Les relations Egypte-Israël: Les officiels caracolent, le peuple hésite
Les relations officielles entre les deux pays n'ont jamais été aussi bonnes que maintenant de l'avis de certains Israéliens, alors que le peuple égyptien résiste encore à l'idée d'une normalisation avec Israël.

AA/Al Qods/Abderraouf Arnaout
Loin du regard des médias, des politiques considèrent, que l'Egypte se dirige vers le renforcement de ses relations diplomatiques avec Israël, même si la normalisation entre les peuples des deux pays peut prendre plus longtemps.
Dans un entretien téléphonique avec Anadolu, le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon, a qualifié de «bonnes et stratégiques», les relations qui lient actuellement Le Caire et Tel Aviv.
L'ambassade d'Israël au Caire a officiellement rouvert ses portes, mercredi dernier, après avoir été fermée durant quatre ans, à la suite de manifestations populaires qui avaient exigé la fermeture du siège de la représentation diplomatique, située, à l'époque, dans la zone de Gizeh (ouest du Caire).
Dans des déclarations citées par l’agence de presse officielle égyptienne, le porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Abu Zeid, avait affirmé le jour de la réouverture : «L'ambassadeur d'Israël en Egypte (Haim Koren) était présent et a travaillé dans sa résidence (à al-Maâdi au sud du Caire), durant les quatre dernières années au cours desquelles l’ambassade était fermée».
«Aujourd’hui, le siège provisoire de l'ambassade d'Israël a été officiellement rouvert, toujours à la résidence de l’ambassadeur», a-t-il précisé.
L'ambassade d'Israël a, en effet, officiellement rouvert. Et l'Egypte a décidé, en juin dernier, de nommer Hazem Khairat, ambassadeur à Tel Aviv, trois ans après avoir rappelé son ambassadeur Atef Salem, en raison de l'attaque israélienne contre Gaza.
À cet égard, Nahshon a affirmé: «Nous considérons la réouverture de l'ambassade comme une étape très importante, car elle illustre les meilleures relations que nous entretenons actuellement avec l'Egypte. Et il s’agit naturellement d’une mesure symbolique, car elle intervient quatre années après la prise d’assaut de l'ambassade [d'Israël]».
«Nos relations avec l'Egypte sont bonnes et stratégiques» a indiqué le porte-parole israélien, soulignant l'attente d'Israël de «l'arrivée de l'ambassadeur d'Egypte à Tel Aviv ».
Israël et l'Egypte ont signé un traité de paix le 26 mars 1979, mettant fin à une hostilité de 30 années, et à cinq guerres, dont la dernière a eu lieu en octobre 1973. Il s’agissait, en l’occurrence, du premier traité de paix conclu entre un pays arabe et Israël. En vertu de ce traité, l'Egypte a concédé, à son ancien adversaire, le droit d'exister dans des frontières sûres et officiellement reconnues.
Israël a ouvert, en février 1980, sa première ambassade dans un pays arabe, tandis que la représentation diplomatique égyptienne à Tel Aviv a été inaugurée en mars 1980, selon le site web du ministère israélien des Affaires étrangères.
Le défunt président égyptien, Anouar Sadate, avait effectué une visite à Jérusalem en 1977, à l'invitation du Premier ministre d'Israël, de l'époque, Menahem Begin. Israël aura achevé, cinq ans plus tard, la mise en œuvre du traité de paix israélo-égyptien, en se retirant du Sinaï en 1982.
Depuis, cinq présidents se sont succédé en Egypte, à savoir, Anouar Sadate, Hosni Moubarak, Mohamed Morsi, puis le président de transition Adly Mansour, et, aujourd’hui, Abdel Fattah al-Sissi.
Le politologue israélien Danny Rubinstein, professeur à l'Université de Beersheba (sud), considère que les relations israélo-égyptiennes, n’ont jamais été, de toute leur histoire, aussi bonnes qu’aujourd’hui, sous le règne du président égyptien actuel, al-Sissi.
«En comparaison avec les périodes sous les présidents égyptiens précédents, l’ère actuelle est absolument la meilleure», a déclaré Rubinstein à Anadolu, soulignant : «Aujourd'hui, 36 ans après la conclusion du traité de paix, il y a une coordination totale entre Israël et l'Egypte, face à un ennemi commun, le terrorisme qui vise les deux pays».
Il a indiqué : «Sous Moubarak, les relations entre Israël et l'Egypte étaient exposées aux médias. Ce qui n’est pas le cas maintenant avec al-Sissi. Des réunions se tiennent désormais entre des responsables de différents niveaux, contribuant à améliorer significativement les relations des deux pays».
L'Égypte a pu, grâce à ses relations avec les Palestiniens et les Israéliens, accueillir des négociations entre les deux parties au Caire, et à Taba, où Moubarak a concouru à rapprocher les vues des deux camps.
L’Egypte a également apporté sa contribution à la conclusion de plusieurs accords, en vue d’un cessez le feu à Gaza, entre Hamas et Israël, dont le dernier accord ayant été conclu le 26 août 2014, pour mettre fin à une guerre de 51 jours. Le Caire a, par ailleurs, participé à l’accord sur l'échange du soldat israélien Gilad Shalit (capturé par les factions palestiniennes dans la Bande de Gaza en 2006), contre plus d'un millier de prisonniers palestiniens, libérés des prisons israéliennes en 2011.
Sauf que les négociations israélo-palestiniennes sont à l’arrêt depuis mars 2014, sans le moindre indice de leur reprise, et sans le moindre indicateur laissant apparaître un quelconque rôle de l'Egypte dans le rapprochement entre les deux parties.
Le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères déclare, à cet égard : «L’Egypte a certainement un rôle important à jouer dans le dialogue entre Israéliens et Palestiniens, mais à ce stade, les Palestiniens refusent malheureusement de reprendre les négociations».
«Nous espérons que l'Egypte figurera parmi les pays qui convaincront les Palestiniens de reprendre les négociations» a-t-il ajouté.
Sur le plan économique, le ministère israélien des Affaires étrangères souligne que «depuis la signature du traité de paix, Israël et l'Egypte ont développé des relations commerciales dans plusieurs secteurs, tels que l’habillement, les produits chimiques, les légumes, et le coton».
La même source indique, toutefois, que les échanges commerciaux entre les deux pays ont enregistré une baisse importante depuis le déclenchement de l’Intifada à al-Aqsa, en septembre 2000, après l'échec du sommet israélo-palestinien de Camp David, aux Etats-Unis, et l’incursion de l’ancien Premier ministre israélien, Ariel Sharon, dans la Mosquée al-Aqsa.
«Le volume des exportations israéliennes vers l’Egypte était d’environ 181 millions de dollars dans la période de 1994-2000, puis de 58 millions de dollars en 2000, contre 47 millions en 2001» affirme le ministère israélien des Affaires étrangères, soulignant que près de la moitié de ces exportations sont constitués de vêtements, le reste étant répartis entre produits chimiques, engrais, et dérivés pétroliers.
La même source révèle que durant la période entre 1994 et 2000, les exportations de l'Egypte à destination d'Israël ont atteint environ 1,6 milliard de dollars, contre environ 20 millions de dollars en 2001 (sans comptabiliser le pétrole et les services).
Le ministère israélien indique qu’en plus du pétrole, l'Egypte exporte des légumes, des produits frais, du coton brut, des textiles, des articles de bois, ainsi que des produits chimiques.
Cependant, Israël se plaint, depuis longtemps de l'absence d’une normalisation plus conséquente, des relations entre les peuples égyptiens et israéliens, dans un contexte où les Egyptiens qui effectuent des visites en Israël sont souvent l’objet de poursuites, une fois de retour dans leur pays.
«La situation est différente quand on aborde la question des relations entre les peuples égyptien et israélien » déclare, à cet égard, Rubinstein, soulignant qu’un « fossé sépare les deux côtés », clamant que « les Juifs et Israël sont fréquemment accusés de conspiration».
Sauf que même à ce niveau, le politologue israélien constate une évolution qu’il juge «positive». Il déclare ainsi : «Lors du dernier mois de Ramadan, nous avons remarqué un certain changement. Un feuilleton télévisé égyptien, [intitulé «Haret al-Yahoud», le quartier des Juifs], a ainsi tenté de présenter un aspect positif des Juifs. Les médias israéliens se sont intéressés à cette question, dans l'espoir que cela puisse marquer le début d'un changement dans l'opinion publique égyptienne, à l’égard d’Israël».
La série «Haret al-Yahoud», avait en effet, suscité, une grande polémique, en Egypte, lors de sa diffusion. Certains ayant considéré qu’il s’agit d’une invitation à entretenir des relations avec Israël. Le message étant que les Egyptiens n’ont pas d’objections à traiter de questions où l’Etat hébreux est partie prenante.
La série télévisée a mis en scène la vie dans un quartier juif, au centre du Caire, après la révolution de juillet 1952. Le feuilleton a présenté des personnages généreux, et positifs, à l’inverse de nombreuses autres œuvres égyptiennes, les décrivant comme «racistes», et les accusant de «traitrise ou d’espionnage».