France: Sarah, la jeune musulmane, continuera à mettre sa "longue jupe" à l'école
Sarah affirme à Anadolu qu'elle continuera à s'habiller ''normalement'' et mettra sa jupe ''quand il fait beau'' ou ''quand [elle] voudrai[t]''.

AA/ Paris/ Bilal Muftuoglu
Sarah K, jeune fille musulmane interdite de cours en France pour sa « longue jupe », jugée comme un signe ostentatoire d'appartenance religieuse, est revenue sur son expérience dans une interview exclusive à Anadolu, affirmant qu'elle continuera à porter sa jupe à l'école malgré la décision de la direction de son collège.
Elève d'origine algérienne du collège Leo-Lagrange à Charleville-Mézières, Sarah K., 15 ans, a ainsi raconté son expérience avec la directrice de son école : « J'ai retiré mon voile comme d'habitude, je portais ma jupe noire. Il y avait la directrice qui m'attendait à quelques mètres de la grille. A mon arrivée, elle m'a dit qu’elle ne voulait pas m'accepter en jupe. Elle m'a demandé de retourner chez moi et de changer, m’expliquant qu’elle avait reçu un appel de l'inspection académique, lui donnant le droit de renvoyer les personnes en jupe. J'habite à une heure de l'école, je lui ai dit que je peux venir demain en pantalon, elle m'a dit on ne t'accepte pas aujourd'hui en jupe, tu retournes chez toi. Donc, je suis partie chez moi pour changer. »
Indiquant qu'elle est de suite repartie en pantalon, Sarah K. a toutefois affirmé que sa tenue vestimentaire n'était pas « une raison valable » pour être renvoyée chez elle.
La direction de son collège a décidé d'entamer une action le 24 avril dès lors que la jeune fille portait à nouveau ce jour-là, une « longue jupe noire », a fait savoir Sarah K. « Vendredi juste avant les vacances, il faisait beau, il y avait d'autres personnes en jupe, donc j'étais partie en jupe », indique-t-elle.
« La directrice a ainsi envoyé un courrier à mes parents, leur signifiant que s’ils ne rectifiaient pas ma tenue vestimentaire, je ne pourrais pas poursuive ma scolarité au collège », se désole Sarah K.
Dans une lettre signée Maryse Dubois, la principale du collège Leo-Lagrange, il est précisé que la jeune fille n'a pas été acceptée en classe « parce qu'elle portait des signes ostentatoires d'appartenance religieuse ». La principale appelle ainsi les parents de Sarah K. à « rectifier la tenue vestimentaire » de leur fille s'ils souhaitent « qu'elle poursuive sa scolarité au collège ».
« La poursuite de cette tenue provocante interdira son accueil en classe », a par ailleurs menacé la principale.
Pour Sarah K., la jupe longue relève essentiellement d'un « style vestimentaire » et ne va pas « systématiquement avec le voile ».
« Si c'était une jupe courte ils ne diraient rien, il y a des personnes qui ne sont pas voilées qui mettent des jupes, on ne leur dit rien », fait observer Sarah K, expliquant que la directrice lui avait proposé de la faire rentrer à l'école si on raccourcit la jupe.
« La jupe n'a rien de particulier. Courte ou longue, je ne vois pas ce qui dérange. Ça ne les regarde, ce que je mets en dehors de l'école, à partir du moment où je rentre sans le voile et mets juste une jupe, ça ne leur pose aucun problème », insiste-t-elle.
Quant à la rentrée scolaire prévue le 11 mai, Sarah K. affirme qu'elle continuera à porter sa longue jupe à l'école et qu’elle reprendra ses études sans réfléchir à cet incident avec la direction.
« J'irai à l'école normalement, quand il fera beau ou quand je voudrais. Je mettrai une jupe », note ainsi Sarah K, se montrant tout de même pensive sur la reconduite d'une telle interdiction.
« Si ça pose toujours un problème, on verra », ajoute-t-elle.
La mère de Sarah K. affirme de son côté qu'elle ne trouvait pas « normal » que sa fille soit renvoyée chez elle en raison de sa longue jupe. « On était surpris, c'est une jupe qu'on a achetée à Kiabi (un groupe français de distribution ayant pour concept la Mode à petit prix, ndlr) », raconte-t-elle.
La mère a, aussi, tenu à souligner que sa jeune fille continuera à s'habiller « normalement » à l'école, à partir de la rentrée scolaire.
L’autre son de cloche donne à lire que la directrice fait preuve de « discernement ». La ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem l’a exprimé, jeudi, sur la chaîne de radio française RTL. Belkacem a, en effet, défendu la décision de la direction du collège de Sarah, saluant son « discernement ».
Affirmant qu' « aucune élève ne peut et n'a d'ailleurs été exclue en raison de la longueur ou de la couleur de sa jupe », Belkacem a toutefois assené que le cas de Sarah était au-delà d'une simple histoire de tenue vestimentaire.
« L'équipe pédagogique a fait preuve de discernement pour juger du caractère prosélyte, ou pas, non pas de la tenue mais de l'attitude de l'élève », a-t-elle ainsi soutenu.
Les internautes ont, de leur côté, fait part de leur opposition à cette interdiction ainsi que de leur soutien à Sarah et à d'autres filles musulmanes sur les réseaux sociaux.
Le hashtag "#JePorteMaJupeCommeJeVeux", utilisé 50 000 fois par les utilisateurs de Tweeter était parmi les sujets les plus populaires sur ce réseau social mercredi et jeudi.
Certains ont partagé les photos des stars hollywoodiennes sur le tapis rouge portant des jupes longues, comme Angelina Jolie et Emma Watson, ou encore celles de la Première Dame des Etats-Unis, Michelle Obama, commentant: « Désolé, vous ne pouvez pas aller à l'école en France. Vos jupes sont trop longues ».
« En 1968, l'ordre établi contre les garçons aux cheveux longs. En 2015, il est contre les filles aux jupes longues » (Fondateur de Mediapart)
D'après le député du Parti socialiste (PS) Alexis Bachelay, l'interdiction des « jupes longues » ne correspondrait pas à la définition de la laïcité. Revenant sur la polémique du menu unique à l'école, il a noté dans son message sur Twitter, « Défendre la laïcité, ce n'est pas imposer une longueur de jupe ou un repas dans l'assiette de la cantine #JePorteMaJupeCommeJeVeux ».
Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, s'exprimant aussi sur Twitter, a rappelé de son côté : « En 1968, l'ordre établi contre les garçons aux cheveux longs. En 2015, il est contre les filles aux jupes longues ».
L'interdiction de « longues jupes » n'est pas une première en France, selon le CCIF
Réagissant à cet incident, le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie, Abdallah Zekri, a confié à Anadolu qu'il trouve « scandaleux et inacceptable » qu'une jeune fille a été interdite de cours au motif de la violation des principes de la laïcité.
Dans ce sens, il a ajouté : « Porter une jupe longue n'a rien d'ostentatoire. La jeune fille a respecté la loi de l'interdiction de porter le voile dans son établissement scolaire, ainsi je ne vois pas de quelle laïcité ils parlent: celle qui exclut les gens, celle qui n'accepte pas les autres. »
Zekri a par ailleurs indiqué que les autorités françaises devront arrêter cette « exclusion » pour ne pas voir « ces jeunes filles partir en Syrie, lassées d'être opprimées en France ».
Pour Elsa Ray, porte-parole du Collectif contre l'islamophobie, cette interdiction ne relève pas d'un acte isolé.
« Dans les deux dernières années, nous avons traité des centaines de cas similaires. Ces derniers mois, certaines filles ont été interdites de cours pour porter des jupes jugées trop longues à Montpellier », a-t-elle indiqué dans une déclaration à Anadolu.
En 2014, près de 130 élèves se sont vus refuser l'entrée en classe pour avoir porté des signes religieux ostentatoires, selon le Collectif.