Politique

L'Europe peut tourner la crise des réfugiés en sa faveur (experts)

L'Europe, qui fait face à un afflux migratoire sans précédent, peut tirer des profits des migrants en terme de main-d'œuvre étrangère, au vu de sa population vieillissante et la baisse de sa population en âge de travailler, affirment les experts.

Bilal Müftüoğlu  | 10.11.2015 - Mıse À Jour : 11.11.2015
L'Europe peut tourner la crise des réfugiés en sa faveur (experts)

Ile-de-France

AA - Paris - Bilal Muftuoglu/ Betul Yuruk/ Cuneyt Karadag

L'Europe, qui fait face à un afflux migratoire sans précédent, pourrait bénéficier de la main-d'œuvre des migrants venus des zones de conflit, au vu du vieillissement rapide de sa population, selon des experts. 

L'Union européenne (UE) connaît actuellement le deuxième taux de vieillissement au monde après le Japon. Effectivement, le taux de natalité est en constante baisse en Europe depuis les années 1960 alors que la population en âge de travailler baisse depuis la même période, d'après les statistiques d'Eurostat. 

Le taux de fécondité le plus faible au sein de l'UE est observé en Grèce où le nombre moyen d'enfants par femme n'atteint que 1,2. Elle est suivie du Portugal et de l'Espagne, où ce taux avoisine 1,3, toujours selon Eurostat. 

La France connaît en revanche le taux de fécondité au sein de l'UE avec 2 enfants en moyenne par femme. L'Allemagne, le pays le peuplé de l'Union, a un taux de fécondité aux alentours de 1,4, ce qui ne lui permet pourtant pas d'éviter le vieillissement de sa population. 

Selon Elena Ambrosetti, démographe à la faculté d'Economie de l'université La Sapienza de Rome, certains pays européens à l'instar de l'Italie et de l'Allemagne, comptent d'ores et déjà sur les migrants pour maintenir leur main-d'œuvre plus dynamique. 

"Si la migration nette reste stable dans le futur, elle pourra résoudre la question du vieillissement dans la mesure où elle pourrait contribuer à décélérer le processus de vieillissement", explique Ambrosetti dans un commentaire pour Anadolu. 

Lacy Swing, Directeur Général de l'Organisation internationale pour les migrations, fait remarquer de son côté que les migrants peuvent contribuer à la croissance économique de leur pays d'accueil par leurs compétences professionnelles et linguistiques. 

"Les Etats membres de l'UE feraient face à une pénurie de main-d'œuvre, de l'ordre de 40 millions de travailleurs, d'ici 2050. Les réfugiés en Europe peuvent ainsi être un élément qui stimule la croissance économique régionale et renforce la compétitivité de l'Europe à l'échelle mondiale", note Swing. 

Face au risque d'une pénurie de main-d'œuvre, l'Allemagne seule aurait besoin d'entre 276 et 491 000 migrants par an, conclut la Fondation Bertelsmann dans son étude. La population en âge de travailler pourrait passer de 45 millions à 29 millions d'ici 2050, avertit la Fondation, soit une baisse de 36%. 

Malgré ce besoin pour la main-d'œuvre étrangère, les réfugiés ne sont pas toujours bienvenus dans les pays européens, dès lors que les partis d'extrême droite en Europe évoquent de plus en plus la théorie du "grand remplacement", selon laquelle il existerait un processus de substitution de population locale par la population migrante. 

Face à ces affirmations, Thomas Baudin, chercheur au Centre de Recherche en Démographie et Société  à l'Université Catholique de Louvain, explique, "Si le terme “remplacer” ne me semble pas le plus approprié, il est certain que, sans avoir recours à l’immigration, aucun pays européen ne pourra réussir à maintenir une taille de population constante". 

"Nous avons de bonnes raisons de penser que oui et dans ce cas, l’immigration, pourvue qu’elle ne mène pas à la ghettoïsation et aux tensions communautaires, est une solution, une bonne solution", note encore Baudin. 

L'intégration réussie des migrants et des réfugiés à leur pays d'accueil passe par des perspectives d'emploi, fait remarquer le chercheur. 

"Il est évident que l’on ne peut pas parler de marché de l’emploi européen mais de marchés nationaux de l’emploi, chaque pays connaissant des fortunes très diverses à cette heure. On constate partout en Europe des taux de chômage significativement positifs", reconnaît Baudin tout en soulignant que la réalité et "plus complexe" et que l’afflux de migrants en âge de travailler pourrait être "une aubaine plutôt qu’un fardeau". 

Baudin précise à cet égard que le chômage dans les pays européens est lié en partie à une "inadéquation" entre offre et demande de travail. "Les emplois vacants dont nous parlons ici pourraient donc tout à fait échoir aux populations immigrées", ajoute-t-il. 

"Lorsque des emplois vacants finissent par être pourvus, ils sont générateurs de valeur ajoutée, c’est à dire de croissance. Ils accroissent aussi les cotisations et impôts qui entrent dans les caisses de l’état alors même que la formation initiale (l’éducation) et les dépenses de santé des personnes qui les occupent ne nous auront rien couté", affirme encore Baudin. 

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