L'absence des USA et de grands acteurs africains risque de maintenir la crise centrafricaine (analyste français)
"La menace jihadiste stimule les acteurs internationaux à se mobiliser en faveur d'une résolution du conflit", a indiqué à Anadolu Patrice Gourdin.

AA- Tunis- MHA
Le manque d'engagement éprouvé par les Etats-Unis, l'Union euroépenne et de grands acteurs africains, dont l'Afrique du Sud, jouera en faveur du maintien de la crise centrafricaine , a indiqué à Anadolu le géopoliticien français Patrice Gourdin.
Si cette absence est différemment justifiée, l'enseignant des relations internationales à l’université d’Aix-En-Province a en revanche précisé que La France et le reste des acteurs internationaux continuent à agir par peur d'une montée des courants jihadistes et d'une réédition du génocide rwandais de 1994.
Ci-dessous l'essentiel de l'interview réalisée via courrier électronique:
AA- Les initiatives et réactions internationales visant à mettre un terme au conflit centrafricain donnent à lire que l’échiquier centrafricain peine encore à intéresser certains grands acteurs de la coopération en Afrique, tels les émergents. Comment interprétez-vous ce désengagement ?
PG- Les émergents sont pratiquement absents du dossier. L’Afrique du Sud s’est engagée, pour des raisons demeurées opaques et peut-être douteuses.
Mais, la mort de plusieurs de ses soldats a réduit considérablement son implication dans le dossier. Hors du continent africain, seule la Chine pourrait éventuellement s’intéresser à la RCA. Or, elle n’a rien fait de tangible. Elle ne semble pas avoir d’intérêts significatifs dans ce pays.
Parmi les puissances classiques, seules deux d’entre elles étaient susceptibles de s’engager. La France, ancienne puissance coloniale, était très impliquée en RCA durant la Guerre froide. Ce passé pèse encore sur ses relations avec ce pays. Paris a voulu, comme je l’ai expliqué dans certains de mes articles, réformer sa politique. Mais a dû se résigner à intervenir, et à intervenir seule.
Les États-Unis peinent quant à eux à définir et à concrétiser leur engagement militaire en Afrique. Le commandement régional américain (AFRICOM) n’a toujours pas trouvé de pays d’accueil et demeure localisé à Stuttgart (Allemagne). Seule la lutte contre Al Qaïda semble les motiver réellement en l’état actuel des choses.
Ajoutons que la crise centrafricaine illustre une nouvelle fois l’inexistence de l’Union européenne en tant que puissance. Ceci étant, le retrait de l'UE et des USA risquent de maintenir encore pour longtemps la crise centrafricaine.
AA- Dans un article récent vous avez affirmé que « le monde oublie et risque d’oublier encore longtemps la Centrafrique ». Avec les dernières évolutions, maintiendriez-vous la même attitude ?
PG- Non. Car l’échiquier centrafricain semble avoir beaucoup changé et ses spécificités se sont avérés beaucoup plus compliquées que ce que l’en on pensait. En RCA, les racines du mal sont de nature sociale, économique, politique et concernent non seulement le pays en soi, mais plutôt ses voisins et leurs partenaires politiques et économiques internationaux.
AA-La crise centrafricaine risque-t-elle de s'exporter si elle n'est pas désamorcée?
Certains États voisins chrétiens, comme le Sud Soudan, l’Ouganda et le Congo Brazzaville ont aussitôt commencé à s’inquiéter d’une montée des fondamentalismes dans la région. De ce point de vue, ils pointent du doigt un certain rapprochement entre les Seleka (groupes militaro-politiques musulmans) avec le Soudan, le Maroc ou encore le Qatar. Toutes ces données se présentaient comme les signes avant-coureurs d’une aggravation très dangereuse de la crise. Ce qui a poussé la France et le reste de la communauté internationale à agir.
AA.Pourquoi la France s'obstine-t-elle à faire cavalier seul dans ce dossier malgré le désengagement des autres puissances internationales?
Paris part en fait de ses responsabilités internationales, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations unies et de son engagement dans la défense des droits de l'Homme. Opérant en synergie, la France et les autres acteurs internationaux, dont l’ONU se sont mobilisés et continueront à le faire afin de contrer la menace djihadiste alimentée par le Chaos et par peur d’une réédition du génocide rwandais de 1994.
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