Politique

Macron en visite d'Etat à Tunis: Côté cour, côté jardin (opinion)

-Le président français Emmanuel Macron sera à Tunis mercredi et jeudi prochains

Esma Ben Said  | 30.01.2018 - Mıse À Jour : 31.01.2018
Macron en visite d'Etat à Tunis: Côté cour, côté jardin (opinion)

Tunis

AA/Tunis/Slah Grichi

En relations internationales, les décideurs donnent souvent l'impression d'être des acteurs qui jouent dans une comédie, où le sans-gêne, les manoeuvres, les esquives et le jeu biaisé s'élèvent en art raffiné.

Croire qu'ils veulent provoquer l'hilarité ou qu'ils se trompent de registre, serait faire preuve d'une affligeante niaiserie, car tout est réfléchi et tout est calculé en fonction de l'intérêt propre à chacun.

Des mots tels que "liens historiques" ou "amitié séculaire" n'ont de sens que lorsqu'il y a profit dans l'air. Le plus amusant c'est lorsque des dirigeants se réunissent et abusent de ces discours à l'eau de rose pour convaincre la galerie, alors que plus haut que les chaleureuses poignes de mains, les regards reflètent parfois l'amorce du duel qui va s'engager pour tirer, chacun de son côté, le maximum en concédant le minimum.

Ainsi, le président français Emmanuel Macron qui sera à Tunis mercredi et jeudi, aura droit à tous les honneurs et même à son bain de foule.

Au delà des réunions qu'il tiendra avec le président Béji Caïd Essebsi et le chef du Gouvernement Youssef Chahed où il discutera économie, défense et sécurité intérieure et dans la région, il prononcera un discours à l'Assemblée, déposera une gerbe de fleurs au mémorial de Sijoumi à la mémoire des martyrs, rencontrera un aréopage de représentants de la société civile, inaugurera le siège de l'Alliance française à l'Ariana et clôturera le Forum économique franco-Tunisien.

Il chapeautera enfin la cérémonie de signature de dix accords de coopération que les quatre ministres qui l'accompagnent parapheront.

Un programme chargé qui, en plus du protocolaire, constitue le côté apparent de la visite. Car on voit mal Caïd Essebsi ou Chahed oublier ou occulter que l'administration Macron a été le principal artisan de l'entrée de la Tunisie dans la liste noire des 17 paradis fiscaux, établie et agencée par l'Union européenne.

Se contenteront-ils de son récent transfert sur la liste grise qui la laisse toujours à la portée de l'épée de Damoclès? Un sujet qui n'est pas destiné à la parade, car Paris considère que la Tunisie encourage les entreprises françaises à se délocaliser par les systèmes fiscaux préférentiels qu'elle octroie aux sociétés totalement exportatrices, ce qui est la raison principale de son entrée dans la "black list".

Or, ces avantages sont essentiels pour l'économie tunisienne, puisque ces sociétés représentent les 2/3 du tissu industriel.

Un bras de fer en perspective, où chacun fera valoir ses atouts. Emmanuel Macron ne viendra d'ailleurs pas les mains vides.

L'Elysée a évoqué des "annonces importantes" lors de cette visite et nous ne croyons pas que cela concerne la seule bagatelle de 30 millions d'Euros de la dette tunisienne qui sera convertie en projets de coopération ou la dizaine de protocoles qui seront signés, en concrétisation du processus de la première session du Haut Conseil de la coopération tuniso-française, tenue octobre dernier.

Cela pourrait avoir trait aux négociations relatives à l'accord de libre échange complet et approfondi (ALECA) avec l'UE, une monnaie d'échange ou un moyen de pression pour obtenir la restriction maximale des systèmes fiscaux préférentiels.

La Tunisie l'entendra-t-elle de la même oreille? Difficile à imaginer, même si cela lui vaudra également une sortie définitive des listes sombres de l'Europe, tant l'impact sera grand sur son économie. Et ce ne sont pas les chefs de la centaine d'entreprises qui viendront dans le sillage de Macron, qui pourraient convaincre la partie tunisienne. Un dossier délicat qui pourrait soulever des nuages et faire grincer des dents.

La France où s'écoule plus de 70% des exportations tunisiennes et qui constitue le principal portail d'accès de la Tunisie à l'Europe, sait qu'elle se doit de tendre l'oreille à son principal partenaire du sud de la Méditerranée, de le soutenir à assurer sa stabilité économique et par là-même sa stabilité sociale et politique, afin de continuer à lutter contre l'émigration clandestine et le terrorisme, deux fléaux qui inquiètent la France et l'ensemble de l'Europe.

Et c'est parce que Tunis est à l'écoute de Paris, que Mahmoud Abbas a dépêché, à l'annonce de la visite de Macron, son ancien ministre Ahmed Azzam auprès du président tunisien, afin qu'il inclue dans le volet international des réunions et à côté du conflit libyen, la question d'Al Qods et de son statut. Sûrement un sujet de convergence.

Quoi qu'il en soit, avant de prendre la direction du Sénégal, le jeune président français donnera du ton de sa politique relative à la coopération Nord-Sud, particulièrement au continent africain objet de toutes les convoitises.

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