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Mali: l’accord d’Alger doublement menacé (Analyse)

Les attaques de groupes "djihadistes" exclus du processus d'Alger se propagent au-delà du Nord, alors que des tensions gagnent certains signatiares de l'Accord.

20.08.2015 - Mıse À Jour : 20.08.2015
Mali: l’accord d’Alger doublement menacé (Analyse)

AA/Bamako/ Moussa Bolly/ Mohamed Ag Ahmedou

Si la principale menace à la paix au Mali réside dans l'action néfaste de groupes terroristes exclus de l'Accord de paix d'Alger (Mai/Juin 2015), de plus récentes violations de cette même convention par des partis signataires risquent d'hypothéquer sa bonne application, nonobstant l'arbitrage de la Mission onusienne au Mali, la Minusma.

Des attaques au Nord-Ouest ou au Sud en juin dernier, en passant par la prise d'otages au Centre (Sévaré), le 8 août, jusqu'aux affrontements, lundi, à Kidal (Nord) entre milice pro-gouvernementale et rébellion à dominante touarègue, qui ont fait des dizaines de morts selon plusieurs sources, les menaces à l'application de l'Accord d'Alger concernent aujourd'hui aussi bien les parties qui l'ont signé (Bamako, Groupes d'auto-défense pro-gouvernementaux) que les groupes qui en ont été exclus (groupes armés qui se disent "djihadistes").

Circonscrites depuis quelques années dans le Nord du pays (Azawad), les attaques terroristes, menées par des parties extérieures à l'Accord d'Alger, commencent à gagner du terrain depuis quelques semaines.

Cette propagation au-delà de l'Azawad, dont le statut juridique et politique fait l'objet, depuis des années, d'un conflit entre Bamako et les groupes autonomistes, met "partiellement en péril" l’Accord de paix signée en mai et juin derniers par les acteurs de la crise inter-malienne, relève à Anadolu Abder Kader Dramé, ancien cadre de la Direction générale de la sécurité d’Etat "DGSE" à la retraite et consultant indépendant sur les questions sécuritaires dans la bande sahélo-saharienne..

Exclus du processus d'Alger en raison de la non solubilité de leur projet djihadiste dans le moule national malien, des organisations comme Ansar Dine et quelques groupuscules affiliés comme la Force de libération du Macina d'Amadou Kouffa, ont multiplié les attaques "pour maintenir un état de chaos, seule possibilité pour eux de préserver leurs trafics juteux et leur projet, à savoir l'instauration d'un Etat extrémiste", selon un diplomate africain en poste à Bamako dans une déclaration à Anadolu. A l'action de ceux-ci, se sont joints d'autres groupes, comme Al-Qaïda en Afrique de l'Ouest (AQAO, anciennement Mourabitoune) ou Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), partageant la même idéologie.

La condamnation unanime de ces attaques est ce qui semble, pourtant, aujourd'hui unir les deux principales parties de la crise, Bamako et les groupes du Nord, représentés par la Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA), regroupant les anciens alliés des djihadistes pendant l'année 2012. Quand Al-Qaïda en Afrique de l'Ouest, également exclu du processus d'Alger, a procédé le 8 août à une prise d'otage meurtrière, la CMA était au premier rang pour condamner.

De même que les attaques de Nara et de Fakola (Sud), perpétrées par Ansar Dine ont été condamnées par les autonomistes et par Bamako.

"Tant que c'est le cas, ces attaques ne peuvent remettre fondamentalement en cause l’Accord de paix", estime Dramé.

Pour la source diplomatique africaine d'Anadolu, «il est urgent que la Minusma et la force française au Mali, Barkhane, soutiennent les Forces armées maliennes avec des moyens logistiques nécessaires aux renseignements. Cela est indispensable pour anticiper les attaques terroristes».

Sinon, craint le diplomate, «à ce rythme, une crise de confiance risque de s’installer entre le Gouvernement et la CMA dont certaines composantes conservent des connexions avec Ansar Dine d’Iyad Ag Ghaly».

Déjà, cette confiance s'est effritée avec des combats qui ont éclaté, lundi dernier, entre un groupe armé réputé pro-gouvernemental (et ayant pris part aux pourparlers d'Alger) et les Touarègues de la CMA. La Minusma a alors annoncé la mise en place d’« une zone de sécurité » autour de la ville de Kidal à la suite de ces combats qui ont abouti à la prise de la localité d'Anefis par la plateforme pro-Gouvernementale, GATIA.

Une zone qui s’étend sur 20 km autour de la localité, entré en vigueur mardi, et « jusqu’à nouvel ordre », selon un communiqué de la force onusienne, afin de «parer à toute éventualité d’une extension des combats qui pourraient affecter la population de la ville de Kidal».

La veille des combats, la CMA avait mis en garde, dans un communiqué, contre une reprise des hostilités, à la suite d'une attaque qui avait ciblé ses représentants dépêchés, samedi, pour rencontrer les responsables des milices de la Plateforme proche du gouvernement malien.

« Depuis la signature de l´accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d´Alger, les milices de la plateforme n´ont raté aucune occasion pour afficher leur mépris et leur insurrection contre la paix, á travers des violations répétées de l´accord, se traduisant par des enlèvements, des arrestations, des humiliations et des exécutions extrajudiciaires des civils», avait dénoncé la Coordination, annonçant ainsi, selon des observateurs, les prémices de complications "intrinsèques" à l'Accord.

Pour Abdel Kader Dramé, "il est aujourd'hui nécessaire d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord de paix, notamment le cantonnement des forces rebelles afin de permettre aux Forces armées et de sécurité du Mali de s’implanter partout pour mieux contrôler les mouvements sur le territoire national et ainsi sauver l'Accord qui est de toute façon impossible à élargir à des groupes comme Ansar Dine, classé organisation terroriste".

L'Accord de paix d'Alger établit un compromis entre les revendications de Bamako et des groupes de l'Azawad. Outre le désarmement des groupes, il épouse un schéma d'autonomie régionale, et au même titre qu'il prévoit des institutions régionales, il réinstalle l'Etat dans ces zones qui ont longtemps échappé à son contrôle. Dramé est d'ailleurs convaincu que, «tant que la région de Kidal ne sera pas sous le contrôle de l’administration malienne et des forces armées et de sécurité du pays, il sera impossible d’enrayer les attaques terroristes».

Mais cette application peine à démarrer. Le programme de désarmement démobilisation et réinsertion (DDR) des combattants n'a pas commencé mercredi, comme prévu. Par ailleurs, une «réunion de réconciliation» de groupes armés rivaux du Nord dans l'objectif de "sceller la paix et de garantir la survie de l'Accord d'Alger", initialement prévue, mercredi aussi, au Niger voisin, a été annulée à la suite des derniers combats.

 
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