
AA - Reims - Bilal Muftuoglu/ Fatma Esma Arslan
L'administration du Collège Léo Lagrange qui avait interdit Sarah K. de cours pour sa ''longue jupe'', avait imposé des interdictions similaires, réservées uniquement aux élèves musulmanes, révèlent les témoignages.
Le collège situé à Charleville-Mézières aurait ainsi reçu un ordre supérieur pour placer les élèves musulmanes portant des longues jupes dans une ''chambre isolée'' pour les décourager à adopter un tel style vestimentaire.
Gulsum O., mère d'origine turque d'une jeune fille qui va au même collège que Sarah K., a expliqué à Anadolu que sa fille Saliha avait reçu un avertissement au même motif que cette dernière, sans pourtant être renvoyée chez elle.
Soulignant qu'elles n'ont eu aucun souci au sujet de longue jupe jusqu'en avril, Gulsum O. a raconté dans ses propres mots, l'interdiction imposée par la principale, Maryse Dubois:
''J'ai demandé à un groupe d'élèves musulmanes ce qui se passait à l'école. Elles m'ont répondu que l'administration leur mettait sous pression en raison de leur style vestimentaire. Elles estimaient par ailleurs être discriminées en raison de leur religion. Ma fille ne porte pourtant même pas le voile''.
Gulsum O. a par ailleurs fait savoir que lors de sa rencontre avec la principale, notamment pour ''apprendre son obsession avec la longue jupe'', cette dernière lui a parlé d'un ''ordre supérieur'' les obligeant à introduire une telle interdiction.
Interrogée alors sur l'origine de cet ordre, l'administration scolaire s'est refusée à tout commentaire et à révéler le document officiel attestant une telle interdiction, a ajouté Gulsum O.
Selon l'interprétation de cet ordre par Dubois, les filles musulmanes qui portent des longues jupes devraient être retenues dans une ''chambre isolée'' et l'administration scolaire fait ainsi preuve d'une ''indulgence'' en évitant une telle mesure.
Un responsable de l'Académie de Reims, qui regroupe l'ensemble des établissements scolaires des départements des Ardennes, de l’Aube, de la Marne et de la Haute-Marne, dont le Collège Léo Lagrange, a confié à Anadolu que l'Académie n'a jamais mis en œuvre une mesure à l'encontre des longues jupes et qu'il n'a jamais entendu parler des ''chambres isolées''.
Pourtant, les mesures à l'encontre des filles musulmanes au collège Léo Lagrange ne se limiteraient pas aux affaires de ''longue jupe'' et de ''chambre isolée'', selon Gulsum O.
Les professeurs du collège diraient aux élèves musulmans, ''Vous les musulmans, vous convertissez vos camarades français pour faire la guerre au nom de l'islam'', a ainsi noté Gulsum O.
Saliha O., jeune élève de 11 ans, a expliqué à Anadolu qu'elle a uniquement mis la jupe ''parce qu'il faisait beau''.
''On m'a dit que ma longue jupe était un signe ostentatoire d'appartenance religieuse alors que je ne porte même pas le voile'', a précisé Saliha, qualifiant cette explication d'''incompréhensible''.
Saliha O. n'a par ailleurs subi aucune remarque de la part de la principale pour sa longue jupe, qu'elle a portée à plusieurs reprises depuis, après que sa mère a demandé à l'administration scolaire de révéler ''l'ordre supérieur'' en question.
Interrogée par Anadolu, la principale Dubois s'est refusée à tout commentaire.
L'autre élève musulmane du collège, Sarah K, 15 ans, avait révélé pour la première fois fin avril, l'interdiction de ''longue jupe'' au nom de la violation des principes de la laïcité. S'exprimant à Anadolu, Sarah K. avait noté que l'interdiction visait uniquement les filles musulmanes et que d'autres filles non-musulmanes qui portent des longues jupes pouvaient entrer à l'école sans problème.
- Au moins 130 interdictions de cours en 2014 pour le port des signes ostentatoires à l'école
Pour Elsa Ray, porte-parole du Collectif contre l'islamophobie, cette interdiction ne relève pas d'un acte isolé.
''Dans les deux dernières années, nous avons traité des centaines de cas similaires. Ces derniers mois, certaines filles ont été interdites de cours pour porter des jupes jugées trop longues à Montpellier'', a-t-elle indiqué dans une déclaration à Anadolu.
En 2014, près de 130 élèves se sont vus refuser l'entrée en classe pour avoir porté des signes religieux ostentatoires, selon le Collectif.
''L'interdiction de cours pour une telle raison est contre la loi, il s'agit d'une atteinte à la liberté de ces jeunes filles qui ont le droit comme les autres de s'habiller comme elles veulent'', a encore assené Ray.