségolène Royal.
Il avait séduit les français avec son franc-parler, son image d’homme spontané et sa ligne politique qui visait à rétablir l’ordre et la sécurité.
Pour autant, au fil des années, et même après sa cuisante défaite de 2012 face à François Hollande, Nicolas Sarkozy a déçu, et son nom est désormais associé à de multiples affaires judiciaires.
- le premier président condamné à de la prison ferme
Si Jacques Chirac a déjà écopé d’une peine de prison avec sursis, Sarkozy est bien le premier président français à avoir été condamné à de la prison ferme.
En mars 2021, le tribunal correctionnel de Paris lui a en effet infligé une peine de trois ans de prison dont deux avec sursis pour corruption et trafic d’influence, en dépit de ses dénégations, dans l’affaire dite « des écoutes ».
La justice l’a à nouveau sanctionné en octobre 2021 pour le financement illégal de sa campagne électorale de 2012, à une peine d’un an de prison dans l’affaire « Bygmalion ».
Mais en toile de fond de ces affaires, où il a notamment été reconnu coupable d’avoir voulu obtenir une promotion au juge Azibert en échange d’informations liées à une autre affaire dans laquelle il était mis en cause, c’est bien l’affaire du financement présumé de sa campagne électorale qui hante l’ancien chef de l’Etat depuis des années.
- Kadhafi et le financement libyen comme « tache indélébile »
Contacté par Anadolu, un député de la majorité présidentielle reconnaît que « cette affaire aux multiples ramifications reste comme une tache indélébile dans la carrière politique de Nicolas Sarkozy ».
Sous couvert d’anonymat, il affirme ne pas savoir « comment l’ancien chef de l’Etat pourrait se laver ses accusations, au vu des nombreux témoignages qui l’accablent ».
Et pour cause, selon un arrêt rendu en décembre dernier par la Cour de cassation, tous les recours intentés par Nicolas Sarkozy pour tenter de faire annuler la procédure ont été rejetés.
Pas même l’immunité présidentielle ne pourra donc éviter à Nicolas Sarkozy de répondre à la justice qui l’a déjà mis en examen pour « corruption passive », « financement illégal de campagne électorale », « recel de fonds publics libyens » et « association de malfaiteurs ».
À noter que depuis les révélations de Mediapart en 2012, Sarkozy a beaucoup de mal à faire entendre sa ligne de défense.
Lui et plusieurs de ses proches sont soupçonnés par la justice française d’avoir reçu plusieurs valises d’argent provenant du régime libyen en 2006 et 2007 et qui auraient permis entre autres, à financer la campagne présidentielle de 2007.
L'enquête, ouverte en 2013 par les juges d'instructions du parquet financier de Paris, est menée par les magistrats Serge Tournaire et Aude Buresi. Alexandre Djourhi est de son côté soupçonné d’avoir joué les intermédiaires.
Malgré les dénégations de l’entourage de Nicolas Sarkozy, le 22 mai 2018, la chaîne France 2 avait diffusé une interview exclusive de Moftah Missouri, ancien conseiller et interprète du colonel Kadhafi dans laquelle il a déclaré que l’ex président libyen « a aidé Sarkozy » en lui fournissant « de l’argent » pour le financement de sa campagne électorale de 2007.
Son témoignage a ensuite été corroboré dans le même reportage par celui de l’ancien directeur de cabinet du colonel Kadhafi, Béchir Saleh.
Filmé en caméra cachée, l’homme a admis que « Kadhafi avait un budget spécial pour les personnes qu'il souhaite soutenir » et affirmé « oui c’est vrai » concernant les accusations de financement libyen de la campagne présidentielles de Nicolas Sarkozy.
Ziad Takieddine, qui était l’un des principaux accusateurs, a cependant opéré une retentissante marche-arrière début novembre 2020 avant de se rétracter à nouveau.
Alors qu’il affirmait jusqu’alors, avoir servi d’intermédiaire dans cette tentaculaire affaire, Takieddine est revenu sur cette version en dédouanant Sarkozy, dans une vidéo.
« Monsieur Sarkozy n’a pas eu un financement libyen pour la campagne présidentielle » a-t-il assuré.
Ziad Takieddine accuse désormais « le juge » d’avoir « voulu tourner ça à sa manière » en le faisant « dire des propos qui sont totalement contraires aux propos » qu’il tenait durant ses auditions.
« Il n’y a pas eu de financement de campagne présidentielle par Monsieur Sarkozy. Jamais » a lancé Ziad Takieddine dans sa vidéo tournée depuis le Liban où il est en fuite.
- le président bling-bling
Longtemps qualifié de président bling-bling, il s’en est longuement défendu dans un ouvrage caché révélé par Le Point en 2014.
« Si j’avais éprouvé une quelconque inclinaison pour l’argent, je n’aurais pas fait le choix d’une carrière publique » écrivait-il assurant qu’il ignore « le snobisme et les mondanités ».
L’ancien président a pourtant été épinglé à de nombreuses reprises pour avoir exhibé des cadeaux hors de prix et avoir parfois entretenu un train de vie tapageur.
Tout au long de son mandat, les polémiques se sont enchaînées, tant sur sa montre à 70 mille dollars, sur sa luxueuse soirée électorale au Fouquet’s que sur son amour des Rolex.
« Ce n'est pas de l'argent qui a été volé ou qui a été pris dans les coffres de la République » le défendait à ce propos en 2012, le journaliste Gregory Pons dans les colonnes du journal suisse La Presse.
- l’omniprésence à droite
Nicolas Sarkozy est resté, malgré un parcours politique en dent de scie, une figure incontournable à droite.
L’ensemble des candidats qui se sont présentés sous la bannière de la droite républicaine aux élections présidentielles, l’ont été après avoir été adoubés par l’ancien président.
Et même lorsqu’il ne s’exprime pas clairement, son nom reste omniprésent dans les débats comme lors de la dernière élection avec la candidature de Valérie Pécresse.
Tout au long de la campagne, les regards sont restés tournés vers Nicolas Sarkozy dans l’attente d’une prise de position claire en faveur de la présidente de la région Île-de-France.
Un positionnement qui n’est jamais arrivé, l’ancien chef de l’Etat s’étant refusé à la soutenir publiquement avant d’appeler à voter pour Emmanuel Macron entre les deux tours.
« « Pourquoi elle ne parle que de Chirac ? Elle se dit chiraquienne ? Ah, très bien, mais qui l’a fait ministre pendant cinq ans, hein, c’est Chirac ? Elle serait bien inspirée de me citer un peu si elle veut que je la soutienne » aurait taclé Nicolas Sarkozy cité par le journal Ouest-France.
Emprunter la rhétorique de l’ex-président en utilisant notamment « le Karcher » ou promettant de « nettoyer les quartiers », n’aura finalement pas été payant avec 4,78% des français qui ont cru en elle.