''Israël est le principal bénéficiaire des attentats de Charlie Hebdo''
Anadolu a interviewé le dessinateur français Zéon.

AA - Paris - Bilal Muftuoglu
Récemment mis en examen pour son dessin considéré injurieux par la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), le dessinateur français Zéon a affirmé que l'Etat d'Israël est le ''principal bénéficiaire'' des attentats contre le siège du journal satirique Charlie Hebdo.
S'exprimant à Anadolu sur le concept de la liberté d'expression et sur les juifs de France et l'antisémitisme, Zéon a soutenu que les accusations de la presse en France sont employées ''pour empêcher la critique des gens qui ont du pouvoir en France''. Le dessinateur avait fait l'objet d'une plainte déposée par la LICRA début mars, après les attentats contre Charlie Hebdo, pour deux dessins. Un de ces dessins mettant sur une balance d'un côté la souffrance d'un juif déporté et de l'autre les autres misères de l'humanité, le second dessin symbolise l'offensive israélienne à Gaza par un couteau en forme de la carte d'Israël. Relaxé à la suite de sa mise en examen, Zéon a déclaré que la shoah demeure tabou au sein de la société française, qui ressent un sentiment de ''culpabilité'' vis-à-vis la communauté juive.
D'autre part, comparant le climat social qui s'installe en France après les attentats contre Charlie Hebdo à celui qui a suivi les attentats du 11 septembre, Zéon a relevé ''On a eu une seule alternative comme dans les mafias: Tu es avec nous ou contre nous''.
'' Soit tu es Charlie, soit tu es terroriste'', a-t-il insisté.
- ''Dès qu’il y a un attentat terroriste et qu’il y a des choses floues il faut se poser des questions'' -
''Dès qu’il y a un attentat terroriste et qu’il y a des choses floues il faut se poser des questions'', a souligné Zéon mentionnant certains éléments qui laisseraient penser que l'attaque contre Charlie Hebdo serait bel et bien contrôlé ou manipulé par d'autres acteurs. Le dessinateur a affirmé avoir trouvé ''bizarre'' le fait que les frères Saïd et Chérif Kouachi, auteurs des attentats, aient pu ''se balader'' à Paris après leur irruption dans le siège du journal, malgré l'omniprésence des caméras de surveillance dans la capitale française. Il a par ailleurs rappelé que les services de renseignements français avaient arrêté la mise sur écoute des frères Kouachi en juillet 2014.
Les Etats-Unis, Israël et la France auraient pu faire un accord pour mettre au point ces attentats, a encore estimé Zéon, insistant sur le fait qu'Israël en a tiré le plus grand bénéfice. En ce qui concerne le déplacement du Premier ministre Benyamin Nétanyahou à Paris pour le rassemblement en soutien à Charlie Hebdo, Zéon a ironisé en indiquant: ''C'est un peu l’enterrement chez les mafias, il y a le parrain qui vient enterrer son pire ennemi alors que c’est lui qui l’a tué''.
- ''Antisémitisme en France est une fabrication'' -
Dénonçant sa mise en examen pour son dessin considéré injurieux par la LICRA, le dessinateur Zéon a affirmé que les grands médias français évitent de traiter son affaire de peur de se trouver ''en contradiction par rapport à l'affaire Charlie Hebdo''. Il a noté à cet égard que ses caricatures n'étaient pas ''antisémites'' mais ''antisionistes''. Soutenant encore que l'antisémitisme en France est une ''fabrication'', Zéon a assené que l'antisémitisme sert à ''mener la communauté juive à la baguette, les recentrer et les garder ensemble''.
Le dessinateur français a expliqué que ni lui ni ses amis juifs ne se sentent particulièrement en danger en France après les attentats de janvier. Il a par ailleurs ajouté que les juifs de France, qui émigrent en partie vers Israël, préfèrent davantage s'installer au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis pour des raisons ''économiques'' et non pas ''sécuritaires''.
- ''Dieudonné incarne l'absence de liberté d'expression en France'' -
A l'égard du concept de liberté d'expression, Zéon a noté: ''Les démocraties parlent de liberté d’expression en disant 'regardez les pays barbares, ils enferment les journalistes'''. Pourtant selon le dessinateur, ces démocraties aussi ont des ''façons de supprimer un opposant politique''. Il a mentionné ainsi une pression qui pousse à la ''mort sociale'' des opposants, notamment par des agressions contre leur famille, ou contre son employeur afin que l'opposant soit licencié de son poste. Le comédien Dieudonné est donc l'exemple même de la personnalité qui ''incarne le fait qu'il n'y a pas de liberté d'expression en France'', d'après le dessinateur.
Affirmant en outre que la liberté d'expression est un ''mirage'', il a relevé ''c’est un concept qui n’existe jamais, et qui n’a jamais existé sur Terre''.
''Le pouvoir ne peut se laisser critiquer'', a encore martelé Zéon.
- "Je ne suis pas Charlie ... et j't'emmerde" -
Selon Zéon, il y aurait deux types de caricatures, celui ''qui pousse au dialogue'' et l'autre qui ''pousse à l'insulte''. Il a regretté à cet égard la caricature du prophète Mahomet dessinée par les caricaturistes de Charlie Hebdo, affirmant que par ces dessins ''on sait qu’on va insulter un ensemble de gens gratuitement'' et qu'il n'y a pas de ''critique de fond''.
Le dessinateur a fait savoir par ailleurs qu'il publiera au courant de la semaine avec un groupe d'artistes français, un ouvrage intitulé ''Je ne suis pas Charlie ... et j't'emmerde'', une série des dessins par lesquels ils espèrent ''répondre avec humour à Charlie Hebdo'' et ''faire le contrepoids'' à ''l'idéologie'' de ce journal.