L’Algérie, une terre hostile pour les migrants?
- Un proche du président Bouteflika, a déclaré que les migrants subsahariens étaient «source de crime, de drogue». Des propos qui ont provoqué un tollé en Algérie

Algeria
Les migrants « amènent le crime et la drogue ». Une phrase prononcée par Ahmed Ouyahia, chef de cabinet du président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui a suscité la colère de nombreux Algériens, notamment les défenseurs des droits de l'Homme.
L’arrivée en masse de migrants subsahariens ces derniers mois, sur le territoire algérien, semble irriter le chef de cabinet de la présidence algérienne, également responsable du Rassemblement national démocratique (RND) (100 sièges au parlement), deuxième force politique du pays.
Ce dernier a en effet tenu des propos cinglants au sujet des migrants : «premièrement, ces gens-là sont venus de manière illégale. Deuxièmement, la loi algérienne n’autorise pas le recours à la main d’œuvre étrangère. Aujourd’hui, nous avons des travailleurs chinois qui exercent dans le cadre des contrats conclus avec des entreprises chinoises. Mais ils ont des contrats de travail renouvelables. Ces étrangers en séjour irrégulier sont quant à eux des source de crime, de drogue et de plusieurs autres fléaux », avait-t-il affirmé samedi sur la chaine de télévision algérienne privée, Ennahar-TV.
« On ne dit pas aux autorités : jetez ces migrants à la mer ou au-delà des déserts. Mais le séjour en Algérie doit obéir à des règles. On ne laissera pas le peuple algérien souffrir de l’anarchie. Et quand on me parle de droits de l’Homme, je dis : nous sommes souverains chez nous », avait-il encore martelé.
Des propos qui ont aussitôt suscité l’indignation de nombreux Algériens.
Pour Abdelwahab Fersaoui, président de l’association algérienne Rassemblement action jeunesse (RAJ), interrogé par Anadolu, « ces propos sont véritablement scandaleux ».
« Pour nous, l’Algérie est un pays qui a longtemps souffert de l’indigénat. Donc, ne pas s’occuper des migrants n’honore ni le Gouvernement, ni la société. Nous ne devons pas oublier notre appartenance africaine et beaucoup de pays africains avaient soutenu notre volonté d’indépendance, il faut s’en rappeler », a-t-il déclaré.
« L’Algérie doit être solidaire de ces migrants subsahariens. La société civile, le Gouvernement et la presse doivent se mobiliser et sensibiliser contre les discours racistes que certains individus tentent de véhiculer à travers les réseaux sociaux », a-t-il insisté.
Des propos que partagent aussi la section algérienne d’Amnesty International (AI). Dans un communiqué rendu public dimanche, l’organisation internationale a notamment qualifié ces propos de «choquants».
«De tels propos alimentent le racisme et favorisent la discrimination et le rejet de ces personnes. Nous rappelons à M. Ouyahia que ces personnes ont fui les guerres, la violence et la pauvreté. Elles sont venus en Algérie chercher la paix et la sécurité. Il est de notre responsabilité de les accueillir, conformément aux textes internationaux signés et ratifiés par l'Algérie», a réagi AI.
Pour le président de la ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) et avocat Me. Nouredine Benissad, il est en effet du « devoir de l’Algérie » de se « solidariser » avec ces migrants qui, pour la plupart, fuient la misère et les guerres.
«Non, le migrant n’est ni un délinquant, ni un criminel ou porteur de maladies. Ces gens ont fui des guerres, des atrocités pour des raisons politiques, des conflits armés. Il est de notre devoir de les accueillir. Certes parmi ces migrants il peut y avoir des délinquants ou des criminels comme partout. Si c’est le cas, ils devront faire objet d’une procédure régulière comme on le fait avec les criminels et les délinquants algériens», a-t-il réagi dans des propos repris lundi par plusieurs médias locaux.
Selon lui, «les conventions internationales ratifiées par l’Algérie obligent à intégrer ce phénomène migratoire dans le cadre du respect des droits de l’Homme, mais sans être des sous-traitants des pays européens».
Il a appelé, dans ce cadre, les autorités algériennes «à mettre en place un statut juridique pour les réfugiés et demandeurs d’asile».
De son côté, le parti des travailleurs (13 députés, extrême gauche) s’est dit « horripilé par la campagne xénophobe qui cible les migrants des pays du Sahel ».
Un de ses députés, Ramdane Taâzibt, a d’ailleurs appelé face à la presse, l’Etat algérien à «prendre ses responsabilités devant la tragédie qui frappe nos frères africains en scolarisant les enfants qui errent dans les rues des villes et villages du pays» et «en octroyant des permis de travail aux migrants ».
Déjà la veille de la célébration de la journée internationale des migrants, le 20 juin dernier, une campagne raciste, intitulée «non aux africains » et appelant « à nettoyer les villes algériennes », lancée par des anonymes sur les réseaux sociaux, avait suscité l’indignation de nombreux Algériens.
«Nous devons réagir et montrer que les personnes qui tiennent ces propos ne reflètent pas l’ensemble de la société algérienne. Nous sommes un pays africain. Nous avons des compatriotes qui ont une couleur de peau plus foncée. Il est important que nous travaillions sur la tolérance et l’acceptation de nos différences», avait alors réagi Mme Hassina Oussedik, directrice d’AI, en appelant les autorités à « prendre des mesures contre le racisme et les appels à la violence ».
Le nombre de Syriens arrivés en Algérie, depuis le début de la guerre dans ce pays, est estimé officiellement à 40 mille personnes. Des ONG estiment pour leur part que les migrants subsahariens sont de l'ordre d'environ 100 mille.
La plupart, fuyant les troubles ou la misère, sont entrés en Algérie de façon illégale. Aujourd’hui, ils se trouvent dans de nombreuses villes où ils sont « tolérés » par les autorités et pour certains même embauchés sur des chantiers, malgré l’absence d’un cadre juridique pouvant légitimer leur présence.
Actuellement, les autorités s’emploient à recenser tous ces migrants alors qu’une loi sur l’asile et les réfugiés est en voie d’élaboration, avait annoncé le ministère de l’intérieur il y a quelques semaines.
En 2016, environ 20 mille Nigériens ont été reconduits dans leur pays au terme d’un accord entre Alger et Niamey.
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