Politique, Afrique

Le contingent américain au Cameroun ouvre-t-il la voie à une base militaire?

Depuis l’annonce de l’arrivée au Cameroun de 300 soldats américains, l’opinion publique camerounaise s’interroge sur la nécessité d’accueillir cette troupe.

Safwene Grira  | 26.10.2015 - Mıse À Jour : 28.10.2015
Le contingent américain au Cameroun ouvre-t-il la voie à une base militaire?

Yaounde

AA /Yaoundé/James Ntog

L’annonce, il y a deux semaines, du déploiement au Cameroun de 300 soldats américains a suscité beaucoup de commentaires et d’analyses, aussi bien dans la presse nationale, étrangère que sur les réseaux sociaux.

Différentes sources sécuritaires de l’agence Anadolu affirment ne pas comprendre « le choix du président d’accepter que les soldats américains s’installent au Cameroun » et certaines d'entre elles s'interrogent sur la possibilité de voir ce contingent américain ouvrir la voie à à l'installation par Washington d'une base militaire dans le pays

« Paul Biya a-t-il vraiment mesuré le risque en permettant aux Américains de s'implanter chez nous au détriment des Russes et des Chinois qui lui font la cour depuis des années?», s’interroge une source.

« Il y a bien longtemps que les Américains veulent installer une base au Cameroun qui va couvrir toute l’Afrique centrale. Mais chaque fois, nous avons toujours trouvé un bon prétexte pour dire non sans brouiller nos relations », révèle une autre source.

Différentes sources sécuritaires d’Anadolu affirment que les Américains ont en effet déjà balisé le terrain depuis quelque temps. 

« Au début des années 2000, ils ont été à un doigt de prendre la Base Aérienne de Yaoundé. Ils voulaient en faire leur base pour l’Afrique centrale », révèle une source sécuritaire haut placé,  d’Anadolu qui a tenu à s'exprimer sous le couvert de l'anonymat du fait de son rang.

« Mais, la facture émise par les responsables camerounais pour les travaux de réfection était tellement élevée que les pourparlers se sont rallongés. Entre temps, les autorités camerounaises ont pris la mesure des risques de la présence militaire américaine au Cameroun, et le projet est tombé à l’eau », a-t-elle ajouté.

La base aérienne de Yaoundé est l’ancien aéroport international de la capitale camerounaise. Cet aéroport a été un temps délaissé lorsqu’un nouvel aéroport a été construit à Yaoundé-Nsimalen, une banlieue de Yaoundé. Puis, cet espace a été transformé en aéroport militaire, couramment appelé « base aérienne ».

Selon le président Barack Obama, les 300 soldats américains mèneront des opérations de collecte aérienne de renseignements, de surveillance et de reconnaissance dans le cadre de la lutte contre Boko Haram.  Parlant des risques liés à la présence américaine au Cameroun,  « il s’agit essentiellement de la montée en puissance de la violence à la frontière avec le Nigeria », affirme la même source.

« En 2010, 2011 et 2012, les Américains ont effectué des séjours au Cameroun pour des études de terrain et pour la préparation des forces camerounaises, au cas où une attaque terroriste surviendrait. L’attaque est survenue en 2014 avec le premier enlèvement de touristes », révèle une autre source sécuritaire d’Anadolu.

« Pendant ces différents séjours, les soldats américains ont exploré toute la frontière camerounaise avec le Nigeria. Ils connaissent tous les villages camerounais frontaliers avec les Etats de Borno et Adamawa », affirme-t-elle.

Barack Obama a précisé que les troupes américaines resteront au Cameroun «jusqu'à ce que leur soutien ne soit plus nécessaire ». Alors, « nous n’avons pas été surpris par la prise de Kerawa (Extrême nord du Cameroun) quelques jours seulement après l’arrivée des américains. Nous pensons qu’il y aura une recrudescence de la violence, ce qui justifiera la présence des américains au Cameroun et conduira peut être enfin, à la mise sur pied de la base militaire tant souhaitée », se lamente la source d’Anadolu.

Pourquoi une base militaire américaine est-elle perçue comme un danger? « Que chacun regarde ce que sont devenus les pays dans lesquels les Américains sont intervenus ou se sont installés, et tire ses conclusions », répond l’officier supérieur de l’armée camerounaise, qui ne souhaite pas donner d'affirmations plus précises.

Pour le Gouvernement camerounais, en revanche, le déploiement des ces américains "apportera à nos Forces de Défense et de Sécurité, une contribution précieuse dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram", a récemment déclaré à la presse le Ministre, Secrétaire Général de la Présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh. 

Cette coopération américaine n’est par ailleurs pas totalement mal perçue, y compris au sein des forces de sécurité camerounaises.

« Les Américains sont très avancés en matière technologique. S’ils veulent vraiment nous aider, ils peuvent rester chez eux et nous appuyer pour l’acquisition du matériel militaire et la formation des soldats camerounais aux Etats-Unis, à l’utilisation de ce matériel », dit un autre officier de l’armée camerounaise.

En avril dernier, c’est un détachement de huit militaires français qui a été envoyé au Cameroun pour « travailler aux côtés des forces armées camerounaises, afin de former une soixantaine de spécialistes dans la lutte contre les engins explosifs improvisés ». Paradoxalement, l’arrivée de ces soldats français n’a suscité aucune polémique, probablement à cause de leur nombre relativement bas.

Si la présence militaire américaine inquiète, ce n’est pas le cas des soldats tchadiens qui, bien que plus nombreux que les américains, avaient d’ailleurs été accueillis en héros lors de leur arrivée au Cameroun. 

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