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Le Tchad clef-de-voûte de la géopolitique sahélienne?

L'emplacement géographique du Tchad a déterminé une politique régionale active de Ndjamena, par ailleurs synchronisée avec la stratégie française au Sahel.

02.02.2015 - Mıse À Jour : 02.02.2015
Le Tchad clef-de-voûte de la géopolitique sahélienne?

AA/ Tunis/ Safwene Grira

Celui que le dictionnaire de l'origine des noms et surnoms des pays africains d'Arol Ketchiemen affabule du sobriquet de « cœur mort de l’Afrique » en raison de son enclavement et de son climat désertique, pourrait s'affirmer aujourd'hui comme "le coeur vivant" de sa géopolitique, en raison de particularités géographiques, son engagement militaire régional contre Boko Haram et d'une synchronisation avec la stratégie française au Sahel.

1/ Un emplacement stratégique aux portes de toutes les crises, notamment celle de Boko Haram

Si la géographie du Tchad a déterminé jusqu'à son intervention dans le conflit de Boko Haram, elle a pu être à l'origine d'autres implications puisant leurs sources dans ce que jouxterait les frontières de ce pays et provoquant, presque systématiquement, l'afflux d'innombrables lots de réfugiés.

Les frontières Nord du Tchad sont délimitées par la Libye, un pays qui a connu une guerre de 10 ans avec le Tchad lequel constitue, par ailleurs, un tremplin de choix pour l'armée française, dans le cas d'une éventuelle intervention en sol libyen. La multiplication des groupes armés en Libye post-2011, favorisant l'éclosion de trafics de tous genres sur la bande sahélo-saharienne, fera ainsi du Tchad, aux yeux de l'opération française Barkhane, une pièce maîtresse à l'occasion des actions menées contre les traficants et djihadistes.

La proximité, ensuite, du Darfour soudanais, se situant aux frontières orientales, a favorisé l'extension au Tchad du conflit qu'a connu cette province occidentale du Soudan depuis 2003, avec, notamment, l'avènement de plus de 200 000 réfugiés selon le Haut Commissariat des Réfugiés de l'ONU. Les guerres du Tchad lors des décennies 70 et 80 impliquant l'ethnie des Zaghawas avaient eu, par ailleurs, une conséquence directe sur le conflit.

Le Tchad est frontalier, ensuite, de la République Centrafricaine, et accueille, à ce titre et selon le HCR, près de 100 000 réfugiés de la guerre civile qui a opposé, un temps, la Seleka, ancienne coalition au pouvoir, aux milices d'auto-défense Anti-Balaka.

Plus récemment, l'implication géographique du Tchad s'est posée comme une nécessité politique avec la proximité d'un nouvel espace à risque. Les frontières méridionales correspondant à des zones d'activités de Boko Haram, à savoir l'Extrême-Nord camerounais et le Nord-Ouest nigérian, ne peuvent laisser indifférent Ndjamena qui s'est pleinement engagé dans ce conflit.

2/ Une implication régionale active, parfois controversée

Fortes d'une réputation guerrière, les troupes tchadiennes ont lancé, à la mi-janvier, une intervention militaire dans l'Extrême-Nord camerounais, marquant ainsi la régionalisation de la crise générée par Boko Haram. Après des opérations aériennes contre les positions de Boko Haram au Nigéria, les soldats de Ndjamena ont posé leur pied en territoire nigérian, au niveau de Gambaru, dans l'Etat de Borno.

Outre le soutien à l'effort militaire français dans le Nord-Mali et l'implication militaire sous casquette onusienne, le rôle tchadien a pu prendre d'autres dimensions.

Ainsi, après l'échec, en 2001, d'un putsch contre le président centrafricain Patassé, François Bozizé, alors chef d'Etat-Major des armées de la RCA, se réfugie au Tchad d'où il lancera une série d'incursions contre le régime centrafricain avant de marcher, deux ans plus tard, sur Bangui avec l'aide de troupes tchadiennes.

Celles-ci ont par la suite apporté leur soutien au général Bozizé, à l'occasion notamment d'affrontements à Birao, dans le Nord du pays, contre la Convention des patriotes pour la justice et la paix, une des composantes de la future Seleka de Michel Djotodia. Celui-ci, ayant manqué son coup d'Etat contre Bozizé, bénéficiera également, du soutien du Tchad, et l'une des premières mesures de son gouvernement est de reconsidérer les contrats pétroliers au profit de Ndjamena.

C'est sous la houlette de ce pays que seront conduits, en janvier 2014, à Ndjamena, les accords aboutissant à la démission de Djotodia et l'installation d'une transition. Cette image d'un Tchad soutenant et lâchant, tour à tour, des présidents centrafricains, a confirmé une réputation de faiseurs de rois.

Une raison suscitant la controverse, à rapprocher d'une synchronisation de ses interventions avec la stratégie française dans le Sahel.

3/ Une politique synchronisée avec la stratégie française dans le Sahel

1/ L'opération Barkhane, tient son état-major dans l'importante base militaire de Ndjamena, qui abrite près de 50% du dispositif militaire de Barkhane, soit 1300 militaires.

2/ L'intervention tchadienne contre Boko Haram est venue concrétiser une volonté affichée par Paris d'en découdre avec le groupe armé, conformément aux conclusions du sommet de l'Elysée, l'été dernier.

3/ L'intervention française au Nord-Mali s'est déroulée avec le soutien de l'armée tchadienne qui a dépêché plus de 2000 hommes.

4/ En décembre 2013, l'inquiètude de Paris quant à l'aggravation de la situation sécuritaire à Bangui, a provoqué le sommet de Ndjamena qui a vu Michel Djotodia se démettre au profit d'une transition politique.

La France, un des premiers partenaires économiques de Ndjamena, est, pour sa part, souvent intervenue pour protéger le régime tchadien, la stabilité de toute la sous-région en dépendant et qui s'impose ainsi comme la clef-de-voûte de la région du Sahel. Ce fut le cas à l'occasion du conflit tchado-libyen (1978-1987) avec l'opération Manta puis l'opération Épervier. Ce fut le cas également en 2006 et en 2008, quand l'opération Epervier a permis de sauver un régime de Déby aux abois, alors que les rebelles étaient aux portes de N’Djamena.

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