Politique

France: La déchéance de nationalité, une mesure qui divise la sphère politique

Le gouvernement français est en plein débat à un jour de la présentation de la réforme constitutionnelle sur l'état d'urgence, qui pourrait inscrire la déchéance de nationalité pour les bi-nationaux nés en France dans la Constitution.

Bilal Müftüoğlu  | 22.12.2015 - Mıse À Jour : 23.12.2015
France: La déchéance de nationalité, une mesure qui divise la sphère politique

Ile-de-France

AA - Paris - Bilal Muftuoglu

La déchéance de nationalité pour les binationaux nés en France, une mesure qui a été reprise depuis les attentats de Paris du 13 novembre, continue à marquer les différends entre la gauche et la droite, mais aussi au sein du gouvernement socialiste. 

Le débat sur l'utilité de la déchéance de nationalité, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, est devenu encore plus marquant à un jour de la présentation par le gouvernement d'une réforme constitutionnelle qui prévoit l'inscription de cette mesure dans la Constitution. 

Le texte qui devrait être présenté mercredi devant le Conseil des ministres, prévoit à l'heure actuelle qu'un "Français qui a également une autre nationalité peut, dans les conditions fixées par la loi, être déchu de la nationalité française lorsqu'il est définitivement condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme". 

L'inscription d'une telle mesure est avant tout soutenue par le Front national (FN), qui depuis sa création invoque le droit du sang contre le droit du sol pour l'obtention de la nationalité française. Elle est aussi favorablement reçue par la droite, dès lors que Nicolas Sarkozy, président des Républicains, avait lui-même proposé d'étendre la portée de la déchéance de nationalité comme président de la République en 2010.

"La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme ou de toute personne dépositaire de l'autorité publique", avait alors déclaré Sarkozy en 2010, au moment des émeutes à Grenoble. 

La disposition, soutenue à l'heure actuelle par le président français François Hollande, n'est guère un projet traditionnel de la gauche. Elle a d'ailleurs suscité de nombreuses inquiétudes au sein de la gauche, à commencer par le Premier ministre Manuel Valls. 

"Ce projet de réformer crispe terriblement la gauche. Est-ce que le symbole en vaut la peine ?", s'est interrogé le Premier ministre français, intervenant la semaine dernière sur France Info. 

"Ce n’est pas la déchéance de nationalité qui va permettre d’arrêter les terroristes", a argué pour sa part, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste (PS). 

"La lutte contre le terrorisme ne justifie pas tout. Même si les cas seront peu nombreux, déchoir des individus de la nationalité française, c’est une concession symbolique faite à l’extrême droite", avait noté Pascal Cherki, député PS de Paris, dans un article paru au journal l'Hémicycle. 

Rejoignant le débat lundi, Bruno Le Roux, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, a aussi assené que la mesure en question ne serait "susceptible" d'arrêter le terrorisme. 

"Quand quelqu'un qui a la nationalité française et une autre nationalité retourne les armes contre son pays au profit supposé d'un autre pays, cela peut appeler une réponse, mais je n'ai jamais pensé que c'était susceptible d'arrêter le terrorisme", a-t-il ainsi noté. 

La mesure jugée nécessaire par Hollande dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ne devrait concerner que très peu de terroristes, y compris les assaillants des attentats du 13 novembre. En effet, seul Ismaïl Mostefaï, un des kamikazes de la salle de concert Bataclan, détenait les nationalités française et algérienne, soit une nationalité non-européenne. Né à Chartres, il n'avait obtenu la nationalité algérienne que grâce à ses parents originaires de ce pays.

Les deux autres kamikazes de Bataclan, Foued Mohamed-Aggad et Samy Amimour, nés tous les deux en France, n'avaient que le passeport français, et ne pourraient être déchus de leur nationalité française, dès lors que la disposition interdit de réduire les Français au statut d'apatride.

La réforme constitutionnelle, qui devrait, entre autres, instaurer un nouveau régime d'état d'urgence en cas de menace terroriste, doit recueillir le soutien des trois cinquième des députés.

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