Politique

La précarité progresse dans de nouvelles franges de la population, alerte le Secours populaire

— Corinne Makowski détaille pour Anadolu une France où pauvreté, isolement et ruptures de droits frappent toujours plus large

Ümit Dönmez  | 21.11.2025 - Mıse À Jour : 21.11.2025
La précarité progresse dans de nouvelles franges de la population, alerte le Secours populaire

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez

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Corinne Makowski, secrétaire nationale du Secours populaire, livre à Anadolu un constat préoccupant : la pauvreté touche aujourd’hui 10 millions de personnes, selon les chiffres officiels qu’elle rappelle, et 3 millions d’enfants vivent dans des foyers en pauvreté ou en précarité. « Ça veut dire que bon nombre d’entre elles sont très vulnérables », ajoute-t-elle, en référence aux familles qui doivent composer avec des ressources insuffisantes. Elle insiste sur l’importance de la dignité, notion centrale dans son analyse : « La dignité, c’est quelque chose d’important, de se sentir en capacité de vivre dans notre pays, de pouvoir s’en sortir. »

Le baromètre 2025 réalisé par Ipsos pour le Secours populaire confirme l’ampleur du phénomène : 1 Français sur 5 se déclare aujourd’hui en situation précaire (20 %) . Plus largement, 57 % connaissent dans leur entourage une personne vivant dans la pauvreté. Ces données résonnent avec l’évolution décrite par Corinne Makowski, qui retrace une succession de crises ayant laissé des traces durables.

La responsable évoque les années 1990 marquées par le chômage de masse, puis 2008 et « une inflation importante qui a touché pas mal de pays ». La pandémie de Covid constitue un autre tournant, avec ses ruptures sociales et psychologiques : « Elle a provoqué beaucoup de conséquences sur ce qu’on appelle aujourd’hui la santé mentale. » Isolement, violences intrafamiliales, anxiété : « On en voit les conséquences. » Le baromètre met en évidence cette fragilisation, montrant que 69 % des personnes en difficulté pour boucler leur budget disent ressentir de l’anxiété .

Les publics les plus affectés se diversifient. Corinne Makowski cite les familles monoparentales, les personnes sans emploi, les jeunes peinant à accéder au premier emploi, les travailleurs pauvres et les personnes âgées. « On voit revenir beaucoup de personnes âgées qui n’arrivent pas à s’en sortir », observe-t-elle, évoquant l’isolement, les faibles retraites et les difficultés d’accès aux services publics. Les données du baromètre montrent que 59 % des Français rencontrent des difficultés à payer leurs dépenses d’énergie, et 38 % à consommer des fruits et légumes frais chaque jour .

Les disparités territoriales s’ajoutent à ces vulnérabilités. La secrétaire nationale décrit un pays où « la grande précarisation s’installe », touchant même une partie de la classe moyenne. Elle dénonce également les effets de la numérisation « à marche forcée », cause de ruptures de droits : « Il n’y a plus de personnes qui sont en contact de la population », explique-t-elle, rappelant qu’un retard de versement peut faire basculer une famille dans l’impayé, puis la spirale de la dette.

Dans ce contexte, le Secours populaire, qui rassemble 100 000 bénévoles et agit dans 1 300 lieux, déploie une solidarité multiforme. « La solidarité, c’est notre cœur de cible », dit Corinne Makowski. L’association va au-delà de l’aide alimentaire : soutien face à la fracture numérique, accès aux loisirs, au sport, aux vacances, et accompagnement collectif. « C’est important qu’avec les personnes elles-mêmes […] on regarde ensemble comment on peut faire pour trouver des solutions. »

Invitée à formuler des pistes pour réduire la pauvreté, elle répond que « chacun doit prendre ses responsabilités ». Le Secours populaire entend rester un « aiguillon » des pouvoirs publics et rappelle l’enjeu humain : « Ce sont des drames humains », insiste-t-elle, citant le décrochage des jeunes qui se sentent « déclassés ». Le baromètre révèle que 50 % des 18-34 ans évoquent l’angoisse comme sentiment dominant face à leur avenir.

La responsable appelle enfin à « renouer avec une société vraiment solidaire et humaine », en soutenant la vitalité associative et en remettant de l’humain dans les quartiers. « Il faut croire quand même en l’humain », affirme-t-elle. « Nous, on dit qu’on est une association de croyants, pas au sens religieux, mais parce que dans ce qu’on vit tous les jours, on sait que c’est possible. »

Les propos de Corinne Makowski et les données du baromètre dessinent un pays où la précarité s’étend, se transforme et menace de s’installer durablement. Une interrogation demeure : comment reconstruire une société qui permette à chacun, quel que soit son parcours, de vivre dignement et de se projeter dans l’avenir ?


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